On retiendra avec Luc Marius Ibriga que ce qui s'est passé au Burkina, les 30 et 31 octobre 2014, n'est point un coup d'Etat, comme certains analystes tentent de le faire croire, mais bel et bien une insurrection populaire, à l'image de ce qui s'est passé le 3 janvier 1966, avec la chute de Maurice Yaméogo. Seulement, ici, pour ce qui concerne le régime de Blaise Compaoré, tout le monde a semblé pris de court, face à la rapidité du dénouement de la crise, avec le départ en exile des ténors du régime.
Face au vide politique, institutionnel et sécuritaire, il a fallu recourir à un trésor d'intelligence et de sagesse, pour mettre en place des institutions et mécanismes, qui, tout en complétant la Constitution, permettent d'entamer un processus transitionnel de dévolution du pouvoir par l'organisation d'élections.
Les défis de cette transition, poursuivra le conférencier, sont principalement de deux ordres : les défis liés aux attentes, et les défis liés à la gestion de l'Etat.
Au registre des attentes, les besoins de changement, et le déficit de démocratie sociale, résultant d'une polarisation des richesses par une élite au cœur du régime, ont cristallisé les mécontentements autour de l'article 37, avec pour point d'orgue le vaste mouvement populaire de fin octobre 2014. De ce fait donc, les attentes sociales sont nombreuses, et apparaissent antagoniques avec l'esprit même de la transition. Alors que les attentes sociales s'inscrivent dans la durée, la transition, elle, est encadrée dans le court terme, et n'est pas établie sur la base d'un programme sociopolitique.
Si les attentes sociales sont immenses, les attentes de la communauté internationales, elles, sont bien claires : la transition doit tenir ses délais, elle n'est pas là pour résoudre le long terme, sa mission étant d'organiser les élections.
Face à cette situation, la Commission nationale de la Réconciliation et des Réformes a un rôle majeur à jouer, en posant les balises pour une gouvernance politique, sociale économique et institutionnelle vertueuse qui engagera l'ensemble des acteurs nationaux. Là-dessus, Luc Marius Ibriga a sa petite idée, qui est que le gouvernement qui sera issue des prochaines élections, devrait être un gouvernement de réconciliation nationale, pour mettre en œuvre les réformes proposées par la commission.
Mais d'ici là, que faire de la Constitution de la IVè République, dont les faiblesses ont fait le lit de la mauvaise gouvernance que le pays a connue ? Grande question, à laquelle des réponses figées ne peuvent être apportées, d'autant qu'à l'aune de la réalité de la gestion du pouvoir d'Etat, beaucoup d'acteurs de la transition ont vite réalisé, qu'il y a bien loin, de la coupe à la lèvre.
Mais quelle perspective donc pour le processus de transition au Burkina ? Trois pistes peuvent être dégagées : un scénario optimiste, un scenario pessimiste, et un scénario réaliste. Ibriga s'inscrit dans le troisième scenario. La transition ira à bon terme, mais pas comme un long fleuve tranquille. Il y aura des difficultés et des à-coups, mais elle va aboutir. Et d'ajouter, un peu taquin, « tout le monde y a intérêt, car un retour de manivelle sera sans pitié ».