Rarement Kosyam a vu «meute» de journalistes dans ses couloirs. La situation le commandait. Tout le Burkina était suspendu, ce matin du 23 septembre, à l'évènement du jour et attendait ce qui allait sortir du palais de Kosyam. Et la centaine de journalistes qui a pris d'assaut le palais présidentiel témoignait de l'intérêt et de l'importance de l'évènement. Que va-t-il se passer ? Que vont-ils se dire ? Que va décider Blaise COMPAORE ? Les leaders du MPP vont-ils faire le déplacement du palais ?... Autant de questions qui trouveront des réponses au fur et à mesure que les hôtes du palais font leur entrée. C'est, d'abord, la majorité présidentielle conduite par Assimi KOUANDA dans une délégation composée de Alain YODA du CDP, Gilbert Noël OUEDRAOGO de l'ADF/RDA et le porte-parole de son parti le député Zakaria TIEMTORE, Amadou TOURE de l'UPR et Diemdioda DICKO de la CFD-B qui sera reçue en premier par le Président Blaise COMPAORE pour presqu'une heure de discussion. Pendant ce premier conclave, arrivent sous le coup de 10h 48, Zéphirin DIABRE, chef de file de l'opposition, et sa délégation.
Branle-bas des journalistes pour immortaliser l'arrivée. La surprise du chef, présence de Roch Marc Christian KABORE du MPP, dissident du CDP. Et, sauf erreur de notre part, c'est la première fois, depuis sa défection que celui-ci et Blaise COMPAORE se retrouvent face-à-face. Etaient également de la délégation de l'opposition, Arba DIALLO du PDS/Metba, Me Bénéwendé SANKARA de l'UNIR/PS, et Ablassé OUEDRAOGO, de Le Faso autrement, François Wend-Lassida OUEDRAOGO du RDS, le parti du Dima de Bousouma. Sous la conduite du protocole, l'opposition fut installée au 2e étage de la grande bâtisse du Palais présidentiel. Dans la délégation, les images parlent d'elles-mêmes. Les visages graves et tendus, laissaient filtrer une tension qui ne dit pas son nom.
«Il n'y a pas de dialogue sans concession...»
A peine les représentants du CFOP sont-ils installés dans la salle d'attente en attendant d'être reçus par le Président COMPAORE qu'Assimi KOUADA et ses amis de la majorité font leur apparition. Il est 10h 55. Direction, le parloir dressé à cet effet. «Le Président du Faso s'est entretenu avec nous sur la nécessité de la création d'un cadre de concertation et de dialogue entre les différentes forces politiques. Nous avons marqué notre disponibilité à ce dialogue. Nous avons réaffirmé notre fidélité, notre loyauté et notre soutien au président du Faso dans sa volonté de trouver une issue à la situation de crise que traverse notre pays. Seul gage de la stabilité et du développement de notre pays. Le dialogue va concerner principalement les questions politiques et les questions sur lesquelles les débats se font en ce moment», a dit le Secrétaire national du CDP Il n'en dira pas plus. Dès lors, les journalistes ont compris qu'en cette matinée de mardi 23 septembre, tout tournera autour du dialogue et la concertation voulus et souhaités par le président du Faso. En tant que garant de la stabilité du pays et étant au-dessus des partis politiques, c'est dans ses prérogatives que de dire aux acteurs politiques de savoir raison garder et de jouer balle à terre dans l'intérêt supérieur de la nation.
Pendant que Blaise COMPAORE s'entretient avec l'opposition et que les journalistes se tournent les pouces, voilà qu'on annonce l'arrivée de la délégation du Front républicain. Conduite par Me Hermann YAMEOGO, la délégation était composée de Ram OUEDRAOGO du RDBEF, de Michel OUEDROGO du CDP, de Mme Jocelyne VOKOUMA du CDP, de Maxime KABORE du PIT... L'a encore, branle-bas des hommes de médias. A peine ont-ils été installés, que, quelques instants après, le chef de file de l'opposition et sa délégation sont face à la presse. Zéphirin DIABRE : «Au cours de l'entretien, le président a proposé que s'instaure un dialogue entre la majorité et l'opposition sous son égide pour évoquer les questions touchant à la vie de la nation sans exclusive aucune. Sur le principe, (...) l'opposition ne refuse pas de rencontrer la majorité pour un échange, d'autant plus que s'il y a des questions que l'on peut résoudre pour que notre pays aille de l'avant, c'est une bonne occasion. Mais c'est l'occasion pour nous aussi de dire et redire nos positions sur les points qui divisent actuellement le pays, à savoir la question du Sénat et de la révision de l'article 37. La position de l'opposition est restée toujours la même : nous sommes fermement opposés à toute révision de la constitution qui ferait sauter le verrou de la limitation des mandats et nous restons toujours fermement opposés à la mise en place d'un sénat. Nous sommes dans l'attente d'être à nouveau recontactés pour être situés sur la date de la rencontre entre la majorité et l'opposition. Toute discussion qui peut faire avancer la démocratie ne pose pas de problème». Zéphirin DIABRE dit ne pas remettre en cause l'utilité de ce nouveau cadre de dialogue, après les nombreux autres qui sont déjà mis en œuvre comme le CCRP, médiation du président Jean-Baptiste OUEDRAOGO, etc. «Cette fois-ci, on ne nous a pas présentés un cadre préétabli. On souhaite que dans le cadre d'un échange avec la majorité, on définisse nous-mêmes à la fois le cadre, les modalités et les limites dans lesquelles ont peut aller. C'est quand même un changement de cap qui est intéressant à noter», a dit le chef de file de l'opposition à sa sortie d'audience.
Puis vint la délégation du Front républicain sous le coup de 12h 40 pour s'entretenir avec la presse. «Nous avons eu une riche concertation avec le président du Faso sur la situation nationale. Il a souhaité que les politiques puissent se retrouver pour mettre en marche le processus de réconciliation. Pour nous, ce dialogue est une victoire du Front républicain car il vous souviendra que depuis Gaoua nous avons appelé à ce dialogue. Ce dialogue est aussi une victoire des autorités religieuses et coutumières notamment du Mogho-Naaba. Nous sommes sur la voie de la conclusion d'un dialogue des braves», a souligné Me YAMEOGO avant de lancer une pique à l'endroit de ceux qui viennent au dialogue en affirmant qu'ils ne céderont rien sur leurs convictions. Pour lui, «il est antinomique d'aller à un dialogue et de rester campé sur ses positions. Je pense qu'il faut positiver».
Les dés sont jetés. Le Burkina est à une autre phase de la résolution de la crispation politique qu'il vit depuis bientôt deux ans. «A quoi va servir ce Nième dialogue», s'interrogent certains. Blaise COMPAORE, une fois de plus, a mis les acteurs politiques devant leurs responsabilités. A eux de trouver les solutions qui épargnent à notre pays la désolation. Il va de soit que chaque camp doit mettre de l'eau dans son vin. Que chaque camp revoie ses positions. Si au-delà de tout cela vous refusez de vous entendre, si opposition, majorité et Front républicain échouent dans ce dialogue, alors il n'y a plus autre alternative que le référendum, donc la décision du peuple. Alors messieurs, prenez vos responsabilités et vite !
Drissa TRAORE Pouloumdé ILBOUDO