Réseau d’initiative des journalistes : le passage à une 5ème République est-il opportun ou pas ?

| 30.05.2016
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Réseau d’initiative des journalistes : le passage à une 5ème République est-il opportun ou pas ?
© DR / Autre Presse
Réseau d’initiative des journalistes : le passage à une 5ème République est-il opportun ou pas ?
Le Réseau d’initiative des journalistes (RIJ) a tenu sa rencontre mensuelle ce 27 mai 2016 au Centre national de presse Norbert Zongo, par un panel, comme d’habitude. Cette fois-ci, le RIJ a choisi comme thème le « Passage de la IVème à la Vème République : enjeux, défis et perspectives ».


Comme panélistes, le Pr Abdoulaye Soma, constitutionnaliste et président de la Société burkinabé du Droit constitutionnel, et, Boureima Ouédraogo, Directeur de publication du bimensuel « Le Reporter », avec comme modérateur Omar P. Ouédraogo, trésorier du RIJ.

Selon le Pr Abdoulaye Soma, les constitutions naissent et meurent, car sujets à des révisions. Elles doivent vivre dans la République et font vivre celle-ci. Il explique cela par le fait que la nation a un droit imprescriptible de changer la constitution. Citant Jean-Jacques Rousseau, et Socrate, le Pr Soma dit que la constitution est la fondation, un projet de société et de la nation, sur ses propres bases. D’où l’adoption du terme Res publica, qui signifie pour la République. La Constitution ne peut donc appartenir à une personne, à un parti politique ni à une structure privée. Elle est commune, et s’oppose à une appropriation, d’où qu’elle vienne.

La constitution, selon le Pr Soma, peut être changée par la République, dans le sens d’une réorientation. Et c’est le cas du Burkina Faso. Les questions qui se posent cependant sont de savoir si cela est nécessaire, et, dans quels conditions.

Sur la nécessité de passer à une 5ème république, le Pr Soma estime qu’il y a une double dimension, qui sont la nécessité de changer de constitution, et celle de changer de République. La question principale demeure s’il est nécessaire de changer de constitution pour passer à la 5ème République.

Constitution taillée sur mesure...

La 4ème République, selon le panéliste, a taillé une constitution structurelle sur mesure appropriée à l’ex président du Faso, Blaise Compaoré. Des défaillances donc dans cette rédaction, qui font que tout se limitait au seul chef et selon ce qui l’arrange. Dans toute constitution cependant, il y a des dispositions qui montrent les droits et devoirs des citoyens. Et les juridictions constitutionnelles sont là pour trancher, en cas de litige. Sauf que dans le cas de la 4ème République, le citoyen n’a pas vécu une protection de ses droits fondamentaux par le conseil constitutionnel, ce qui, bien-sûr, a conduit à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et qui a provoqué la chute du régime qui était en place.

Outre cela, la Constitution comporte des dispositions contraires qui font qu’un député qui siège à l’assemblée nationale est contraint d’aller dans le sens voulu par le parti auquel il est affilié, au risque de démissionner et laisser la place à son suppléant. Une sorte de personnalisation et d’institutionnalisation, puisque le Chef de l’Etat étant l’Alpha et l’Oméga.

Des réserves sur la commission technique constitutionnelle...

Pour ce qui est du passage à une 5ème République, le Pr Abdoulaye Soma pense qu’il faut que toutes les modalités soient réunies. Il faut une assemblée constitutive élue par le peuple, qui produira un projet de constitution. Au Burkina, il y a eu récemment la mise en place d’une commission technique constitutionnelle, et, selon le Pr Soma, il y a des réserves à émettre sur les membres qui la composent, étant donné que ce sont des personnes qui ont étédésignées par le pouvoir en place. Ce qui signifie, en résumé, que cette commission ne peut qu’aller dans le sens voulu par les tenants actuels du pouvoir, puisque mandatés par ceux-ci.

Il demeure aussi que pour un changement de constitution, il n’y a pas d’obligation judicaire. Ce qui signifie que la loi n’a rien à y voir. Donc, chaque régime peut la tripatouiller à sa guise, sans pour autant en être inquiété...

Le Pr Soma explique aussi que l’on peut changer de régime, sans changer de constitution, et, l’on peut changer de constitution sans changer de régime. L’on peut aussi changer de politique et de constitution, comme ce qu’il a été vu lors de la transition entre les ex présidents Maurice Yaméogo et Sangoulé Lamizana, sauf que l’on ne peut pas changer de République sans changer de constitution. Car c’est le changement de république qui impulse le changement de cette constitution remise en cause.

Le Pr. Soma informe que pendant le gouvernement de transition, il a proposé un projet de nouvelle constitution, pour maintenir l’équilibre entre les politiques et le respect de a constitution. Cela devait être inclus dans le cadre du processus des élections couplées du 29 novembre dernier pour la présidentielle et les législatives, mais, il se trouve que le virage d’élaboration a été raté, pendant que la transition était en bonne posture pour le faire en toute légitimité pour un véritable changement.

Une Constitution meilleure à celle en vigueur...

Il ajoute ensuite que pour une révision de la constitution et selon les voies idoines, il y a deux possibilités, qui sont le référendum et la voie parlementaire. Ce dernier est à craindre car cela peut arranger le parti majoritaire, qui ne peut qu’adopter ce qu’elle s’est fixé comme but. En d’autres termes, comme le dirait l’autre, la démocratie, c’est la dictature de la majorité sur la minorité. En résumé, s’il va falloir une révision de la Constitution du Burkina Faso pour passer à une 5ème République, c’est que c’est pour que cette nouvelle constitution soit meilleure que celle en vigueur, sinon, l’on serait dans une désolation constitutionnelle. Selon Boureima Ouédraogo, Directeur de publication du bimensuel « Le Reporter », pour ce qui est de la parjure, quand le Président du Faso prêtait serment en déclarant qu’il respectera la constitution burkinabé et la fera respecter, pour ensuite se dévoyer en annonçant un passage à la 5ème République, cela doit être suivi de bout en bout pour voir si toutefois cette nouvelle constitution sera meilleure à l’ancienne. Outre cela, il pense que les failles de la 4ème République n’est pas forcément une nécessité de passer à une 5ème. Dans le cas contraire, si celle-ci est taillée sur mesure comme le précédant, il y a de quoi s’inquiéter, car le peuple ne restera pas indifférent à tout ceci. Le Directeur de publication du Reporter estime que si c’est pour demeurer dans un système partisan, alors, il y a de quoi s’inquiéter pour la suite, qui risque de renvoyer le cours des choses en arrière et retarder l’évolution de la nation. Pas d’assujettissement au pouvoir en place, pas de constitution préfabriquée pour revenir en arrière comme dans l’ancien temps, donc. Boureima Ouédraogo estime que s’il va falloir passer à une 5ème République, il va aussi falloir instituer un Haut conseil consultatif national, qui peut être saisi à tout moment par les autres institutions et le citoyen lambda pour évoquer des situations préoccupantes.

Le passage à un régime parlementaire a aussi été abordé. Les panélistes pensent que ce régime, qui est en cours dans certains Etats, a montré ses limites, dans le sens où si les parlementaires ne sont pas d’accord avec l’Exécutif, ils peuvent entraîner un blocus en demandant la démission du gouvernement. Toute chose qui fait penser qu’il peut s’agir d’une sorte de chantage, mais de toute façon, tous savent que l’Exécutif et le législatif sont là pour un même programme, ce qui ne saurait arriver. Du moins, espérons-le !

Claire Lebœuf

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