Après le coup de sang mercredi 4 février 2015 de cette unité d'élite exigeant le départ des militaires du gouvernement de transition, particulièrement la démission du Premier ministre, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, c'est de nouveau l'ébullition au sein des organisations de la société civile et de la classe politique.
Aussi bien à Ouagadougou qu'à Bobo-Dioulasso, cette sortie tonitruante du RSP suscite un véritable concert de désapprobations.
Réunis hier dans la soirée, une vingtaine de mouvements de la société civile de la capitale ont durement condamné ce qu'ils considèrent comme « manœuvres réactionnaires et antidémocratiques », exigé la « dissolution du RSP, condition indispensable d'un renouveau démocratique » et appelé le peuple à des manifestations imminentes.
Même son de cloche du côté des partis politiques affiliés à l'ex-chef de file de l'opposition qui ont réaffirmé leur soutien aux autorités de la Transition.
A Bobo-Dioulasso quelques manifestants sont descendus hier dans la rue pour protester contre les récentes actions de cette garde prétorienne.
Au moment où nous bouclions la présente édition, nous avons appris de sources proches de la hiérarchie militaire que le RSP a finalement renoncé à sa revendication portant sur la démission du Premier ministre en contrepartie, il a obtenu la nomination du colonel-major Boureima Kiéré au poste de chef d'état-major particulier du président du Faso en lieu et place du lieutenant-colonel Théophile Nikièma affecté au cabinet militaire du chef de l'Etat. Le colonel Céleste Coulibaly a lui été promu comme chef du corps du RSP conformément à une des exigences de la troupe présidentielle.
Vous pourrez lire en pages 9 et 10 quelques-unes des déclarations parvenues à notre Rédaction.
Réactions de leaders de partis politiques et de la société civile
Roch Marc Kaboré, président du MPP
«Soyons réalistes, on ne peut pas dissoudre le RSP par décret»
Nous avons consensuellement engagé la transition, aussi bien avec les partis politiques, la société civile que les Forces de défense et de sécurité. Notre rôle en tant que parti politique, c'est de nous battre pour que la transition se déroule normalement et nous considérons que les choses telles qu'elles se passent aujourd'hui sont inacceptables. Il n'appartient pas à une partie du peuple de remettre en cause cette transition. C'est pourquoi nous appelons nos militants à plus de vigilance et à se tenir prêts pour montrer que nous sommes pour la défense de la Charte de la Constitution et la bonne exécution de la transition, aussi bien dans son contenu que dans son terme. Il faut alors mener un combat ferme et expressif qui a amené le peuple à s'engager et à prendre position. Les conditions dans lesquelles le Premier ministre et le président ont été nommés ont été acceptées de toutes les forces en présence et il n'y a pas de problème entre le président et son Premier ministre. Il ne nous appartient donc pas de demander le départ du chef du gouvernement. S'agissant du RSP, la question est posée depuis fort longtemps mais je pense qu'il faut garder un certain réalisme. Que le RSP soit reconverti pour assurer d'autres missions, cela est possible mais il ne faut pas non plus penser que par décret on peut décider de sa dissolution.
Ablassé Ouédraogo, président de Le Faso Autrement
«Il ne faut pas dramatiser la situation»
Tous ceux qui ont l'expérience de la gestion de crise savent qu'une transition ne peut pas être un long fleuve tranquille. Toute transition comporte des difficultés, elle peut même être très fragile. Pour nous, il appartient aux Burkinabè, qui se sont soulevés en fin octobre, de savoir ce qu'ils veulent. Le peuple a réclamé le changement et l'alternance et la charte adoptée et signée correspond à ces aspirations. C'est un devoir pour tout Burkinabè de travailler à ce que la transition finisse dans de bonnes conditions. Il n'y a pas à dramatiser ce qui est arrivé pour peu que les acteurs comprennent que le peuple ne va pas se laisser voler sa victoire. Les Forces de défense et de sécurité sont une composante très importante de notre société et à ce titre, elles ont leur responsabilité dans la construction de notre pays. Il faut que chaque Burkinabè mette de l'eau dans son vin pour qu'on avance. Moi, je ne suis pas dans la logique de dissoudre quoi que ce soit ; ce qu'il faut, que chacun joue sa partition pour qu'on conduise à terme la transition par des élections transparentes en vue de la paix et de la stabilité du pays.
Zéphirin Diabré, président de l'UPC
«Je suis mal placé pour dire de dissoudre un Régiment»
Nous avons des informations qui font état de tensions au sein de l'armée, dont les répercussions sur le fonctionnement de la transition sont évidentes, et cette réunion a été l'occasion de réaffirmer notre soutien à la transition. Ces événements touchent une partie signataire de la Charte mais ils ne doivent pas remettre en cause sa mise en œuvre. Rien ne doit se décider ni être tranché en dehors du cadre dans lequel la transition a été mise en place. Nous, nous avons plus une structure formelle mais c'est maintenant qu'elle se met en place pour voir quel type d'action mener. La question sur la dissolution du RSP était une revendication qui a pris des proportions qu'on ne maîtrise plus, je ne suis pas militaire, on peut réorganiser l'armée en fonction de la vision qu'on a et dans ce cadre, il faut trouver un rôle pour le RSP mais moi, je suis mal placé pour dire de dissoudre un Régiment. Par contre, ce que tout le monde s'accorde à dire, c'est qu'on n'a pas besoin d'un Régiment pour protéger le président du Faso. La question est simple : on a besoin d'une démocratie où le président du Faso n'a pas besoin d'un instrument.
Me Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen
«La dissolution du RSP est une nécessité»
«Nous sommes totalement choqués par ce tournant que les événements sont en train de prendre. On est parti d'une revendication corporatrice du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) pour tomber dans une revendication purement politique, nous pensons que c'est inadmissible. Nous pensons que le RSP doit apprendre à ne pas dicter ce qui doit être décisions politiques et ce qui doit être la politique burkinabè. Les éléments du RSP sont des militaires ; ils doivent être au service de la Nation et non le contraire. De ce point de vue, je pense que des mesures idoines doivent être prises pour que ce genre de situations ne se reproduise plus. Ce sont des militaires bien formés, paraît-il ; le peuple a besoin d'eux pour la sécurité des Burkinabè et non pour constituer des raisons d'insécurité de la population au Burkina Faso. La dissolution du RSP est une recommandation du Collège de sages en 1999. Aujourd'hui, tout le monde, même les militaires, est d'accord qu'il y a une armée dans l'armée. Un Etat ne doit pas avoir deux armées. Je pense que la dissolution du RSP est une nécessité. Maintenant, cela ne veut pas dire que nous allons prendre des gens bien formés pour les mettre dans la rue. Ils doivent être affectés à des tâches où ils seront plus utiles. Mais ça se passe à travers une réforme dont nous ne pouvons plus faire l'économie».
Me Halidou Ouédraogo
«Qu'ils aillent rejoindre Idriss Déby pour stopper Boko Haram»
«La situation est grave. Parce que c'est une tentative de remise en cause de la transition ; c'est presque un coup d'Etat. Il ne faut pas laisser faire. Il faut que les gens qui se mettent sur ce chemin se ressaisissent et qu'ensemble nous construisions ce pays. Nous, nous en avons souffert depuis une quarantaine d'années. Un vent nouveau souffle ; il faut faire en sorte qu'il s'amplifie en faveur de la jeunesse, de la population et de la République. Ce n'est pas une question de dissolution de ce régiment. Qu'il se mette en tête le principe de la démocratie. Il y a des dangers qui nous entourent. Son rôle n'est pas d'arrêter le Conseil des ministres, c'est d'aller stopper la gangrène Boko Haram. Idriss Déby est là-bas, qu'ils le rejoignent pour arrêter Boko Haram. Ce n'est pas ainsi qu'il faut se comporter».
Ismaël A. Diallo, porte-parole du Front de renforcement de la citoyenneté (FRC)
«C'est un putsch qui ne dit pas son nom»
«Nous vivons une heure très grave. Extrêmement grave. Parce que c'est la remise en cause des institutions de la République par une partie d'une unité de l'armée, c'est-à-dire le RSP. On nous dit que ce n'est pas le RSP en entier et que c'en est une partie. Donc si dans cette unité il n'y a pas d'ordre, de discipline, où va-t-on ? Si une partie du RSP peut se lever et porter atteinte à la bonne marche de la République, c'est ni plus ni moins qu'un putsch qui ne dit pas son nom. Nous n'allons pas accepter ça. Certainement pas. Ce corps d'élite devait être dissous il y a quinze ans quand en 1999, le Collège de sages avait demandé sa dissolution. Dissoudre le RSP ne voudrait pas dire mettre au chômage ces militaires mais constituer des unités spécialisées et les redéployer. Moi qui vous parle, en 1984, dans un hélico qui nous amenait à Niamey, j'ai suggéré à Blaise Compaoré que nous repensions totalement notre armée et dans sa forme et dans son fond. Et qu'au lieu d'avoir une grosse armée dans sa forme qui ne sert pratiquement à rien, que nous allions à la création d'unités spécialisées dans la lutte contre la criminalité, la drogue, le trafic des armes légères, des enfants, etc. Il (Ndlr : Blaise Compaoré) avait souri comme si ce que j'avais dit n'avait rien d'important. Je maintiens ce que j'ai dit : continuer à avoir une grosse armée ne sert à rien. Les militaires actuellement ne sont bons qu'à faire des défilés, menacer les gens dans les bars et fomenter des coups d'Etat. Est-ce de cela que nous avons besoin ?»
Propos recueillis par
Abdou Karim Sawadogo
& Lassané Ouédraogo