Cette lecture des événements est une absurdité politique qui pourrait rattraper leurs auteurs, une fois au pouvoir. Les oukases du RSP sont d'autant plus inadmissibles qu'ils portent sur des nominations de personnalités militaires qui, d'une manière ou d'une autre, ont joué un rôle de premier plan dans la gestion autocratique et répressive du pays par Blaise Compaoré et qui se sont employés, après sa chute, à sécuriser sa sortie du territoire national. Certains de ces officiers qui sont aujourd'hui à la manœuvre à Kosyam, l'ont même accompagné en Côte d'Ivoire et au Maroc, puis sont revenus en toute impunité reprendre les rênes du RSP, comme si les événements des 30 et 31 octobre 2014 n'étaient qu'une brise anodine. Ces officiers, de part la seule volonté du RSP, sont désormais, peut-on dire, les yeux et les oreilles de Blaise Compaoré auprès du président Michel Kafando. C'est le cas du lieutenant-colonel Moussa Céleste Coulibaly, ex-aide de camp de l'ancien président, nommé à la tête du RSP et du colonel Boureima Kiéré, fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré, promu au poste de chef d'Etat-major particulier à la présidence du Faso.
Rien que ces deux nominations sur injonction du RSP suffisent pour battre en brèche l'idée selon laquelle plus rien ne sera comme avant. En effet, dites-nous, messieurs de la transition, comment vous allez parvenir à sortir des placards les dossiers sales du système Compaoré, tout en plaçant à des postes hautement stratégiques des personnalités militaires qui ont servi jusqu'au bout Blaise Compaoré, et qui seraient, à ce que l'on dit, toujours en contact avec lui.
La transition est en train de danser sur un volcan
A partir de ces postes, de toute évidence, ces officiers ont la latitude de faire barrage à la soif du peuple burkinabè de voir élucidées les zones d'ombre de la gouvernance de Blaise Compaoré. S'il y a un homme dont personne ne doit envier le sort aujourd'hui, c'est bel et bien Michel Kafando.
Car, voici un président qui ne l'est que de nom et qui, de ce fait, se verra obligé, sous peine de subir le même traitement humiliant qui avait été réservé au président de la transition malienne, Dioncounda Traoré par les sbires du général Sanogo, de se faire tout petit à Kosyam pour ne pas irriter ses plus proches collaborateurs militaires. De ce point de vue, ces nominations peuvent être lues comme une tentative de restauration du système Compaoré. De ce fait, la transition est en train de danser sur un volcan. Et si l'on n'y prend garde, Blaise Compaoré et ses partisans récupèreront ce qu'il ont perdu les 30 et 31 octobre 2014, par la volonté du canon. Et le réveil des acteurs sincères de la transition sera douloureux, parce que Blaise Compaoré ne leur accordera pas la même mansuétude qu'ils sont en train d'observer vis-à-vis de ses partisans. Tous les disciples de l'angélisme politique, au sein des organes de la transition, qui prêchent à tout va, l'inclusion et le pardon sans condition, sont prévenus.
Cela dit, ce retour en grâce annoncé de Blaise Compaoré via le RSP et ses partisans politiques dont certains ont déjà poussé l'indécence morale et politique jusqu'à ne retenir de lui que l'image de « bâtisseur », était dans l'ordre naturel des choses. En réalité, la transition est en train de payer l'addition de ses péchés originels. Et ceux-ci sont, entre autres, celui d'avoir laissé l'armée confisquer la révolution du peuple, celui d'avoir permis aux hommes forts du RSP d'organiser et de sécuriser la fuite de Blaise Compaoré et de celle de son clan, et le péché de n'avoir pas travaillé dans l'immédiat à créer les conditions pour le démantèlement du RSP avec lequel, Blaise Compaoré lui-même avait, par moments, maille à partir. Si le RSP a pu sévir contre son géniteur, contre qui ne sévira-t-il pas aujourd'hui et demain ? De ce qui précède, la question prioritaire n'est pas d'organiser coûte que coûte et à n'importe quel prix des élections, fussent-elles transparentes, comme beaucoup de gens le laissent entendre aujourd'hui, mais de tout faire pour que la « Compaorose » ne revienne plus jamais au Burkina.
Et toutes les pathologies de cette « Compaorose » sont connues. L'heure n'est pas de les égrener sous forme de tirades en se lamentant, mais de leur apporter des traitements à la hauteur des attentes des insurgés des 30 et 31 octobre. Et la dissolution du RSP, comme l'exigent les organisations de la société civile, pourrait aller dans ce sens. Michel Kafando, avec le soutien sans faille du peuple burkinabè, pourrait y arriver. Mais pour cela, il lui faut une bonne dose de courage politique et de patriotisme. Les aura-t-il ? L'histoire nous le dira.
Pousdem PICKOU