Dans les QG des partis concernés, l'heure est à la mobilisation des militants pour lancer la contre-offensive et obtenir l'annulation de la loi dite « liberticide et non inclusive ». Dans une déclaration, les députés membres de l'Alliance pour la Démocratie et la République, regroupant les représentants des partis de l'ex-mouvance présidentielle, ont annoncé leur retrait du conseil national de la transition et de la Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes. Cela, dans le but de protester contre l'adoption de la nouvelle loi électorale qu'elle qualifie d'anti constitutionnelle. Certes, l'intention était de faire pression sur le président Michel Kafando, afin qu'il renonce à la promulgation de la loi.
Seulement, ce retrait du CNT est, le moins que l'on puisse dire, anachronique et inopportun. Parce que, pour avoir participé au vote, il est clair qu'ils ont contribué à donner une légitimité à ce vote, et on retiendra que la nouvelle loi a été votée avec 75 voix pour, 10 voix contre et 3 abstentions. Pourquoi n'avoir pas démissionné plus tôt ? Maintenant qu'ils ont été pris de court par les événements, qu'ils boivent le calice jusqu'à la lie, et surtout, qu'ils reviennent à la raison en adoptant une stratégie beaucoup plus républicaine. C'est à croire que l'ex-parti majoritaire et ses satellites sont décidés à employer tous les moyens pour contraindre les organes de la transition à faire machine arrière. C'est peut-être ce qui leur reste à faire, mais encore faut-il que leur mouvement soit inscrit dans un cadre formel. Et leur retrait du CNT n'est pas pour plaider en leur faveur. Il vaut mieux rester au sein du CNT et batailler dur, exactement comme l'ex-opposition l'a fait pour empêcher la modification de l'article 37.
Pourquoi Bassolé ne décolère pas ?
L'une des personnalités qui se serait le plus fait remarquer par sa virulence est Djibril Bassolé, autrefois ministre de la diplomatie de Blaise Compaoré. Depuis l'adoption du nouveau code électoral, l'ancien général de la gendarmerie, reconnaissable par sa discrétion, semble péter les plombs. Par médias internationaux (France 24, Jeune Afrique, RFI) interposés, l'homme n'entend pas se résigner à la nouvelle loi. « Si le chapeau te fais, mets-le », semble décider le patron de la Nouvelle Alliance du Faso (NAFA). Mais de quelle manière ! Djibril Bassolé, dans ses déclarations, entend passer outre cette loi et se présenter coûte que coûte à l'élection présidentielle.
En effet, même si la nouvelle loi électorale, « a gardé son caractère général et impersonnel », Bassolé se sent visé directement par cette loi, lui qui jouit d'un potentiel certain pour rivaliser avec les cadors actuels du champ politique. D'ailleurs, dans un récent sondage publié par l'institut de recherche et de sondage Apidon, il vient dans le trio de tête après Roch et Zéph. Mais lorsque le président de la NAFA argue à cor et à cri qu'il va se présenter, quoi qu'il advienne, on ne peut s'empêcher de se demander ce que l'ancien général de la gendarmerie est en train de tramer, ni quels sont ses soutiens. Ne serait-il pas sage pour lui de faire profil bas et de mieux s'armer pour 2020, que de jouer au trouble-fête ? Ce qu'on ne saurait trop le conseiller.
Cette fois-ci, l'issue risque d'être incertaine...
Si on a pu éviter, au temps fort de la contestation contre le projet de révision de l'article 37, des affrontements sanglants entre jeunes, cela est moins sûr aujourd'hui. Et pour quelques raisons : d'abord, parce que l'opposition regroupée à l'époque autour du chef de file de l'opposition avait su maitriser ses militants, grâce à une organisation interne bien coordonnée. Ensuite, tout mouvement contre les organes de la transition risque d'être vu comme un acte de sabotage contre la révolution qui a emporté l'ancien régime et dont la ferveur n'est pas encore retombée.
Incontestablement, il y a encore de l'électricité dans l'air et toute maladresse risque d'être dommageable. Enfin, il y a qu'aujourd'hui, c'est encore plus difficile de circonscrire une crise au Burkina, tant les protagonistes ne sont pas clairement définis. Aujourd'hui, certains partis ont des tentacules à l'étranger et ces derniers n'hésiteront pas à tirer les ficelles. Et notre armée nationale semble toujours à la recherche d'une union perdue. Loin de nous l'intention de dramatiser la situation, mais il est certain que les voyants sont de nouveau au rouge. Toute chose qui recommande la sagesse, le sens du patriotisme et de l'intérêt commun dans les agissements des uns et des autres. Personne ne gagnerait aujourd'hui à ce qu'une crise éclate au Burkina, parce que son issue risque d'être incertaine.
En attendant, la nouvelle loi électorale à polémique a déjà été signée et promulguée par le président du Faso et, les institutions de la transition continue leur petit bonhomme de chemin. Evidemment, les réactions du groupe de contact et celles des corps diplomatiques appelant à une inclusion de tous les partis dans le processus électoral résonnent comme une lueur d'espoir pour les partis membres de l'ex-mouvance présidentielle. Reste que la suite à donner à cette loi est du ressort du Conseil Constitutionnel, qui pourra décider de sa légalité ou de son illégalité.
Max Junior