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Régiment de sécurité présidentielle : Qui a osé ?

| 17.09.2015
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Régiment de sécurité présidentielle : Qui a osé ?
© DR / Autre Presse
Régiment de sécurité présidentielle : Qui a osé ?
Ils ont donc osé ! Hier, les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont interrompu l’hebdomadaire Conseil des ministres. Une fois de plus. La première fois qu’ils avaient perpétré ce qui avait toutes les apparences d’un putsch, obligeant le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, à se réfugier chez le Mogho Naaba, c’était le 4 février 2015. Alors, ils protestaient contre des nominations intervenues dans la chaîne de commandement avec, en toile de fond, des revendications pécuniaires et des guerres de clans entre le chef du gouvernement et ses anciens camarades du Camp Naaba Koom dont il s’est affranchi.


Depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a contraint Blaise Compaoré à la démission et à l’exil, c’est la quatrième fois que le RSP tente d’enrayer la marche de la Transition dont il aura été le principal souci.

Mais ce coup-ci, en prenant en otage l’ensemble du gouvernement jusqu’au président Michel Kafando, en investissant la radio et la télévision nationales, en brûlant des motos à Radio Oméga, ils sont allés trop loin. Au point qu’en fin de journée, il était question d’un coup d’Etat en règle sans qu’on sache vraiment si les soldats auraient le courage de terminer la manœuvre et qui oserait prendre la tête d’un tel pronunciamento qui arrive au pire moment.

Cette nouvelle poussée de fièvre kaki intervient en effet à seulement trois jours de l’ouverture de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives du 11 octobre prochain qui devaient amorcer le retour à une vie constitutionnelle normale. Le Groupe international de suivi et d’accompagnement de la Transition (GISAT), réuni à Ouagadougou, venait de donner son blanc-seing pas plus tard que mardi ; les candidats sont déjà dans les starting-blocks ; les observateurs en ordre de bataille ; les médias peaufinent leurs plan de couverture, bref le compte à rebours a vraiment commencé. Et puis voilà, patatras ! Tout semble s’écrouler comme un château de cartes. Et tel Sisyphe ahanant éternellement sur son rocher, nous voici obligés peut-être de repartir de zéro si près du but.

Car en commettant ce qu’ils ont fait, c’est le processus de Transition que la soldatesque vient de flinguer à quelques semaines de son terme. Et puisque aucune déclaration officielle n’était venue situer les Burkinabè sur les motivations réelles des troufions, on se perdait en conjectures alors que la nuit s’annonçait longue et tumultueuse avec des face-à-face tendus, lourds de tous les dangers entre militaires et manifestants qui promettaient une véritable guérilla urbaine.

A quoi doit-on ce nouveau mouvement d’humeur qui traverse les rangs ? A l’élimination par le Conseil constitutionnel de certains pontes de l’ex-majorité présidentielle et de militaires empêchés de se présenter aux prochaines élections couplées en vertu du nouveau code électoral ? Au rapport de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) remis lundi dernier au PM et qui préconise la dissolution du RSP, «devenu une armée dans l’Armée» et qui, pour nombre de nos compatriotes, traîne une réputation sulfureuse depuis sa création en 1996 ? Ou encore à de simples histoires de gamelle de kodos qui ont peur de perdre les avantages qu’ils avaient du temps de leur mentor ?

Peut-être y a-t-il un peu de tout cela à la fois. Mais quelles que soient leurs raisons, on ne peut que les condamner avec la plus grande énergie, car 16 millions de Burkinabè ne sauraient être les otages de 1330 personnes, qui qu’elles soient et quelle que soit leur armada. En agissant tels des écervelés, ils donnent d’ailleurs raison à tous ceux qui pensent, à l’image de la CRNR, que la sécurité du président devrait désormais être assurée par une unité d’élite de gendarmes et de policiers comme ça se fait dans toutes les démocraties qui se respectent. Et on se demande si quelque part ils ne viennent pas de commettre une felix culpa, une faute heureuse en se tirant une balle dans le pied. Déjà c’est un concert de condamnation tous azimuts venant de la CEDEAO, de l’UA, de l’ONU, de la France qui a accueilli cette forfaiture en treillis et qui exige la libération sans condition de toutes les personnes retenues. Et au plan national, outre la Place de la Nation qui a repris du service comme aux heures chaudes d’octobre 2014, les syndicats ont décrété illico une grève générale illimitée. La résistance s’organise donc.

Reste maintenant la grande question : avec cette éruption, le scrutin pourra-t-il se tenir à bonne date quand on sait que depuis hier toutes les énergies doivent être mobilisées pour circonscrire ce nouveau départ de feu avant qu’il ne se propage ?

La Rédaction

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