En accédant au pouvoir le 4 août 83, ce sont les mêmes commandos de Pô qui l'ont gardé avec plus tard, à leur tête, un certain... Blaise Compaoré. Et d'ailleurs, c'est au-devant de cette unité d'élite, que Blaise s'est ébranlé de Pô, pour venir libérer Tom Sank, après son arrestation, le 17 mai 83. C'était aussi, le noyau du futur Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Après Sankara, Blaise va formaliser ce RSP, qui deviendra un corps d'élite, dévoué à sa garde personnelle et avec comme patron, l'actuel général Gilbert Diendéré. Mieux, le RSP élira domicile à Ouagadougou, administrativement et militairement.
On peut faire moins grossier, mais disons-le, depuis 1987, ou plutôt depuis 1991, le Burkina vit au rythme de la Constitution du 2 juin, il y a des élections locales et nationales, les institutions sont bien visibles, mais c'était une démocratie kakie. Blaise obtenait certes, des scores à hauteur d'homme à chaque présidentielle, et petit à petit d'ailleurs, le régime s'est policé, mais, le chef de l'Etat était plus adossé au RSP qu'au CDP, pourtant le parti majoritaire, son parti, qui le faisait élire haut la main. Le RSP, au risque de nous répéter, n'était pas au cœur du pouvoir, mais était le pouvoir, surtout que c'est son ancien patron Blaise qui est au gouvernail du pays.
Blaise déchu, il est toujours là, le RSP, et bien au fait de tous les arcanes du pouvoir, d'autant plus que le 31 octobre, si le Lt-cl Yacouba Isaac Zida a pu faire reculer le Gl Nabéré Traoré, c'est fort de sa carapace qu'est ce corps d'élite dont il est issu.
Le RSP est donc une scorie du pouvoir post-Blaise qu'on ne peut pas brûler, pas si allègrement que ça mais avec lequel il faut prendre langue, afin que la transition ne quitte pas les rails, déjà qu'avec les couacs, elle donne l'impression de tanguer...
En vérité, si le RSP a mauvaise presse de nos jours, il y a bien sûr, les bavures qui arrivent souvent chez les corps habillés, mais, cet état de fait est lié aux affaires David Ouédraogo et Norbert Zongo :
David Ouédraogo était le chauffeur de François Compaoré, le frère cadet de Blaise. Il est mort au Conseil de l'entente, sous la torture des élements du RSP.
Norbert Zongo aurait aussi été assassiné par «6 suspects sérieux, tous membres du RSP», selon le rapport de la Commission d'enquête indépendante (CEI).
Deux pages sombres de notre histoire qui renvoient à ce RSP, garde prétorienne du chef de l'Etat, et barbouze à l'occasion, pour baillonner opposants, journalistes ou syndicats ? En tout cas, le RSP traîne ce parfum mortifère qui, si à une certaine époque, est avéré, gagnerait à être relativisé pour peu qu'on observe son attitude récente, notamment avec l'insurrection des 30 et 31 octobre derniers.
Tout le monde aujourd'hui, hurle qu'il faut dissoudre le RSP, mais à l'analyse, ce n'est pas forcément la solution idéale, encore que sa faisabilité n'est pas si simple.
La preuve, le 24 janvier 2014, lors de la rencontre que le président du Faso a eue avec les patrons des organes de presse, il a lâché avec tout son sérieux, lorsqu'un de nos confrères lui a demandé si tout baignait au RSP : «Ça va, c'est pourquoi d'ailleurs je suis là... vous savez, c'est pas simple... tout président de la transition que je suis, il y a des secrets d'Etat et militaires qui m'échappent...».
Venant de la par du président du Faso, c'est un aveu qu'il y a le pouvoir officiel de la transition dont il est la vitrine, et celui réel avec le Lt-cl Zida du RSP, qui, malheureusement, a des divergences avec ses camarades.
Convenons-en : le RSP, en tant que corps d'élite, n'est pas un problème, c'est ce qu'on en fait qui est l'objet de mise en question.
La seule solution reste la négociation avec le Gl Gilbert Diendéré, (officiellement parti) avec le colonel-major Boureima Kiéré et Cie. Car ce corps d'élite comprend toujours des hommes, restés fidèles à «Golf», au président tombé, Blaise, à Kiéré, naturellement.
Bien que l'on puisse voir que discuter avec le RSP, c'est un signe de faiblesse, car il ne saurait imposer ses avis à tout un Etat, il faut pourtant, admettre que c'est une lutte existentielle que mène ce corps d'élite. Blaise parti, la perspective de sa dissolution passe mal chez de nombreux éléments.
En lui assignant une autre mission que de garder le PF, avec le consentement de tous, le prisme sous lequel les Burkinabè voient le RSP, changera positivement ;
Ensuite, de l'avis même d'officiers pas «marqués», disons pour faire simple, «neutres», si le Burkina Faso fait l'objet d'une attaque, soit d'un pays voisin ou d'un groupe terroriste, seul le RSP est à même au pied levé, de mener la riposte, avant que l'armée générale vienne à la rescousse. Cela aussi est une vérité aujourd'hui, dont on en parle pas !
La coupure de la chaine de commandement, la mutinerie à répétition, bref, le hiatus qui a été creusé entre la troupe et la hiérarchie n'a pas encore été totalement comblé.
Une guerre ou une attaque terroriste sont peut-être des hypothèses d'école, mais, ce sont des exemples pris pour signifier que ce RSP, dont le rôle peut être reprofilé, n'est pas fondamentalement mauvais. Il faut à présent, trouver autre chose avec son accord à faire, en attendant que le pouvoir d'après-transition, trouve une solution définitive. C'est le prix à payer pour ne pas vendanger la transition. L'insurrection a confié dans un premier temps, le pouvoir à ce RSP via Zida, qui a juste fait une pichenette pour se mettre un peu en retrait, en devenant PM. Mais le pouvoir, le vrai de la transition, c'est le RSP. Arrêtons la politique de l'autruche. Entre la légitimité et la realpolitik, il faudra choisir.