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Simon et les «Koglwéogo» : vers un divorce?

| 17.03.2016
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Simon et les «Koglwéogo» : vers un divorce?
© DR / Autre Presse
Simon et les «Koglwéogo» : vers un divorce?
La lune de miel entre le tout-puissant ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, et les associations d’autodéfense «Koglwéogo» n’aura duré que le temps d’un feu de paille. Autrement dit, la complémentarité que l’ancien maire de la capitale burkinabè et ses ouailles du département de la Sécurité avaient voulu instaurer entre les forces de sécurité et ces associations a du plomb dans l’aile. Cela, du fait de l’entêtement des membres des Koglwéogo qui, après des succès engrangés dans leurs actions, veulent «être plus royalistes que le roi». Ce n’est pourtant ni la volonté d’encadrement ni les appels à la prudence lancés par plusieurs observateurs qui ont manqué.


Chronique d’une défiance sans cesse des autorités

Tout a commencé après l’assassinat d’un «repris de justice à Sapouy» courant février dernier. Après cet incident qui a suscité l’embarras des autorités administratives locales, une rencontre est vite organisée pour recoller les morceaux face à ce énième «dérapage» des Koglwéogo. Mais très vite, les choses prirent des tournures inattendues. Ces «justiciers», adulés par une bonne frange de la population, qui éprouvent du mal à se mettre en phase avec les lois de la république, avaient opposé une fin de recevoir aux missi dominici de Simon Compaoré venus leur remonter les bretelles. Ce jour, il a fallu la patience et le sang-froid des forces de l’ordre pour éviter l’affrontement avec les Koglwéogo accourus en masse des quatre coins de la province et armes au poing pour, disent-ils, «prêter main forte» à leurs confrères de Sapouy.
Quelques jours après cet incident qui a ému la nation, Léo, était le théâtre d’un deuxième débordement. Un paisible catéchiste se faisait arrêter et séquestrer en compagnie de sa tendre moitié pour «refus d’obtempérer» par les Koglwéogo venus percevoir une amende imposée à tous les habitants de la localité en contrepartie de leurs services.

Véritablement courroucé par ces «excès», Simon Compaoré, qui avait loué les mérites de cette association, s’est vu contraint de sortir de son silence et de de son soutien «aveugle», pour convoquer les incriminés autour d’une table et les entendre. Mal lui en a pris. Alors qu’il était en attente de ses hôtes, il aura la malheureuse surprise de constater l’absence des principaux concernés. Ainsi, les Koglwéogo de Léo, responsables de la séquestration du catéchiste et de l’extorsion de la somme de 115 000 francs en échange de sa libération, n’ont pas daigné répondre à la convocation du patron de la sécurité nationale. En guise de consolation, ce sont ceux de la Gnagna qui, ayant eu vent de cette rencontre par le biais des ondes, ont effectué le déplacement de la capitale pour prendre langue avec lui. Ainsi, la rencontre initialement prévue pour «ramener les brebis galeuses» à la raison avait finalement viré en rencontre de prise de contact.

Dans l’interview accordée à l’issue de cette rencontre, l’ancien édile, qui a regretté l’absence des Koglwéogo de Léo, a expliqué que tout sera mis en œuvre pour «comprendre la raison de cette absence». A ce jour, aucune information n’a filtré sur les vraies causes de ce lapin posé au ministre Compaoré. Mais dans ces mêmes colonnes, notre chroniqueur Mounafica a donné la raison de ce rendez-vous manqué. (voir Mounafica du 9 mars 2016).

L’ultimatum qui en dit long

Moins de trois semaines après ces évènements, soit le vendredi 11 mars 2016, c’est dans la région de l’Est, réputée comme le repaire par excellence du grand banditisme, que cette association se faisait entendre. Des Koglwéogo, suite à l’interpellation d’une douzaine des leurs, ont sonné le cor et appelé ses membres des provinces environnantes en renforts afin ‘’d’exiger leur libération, illico presto’’ des mains de la Gendarmerie, sous peine de subir leur foudre. Cet ultimatum de 12 heures donné aux forces de défense et de sécurité de cette région, qui courait jusqu’au samedi 12 mars dernier, aura été la totale. «Il ne manquait plus que ça», s’était exclamé un cadre de la justice.

Mais après le déploiement des forces de sécurité, avec le renfort reçu d’un détachement de l’armée régulière pour dissuader ces «justiciers», cette défiance de l’autorité s’est muée en négociations dont nul n’ignore les répercussions.

La reprise en main?

A la baguette, Moussa Thiombiano, alias «Django», dont l’intransigeance sur la question est sans égale. Face à lui, le gouverneur de la région de l’Est, Hyacinthe Yoda, déterminé à ramener l’ordre dans cette partie du pays. Selon lui, il n’est pas question de laisser les Koglwéogo poursuivre leur randonnée. Du reste, suite à ce qu’il convient d’appeler «zèle», il les a sommés de quitter la région. «L’Etat, en tolérant les Koglwéogo, a défini leur feuille de route, car en tant qu’initiative locale de sécurité, ces derniers doivent s’inscrire dans les règles de jeux établies par la République. Nous attendons de voir l’application effective de ces mesures. On ne peut pas tolérer que des Koglwéogo arrêtent des gens, les violentent, les enferment et les verbalisent. On ne peut pas non plus tolérer qu’ils traversent le pays dans les sens qu’ils veulent. Il leur est demandé de libérer dans un bref délai la région de l’Est», a indiqué, lundi, le colonel-major Hyacinthe Yoda, à l’issue d’une rencontre avec des responsables Koglwéogo.

A sa suite, c’est le commissaire principal Thomas Dakouré, conseiller technique du ministre Compaoré, qui a qualifié «d’inacceptable» les excès des Koglwéogo. Cette dernière sortie, qui traduit la volonté des responsables du département de la sécurité de prendre le taureau par les cornes, sonne comme un recul pour Simon Compaoré qui, après le «camouflet» reçu de la part des Koglwéogo, reconsidère ses positions.
Au moment où nous traçons ces lignes, la situation était tendue à Fada où les Koglwéogo ont reçu le soutien de certaines populations pour exiger la libération des détenus. Peut-être qu’au moment où vous lisez ces lignes également, un dénouement a été trouvé.

W. DAVY

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