Putsch du 16 septembre : Les motifs réels du coup d'Etat de Diendéré

| 03.10.2015
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Putsch du 16 septembre : Les motifs réels du coup d'Etat de Diendéré
© DR / Autre Presse
Putsch du 16 septembre : Les motifs réels du coup d'Etat de Diendéré
Sous le régime Compaoré, le général Gilbert Diendéré était un homme puissant et craint, aussi bien par les civils que par les militaires. Chef d’état-major particulier de la présidence et responsable des renseignements généraux, il surveillait, filait et écoutait les conversations des personnes opposées au régime Compaoré. Les coups d’Etat réussis de 1983 et de 1987 ont été exécutés sous sa conduite. Des coups d’Etat avortés, il en a inventé pour neutraliser des opposants. Tout chef militaire qui ne se soumettait pas à son autorité subissait sa colère.


Malgré sa présence, Blaise Compaoré a été chassé du pouvoir. Si Isaac Zida, alors simple lieutenant-colonel et N°2 du RSP, a pu contredire le général Honoré Traoré, alors chef d’état-major général de l’armée au moment de l’insurrection, c’est parce qu’il avait le soutien de Diendéré. Zida, un ancien du RSP, sait que Diendéré et le RSP constituaient une menace. Ses tentatives pour les affaiblir n’ont pas marché, comme l’affectation de Diendéré au camp Guillaume. Début décembre 2014, Diendéré a fait ses adieux au RSP, mais il s’est démené pour que l’on nomme ses fidèles à la tête de ce corps, pour ne pas s’éloigner du camp Naaba-Koom, situé à côté de Kosyam.

Mais voici que la Justice ouvre à nouveau le dossier Thomas Sankara. Les témoins auditionnés évoquent l’implication de Diendéré dans l’assassinat de l’ex-président. Aussi, dans l’affaire Norbert Zongo, Diendéré sait qu’il devrait une fois de plus s’expliquer. L’étau se resserrait autour du général.

La Commission de réconciliation nationale et des réformes va jeter de l’huile sur le feu en auditionnant le général pendant une demi-journée sur des crimes commis dans lesquels son nom a été cité. Diendéré panique. Il ne comprend pas comment la Commission a pu mettre la main sur des documents supposés détruits. Pire, le jour de la remise de leur rapport, le Premier ministre Isaac Zida promet de mettre en œuvre toutes les recommandations, y compris la dissolution du RSP. Dans un instinct de survie, Diendéré met en place la stratégie du putsch. Toutes les raisons avancées pour le justifier sonnent faux. Ce monsieur voue en lui-même un narcissisme exagéré, de l’égoïsme pur et de l’égocentrisme. Il veut continuer à dominer le Burkina. Ses différents propos et agissements trahissent cet état d’esprit.
Le Professeur Augustin Loada, ministre de la Fonction publique qui faisait partie des otages, a, après sa libération, expliqué à la Voix de l’Amérique que les auteurs du coup d’Etat voulaient préserver leurs avantages. Ils ne pensent qu’à eux-mêmes.

Dans une de ses toutes premières interviews accordées à la chaîne de télé France 24, le général Gilbert Diendéré a expliqué les raisons du putsch. Premièrement, il affirme que la Transition a divisé l’Armée, surtout avec la loi portant statut général des personnels des Forces armées. Deuxièmement, il dénonce les accusations graves contre le RSP. Ce n’est qu’à la troisième raison qu’il évoque un point concernant la politique, c’est-à-dire l’exclusion, citant le nouveau Code électoral. Comme on le constate, la question de l’Armée et du RSP sont en bonne position dans ses revendications.

Diendéré a soumis, le 19 septembre 2015, aux médiateurs de la CEDEAO, ses propositions de sortie de crise. Nostalgique du régime Compaoré, il accuse la Transition d’avoir accentué la fracture sociale menaçant la cohésion des forces de défense et de sécurité. «La relecture de la nouvelle loi portant statut général des personnels des forces armées nationales et le règlement des questions militaires par l’Armée dans le respect de la loi» figurent en bonne place. Comme organe de la transition qu’il devait lui-même diriger, il a proposé un gouvernement et «un groupe de travail pour la restructuration des forces de défense et de sécurité». Les questions politiques, économiques et sociales n’intéressent pas le général.

Le motif réel de Diendéré, à travers ce coup, était de garder la main sur l’Armée, la Police et la Gendarmerie dans un premier temps. Pour y parvenir, il utilise le RSP. Jusqu’à une date récente, dans les autres garnisons, des armes étaient certes stockées, mais Diendéré avait pris le soin de démonter les percuteurs qu’ils gardaient au camp Naaba-Koom dans des magasins. Avec la menace terroriste, les percuteurs de ces armes ont été remis en place et les soutes ravitaillées en munitions. C’est ce qui a permis aux différents camps des provinces de monter sur Ouagadougou avec beaucoup d’assurance.

La deuxième autre aspiration de Diendéré était le contrôle de la vie politique, économique et sociale. Diendéré n’entendait pas voir un candidat issu d’un parti autre que le CDP diriger le Burkina Faso. La mise en place du CND devait permettre à Diendéré de ramener le CDP au pouvoir. L’annulation du nouveau Code électoral du 7 avril 2015 qu’il a évoquée participait de cette stratégie.

Le CDP au pouvoir, les anciens hommes d’affaires referont surface. Et pour éviter toute contestation de la rue, Diendéré comptait liquider les Organisations de la société civile - Balai citoyen, CAR, etc.- auxquelles il voue une haine indescriptible. La barbarie avec laquelle il a lâché les éléments du RSP pour réprimer les manifestations spontanées en est la preuve. Diendéré a senti la fin des haricots. Il a tenté un coup qui a avorté. L’Armée nationale doit rester vigilante pour éviter cette situation au Burkina Faso.

Djénéba Sangaré

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