De la sécurité nationale après les attentats du 15 janvier à Ouagadougou.
Nous avons mis en place une coordination pour faire face désormais à une telle situation. Nous avons déployé la sécurité sur tous les sites sensibles au Burkina pour en assurer la garde. La création de l’Agence nationale de renseignements (ANR) participe du fait qu’il y ait une coordination et une accélération de l’information pour permettre de prendre d’avance les mesures idoines. Comme vous le savez, au moment où il y a eu l’attentat, il y avait déjà dans l’air des informations selon lesquelles, une menace d’attaque pesait sur le Burkina. Mais le circuit actuel de l’information est tellement lent qu’au moment où vous recevez cette information, c’est déjà trop tard. Nous ne pouvons pas dire qu’il y a un risque zéro en matière de sécurité et il faut apprendre à vivre aujourd’hui avec cette situation. Même les pays développés qui ont plus de moyens que nous subissent ces attentats. Mais il nous faut, au niveau de l’Etat, développer les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens...
De l’affaire des écoutes téléphoniques entre Djibrill Bassolet et Guillaume Soro et de la liberté provisoire dont bénéficient des détenus.
Comme vous le savez, il y a une séparation des pouvoirs, donc il appartient à la justice militaire de prendre les dispositions pour assurer l’authentification de ces écoutes. Dans un passé, pas très lointain, lorsque j’ai demandé à rencontrer la justice militaire, c’est au niveau de la presse qu’on a dénoncé l’intrusion du président du Faso qui voudrait influencer les décisions des juges. Cette question, il vaut donc mieux la poser au tribunal militaire.
De l’annulation du décret de nomination d’Isaac Zida comme ambassadeur aux Etats-Unis.
Au Burkina Faso, un ambassadeur qui est proposé est d’abord nommé en conseil des ministres. Je peux vous sortir toutes les décisions du conseil des ministres, que ce soit sous la Transition ou après notre investiture, nulle part il n’est fait cas de la nomination d’Isaac Zida comme ambassadeur aux Etats-Unis. Ce fut une grande surprise pour nous de découvrir subitement dans le journal officiel au mois de mars dernier, un décret portant nomination de l’ex-premier ministre en tant qu’ambassadeur. On était tenu non seulement pour des questions de correction, mais aussi pour ne pas se laisser manipuler, de mettre fin à cette nomination. Et je pense que ça reste dans les prérogatives du chef de l’Etat que je suis.
De l’absence prolongée de Zida.
Il a demandé une permission qui a expiré depuis le 19 mars et il n’est toujours pas rentré. En tout état de cause, il n’a pas d’autre choix que de rentrer. Je crois que quelqu’un qui a assumé les hautes responsabilités de l’Etat doit pouvoir s’assumer et faire face à ses responsabilités. Et pour cela nous n’avons pas besoin de lui donner des injonctions. Il doit avoir la lucidité de rentrer en ce mois d’avril pour lever le voile de nuage sur sa gestion.
De son grade de général.
Vous avez suivi les évènements comme nous. Une loi a été votée au Conseil national de transition. Le président du Faso, à l’époque, à élever le colonel Zida au rang de général. Nous, on prend acte. Il ne nous appartient pas de chercher à savoir si cela est justifié ou pas à partir du moment où c’est une autorité qui a exercé son pouvoir.
Des réformes politiques.
La commission constitutionnelle va être mise en place bientôt avec pour objectif de discuter des réformes politiques qui nous permettent de passer à une cinquième république. Je ne voudrais pas devancer l’iguane dans l’eau. C’est un débat qui sera engagé et il appartiendra au peuple burkinabè de voir quelles sont les orientations que nous pouvons donner. Ce que je peux vous dire déjà est que la limitation des mandats est une question sur laquelle il est impossible de revenir, que la deuxième chambre qui apparaissait comme le Sénat est définitivement supprimée et que la tendance est à la réduction des pouvoirs du président.
Des Koglweogo.
Il est vrai que c’est une question qui défraye la chronique avec beaucoup de discussions entre ceux qui pensent que les Koglweogo doivent être maintenus et ceux qui pensent qu’il faut les supprimer. En ce qui me concerne, il y a deux constats : si au Burkina Faso, il y a des organisations d’autodéfense, cela est dû à des causes qu’il faut d’abord éradiquer. Le premier point c’est l’incapacité de l’Etat à se déployer pour assurer la sécurité de l’ensemble du territoire. Le second, c’est le manque de confiance que les citoyens ont vis-à-vis de la justice. C’est ce qui amène les citoyens à vouloir se rendre justice eux-mêmes. Et nous avons dit que nous sommes en république et que personne n’est au-dessus de la loi. Que des groupes d’autodéfense travaillent à aider l’Etat pour éradiquer le banditisme et en rapport avec les autorités centrales que sont la police et la gendarmerie, nous n’y voyons aucun inconvénient. Mais s’ils doivent rendre eux-mêmes la justice, prendre des taxes, ils tombent dans l’illégalité et seront traduits devant les juridictions de notre pays. Mais il faut que l’Etat prenne ses responsabilités. Si nous étions à même de sécuriser l’ensemble du territoire, il n’y aurait pas de koglweogo. Vous avez déjà remarqué que concernant la situation de Fada, la justice a assuré avec une certaine fermeté les règles du droit. Et cela est un signal fort. Nous n’allons pas laisser se poursuivre ses dérives qui vont à l’encontre des droits de l’homme et qui pénalisent les citoyens.
Du mandat d’arrêt contre Soro.
Le mandat reste en vigueur, mais nous explorons la piste diplomatique pour régler cette question parce que pour nous, ce mandat ne doit pas altérer les rapports de fraternité qui existent entre les peuples ivoirien et burkinabè. Nous continuons à travailler au renforcement de la coopération entre les deux pays. Nous insistons sur la voie diplomatique qui doit être privilégiée dans cette affaire et c’est dans l’intérêt des deux pays. Le seul problème est que je n’ai pas été saisi en tant que président du Faso avant l’émission de ce mandat. C’est de retour d’une rencontre sous-régionale à Cotonou que j’ai appris la nouvelle comme tout Burkinabè. Nous aurions souhaité dans le cadre de la coopération entre les institutions être informés avant l’émission un tel mandat.
Propos recueillis par
Jonas Apollinaire Kaboré