Selon les défenseurs de la prolongation de la période de transition, l'opération «mains propres» entamée et qui se caractérise par des arrestations, des détentions et déferrements dans des maisons d'arrêt, doit se poursuivre. Ces personnes disent ne pas avoir confiance aux autorités qui seront démocratiquement élues à l'issue des élections couplées présidentielle et législatives du 11 octobre 2015. N'ayant aucune garantie que celles-ci vont poursuivre le processus entrepris, elles souhaitent que la Transition termine le travail avant de passer la main. D'autres raisons sont évoquées par d'autres voies pour demander la prolongation de la Transition.
La prolongation de la Transition n'est pas un sujet nouveau. On se souvient que des Burkinabè de l'étranger avaient émis cette idée afin de leur permettre de voter. Leur participation au vote supposait que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) puisse les enrôler alors que le temps imparti à la CENI était relativement court. Là-dessus, le Président de la Transition, Michel Kafando, avait tranché: cette élection ne sera pas reportée et les Burkinabè de l'étranger n'y participeraient pas.
Voilà qu'au moment où la CENI s'attelle à boucler la révision exceptionnelle du fichier électoral le débat refait surface. Cette fois-ci, il a été posé par des gens aux premières loges de cette Transition, ou qui se jouent les conseillers occultes. Des gens qui ont tout fait pour gagner la bataille médiatique leur faisant passer pour les héros de l'insurrection. Leur opinion semble, selon certaines indiscrétions, avoir un écho favorable au côté du ministère de l'Administration. Le Premier ministre, Issac Zida, et surtout le Président de la Transition, Michel Kafando, se laisseront-ils faire?
A ceux qui souhaitent voir la prolongation de la Transition à cause de l'opération «mains proches», nous leur rappelons que l'Etat est une continuité. C'est au nom de cette continuité que les autorités de la Transition se sont basées sur les rapports des institutions de veille et de contrôle, produits avant leur entrée en fonction, pour engager leur fameuse opération. Les différentes institutions et structures de contrôle et de veille comme la Cour des comptes, l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat (ASCE), la Commission parlementaire sur les marchés publics, les inspections techniques (finances, budget, trésor, douane, impôt) ont été mis en place sous Blaise Compaoré. Elles ont produit des rapports révélant des malversations et irrégularités de gestion d'anciens ministres, anciens Directeurs généreux, maires, etc. sous Compaoré. Ceux-ci sont poursuivis dans le cadre de l'opération «mains propres» sur la base des rapports des institutions et structures au nom de la continuité de l'Etat.
Si certains rapports lui ont été remis et rendus publics (cour des comptes, ASCE), ce n'est pas le cas d'autres (inspections techniques). Ce qui signifie que la Transition n'est pas l'auteur des rapports incriminant la gestion de l'ancien régime. On peut même dire que Compaoré a coupé le fouet pour la Transition qui l'utilise pour chicoter ses anciens collaborateurs.
Au lieu de perdre leur énergie dans des choses inutiles, les autorités de la Transition devaient au moins songer à produire des résultats en matière de bonne gouvernance. Qu'elles communiquent sur le nombre de rapports d'inspections produits. Que la justice évalue sa contribution à la lutte contre la mal-gouvernance sous cette Transition.
Rien que sur la base des dénonciations des médias, le ministère de la Justice et son parquet sont en mesure d'engager des poursuites judiciaires. A croire que les états généraux de la Justice, qui ont coûté 400 millions de francs CFA, n'ont permis qu'à des participants d'empocher juste des perdiems.
La Transition doit tenir dans les délais. La situation actuelle du Burkina Faso fait que de nombreux investisseurs observent une certaine prudence à venir investir dans le pays. Ils craignent des votes de lois contraignantes. Le Burkina Faso, malgré les assurances de son président, est considéré comme un pays à risque pour l'investissement. Alors que, sans les investissements étrangers, le pays ne dispose pas de moyens pour mettre en place des projets industriels, miniers, etc. de grande envergure. Nous sommes tous témoins de l'accroissement des richesses du pays depuis que l'or du Burkina attire les investisseurs.
La Transition ne doit pas non plus être prolongée parce que certains amis du Burkina Faso, communément appelés les partenaires techniques et financiers (PFT), ont presque gelé leur aide, attendant la mise en place d'un gouvernement démocratiquement élu pour revenir.
La prolongation de la Transition est défendue par une partie de cette soi-disant société civile qui dicte ses désirs sous cette Transition. Et c'est surtout honteux de voir les autorités de cette Transition s'agenouiller à leurs pieds. Si ce n'est pas pour continuer à jouir des avantages indus de cette Transition, nous ne voyons pas pourquoi elle doit être prolongée un seul jour.
Djénéba Sangaré