Situation sociopolitique : ZIDA doit s'occuper surtout de ses amis

| 10.04.2015
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Situation sociopolitique : ZIDA doit s'occuper surtout de ses amis
© DR / Autre Presse
Situation sociopolitique : ZIDA doit s'occuper surtout de ses amis
La Transition est assurément dans une mauvaise passe. Après l'euphorie, les autorités font face à la réalité du pouvoir. Le comble, c'est que le Premier ministre Yacouba Isaac ZIDA qui tient le gouvernail semble avoir perdu le nord. D'où sa sortie pour le moins inopportune. Mais qui peut avoir intérêt à cette chienlit de la Transition ?


Yacouba Isaac ZIDA regrette-t-il d'avoir pris les rênes du pays après le « kalaboulé » de fin Octobre 2014 qui a amené le Président Blaise COMPAORE à se retirer sagement du pouvoir ? Terriblement affaibli après son bras de fer avec ses ex-camarades du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), il était entré dans une certaine « hibernation ». L'homme ne parlait plus se contentant de sa routine quotidienne : aller au bureau, participer au Conseil des ministres à Kosyam même s'il n'a certainement plus la même perception du bâtiment de la Présidence qu'avant la crise du 4 février dernier, aller à l'Eglise rendre grâce au Seigneur. Les Burkinabè se demandaient s'il allait seulement un jour parler. Dans ses rares apparitions, il s'exprimait avec une voix dissimulée comme pour ne pas se faire entendre. Et on se demandait alors où est passé le flamboyant Lieutenant-colonel qui est apparu à la Place de la Nation après les tristes évènements de fin octobre levant le poing tel un Thomas SANKARA à ses moments de gloire. Ses discours dignes des grands populistes de l'histoire résonnent encore dans nos tympans. Ses thuriféraires l'ont même comparé à des personnages comme, évidemment Thomas SANKARA, Ernesto CHE GUEVARA... Mais c'était avant qu'il ne scie la branche sur laquelle il était assis ; à savoir le RSP qui l'a réellement porté au pouvoir. Suite aux évènements du 4 février et son passage obligé chez le Mogho-Naba BAONGHO, comme dirait l'autre pour sauver son nez, des analystes ont affirmé que le rapport de force penche désormais du côté du Président Michel KAFANDO que certains voyaient comme une simple momie dans le musée de Kosyam créé depuis qu'il a été investi à cette charge qui revenait par sa puissance de feu à ZIDA. Mais en vieux sage reconnaissant le Président de la Transition fait profil bas parce qu'il sait que sa présence à Kosyam a été une volonté de l'armée et de Yacouba Isaac ZIDA.

Un gouvernement incapable

L'incapacité congénitale de ce gouvernement à répondre aux préoccupations des Burkinabè a généré un mécontentement général. Les grèves se succèdent aux déclarations incendiaires pour fustiger les actions des « sauveurs d'octobre ». Les Organisations de la société civile (OSC), dont les responsables ont changé de dimension depuis peu, sont déconnectées de la réalité. Elles se moquent du peuple avec leur attitude insultante de nouveaux riches. Leurs discours ne passent plus. La soi-disant capacité de mobilisation qu'ils revendiquent s'est avérée fausse. Démonstration a été faite à deux reprises.

Le 3 février, ZIDA sentant la colère monter chez les soldats du RSP a voulu s'appuyer sur les OSC pour contrer ces derniers par une mobilisation populaire. Ce fut le fiasco au bout. Après les errements du ministre de l'Administration territoriale A. Denise BARRY à Abidjan et la réaction hostile des jeunes de la diaspora, les fameux OSC ont promis de lui réserver un accueil triomphal. ZIDA s'est lui-même déplacé à l'Aéroport mais le peuple est resté chez lui. Il n'y avait qu'une poignée d'inconditionnels qui ont pu promouvoir leur situation sociopolitique depuis les évènements d'octobre pour applaudir le zorro de l'Avenue de l'Indépendance. Tout naturellement, le gouvernement de la Transition qui a l'art de mal lire les évènements, au lieu de chercher à résoudre les problèmes des Burkinabè, s'en prend, sans raison, aux membres de l'ancien régime. Croyant s'attirer la sympathie des masses, il nourrit le mécontentement des populations. Les revendications corporatistes se multiplient et cela dans des secteurs très sensibles comme les produits de grande consommation.

Les travailleurs de la Brakina déclenchent une grève illimitée. Les machines se taisent, les fûts de bière se vident, les bars et les maquis tournent au ralenti voire ferment pour certains. C'est tout un secteur de l'économie qui partait en lambeaux. Comme si cela ne suffisait, les chauffeurs routiers refusent de se mettre au volant de leurs camions. Les effets négatifs de ce débrayage sont venus de là où on s'attendait le moins : la SONABEL qui vit au jour le jour voit ses moteurs réduits au silence. Le pays est plongé dans le noir. Sentant la menace grandir et la fin se profiler à l'horizon, Yacouba Isaac ZIDA décide de sortir de son silence, le 2 avril dernier, l'occasion était trop belle pour le Lieutenant-colonel de se faire entendre.

A l'image de Michel KAFANDO en fin d'année, ZIDA bande les muscles et accuse pêle-mêle les dirigeants de l'ancien régime qui ne supportent pas la perte du pouvoir, les mains cachées qui manipulent les contestataires. C'est la deuxième fois qu'il s'en prend à des Burkinabè sans exhiber la moindre preuve après ses déclarations à l'aéroport au retour de Denise BARRY et de ses hommes de la Côte d'Ivoire. On est fondé à penser qu'une main invisible le pousserait lui-même à faire ses déclarations malheureuses, à moins que cela ne soit une exécution de sa part d'un agenda caché.

En criant au complot, la Transition se met dans la peau de la victime tout en désignant par avance ses bourreaux. Selon une sagesse populaire « c'est parce que la bouche se porte bien que la salive peut s'écouler ». Si le Burkina entre dans une forte zone de turbulences, les élections cesseront d'être une préoccupation des populations. La description de ZIDA de ce point de vue est parfaite : « La tournure prise par les évènements ces derniers temps, à travers des mouvements de grèves désordonnés, des revendications intempestives, qui n'ont de corporatiste que de nom, des occupations des lieux de travail, des entraves à la liberté de circuler, indique clairement que l'on veut empêcher le Gouvernement de travailler et, à terme, les élections de se dérouler ». S'il n'y a pas d'élections, la Transition peut continuer sa route en attendant que la sécurité et la quiétude reviennent dans le pays. S'il veut le calme, il suffit pour le Premier Ministre de regarder à côté de sa propre personne pour voir ceux qui lui donnent des insomnies. Les OSC et les partis politiques qui prônent l'exclusion, en invoquant des raisons fallacieuses, sèment les graines du désordre et de la discorde. Au lieu de menacer ses « ennemis », ZIDA doit s'occuper surtout de ses « amis. » Leur jeu est extrêmement dangereux, parce qu'on sait où commence une aventure mais on ne sait pas où elle s'arrête.

Ahmed NAZE

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