La spécificité du corps militaire doit être reconnue. Avec une modestie reconnue par toutes les parties en discussions. Ce n'est pas forcement bon de laisser la rue décider de ces questions qui ont leurs aspects techniques et profonds, lesquelles échappent aux profanes que nous sommes. Si le gouvernement de la Transition se fait aussi un gouvernement de refondation essentielle, sur des points où des faiblesses évidentes sont à réparer, il ne peut pas faire économie de la question militaire. Nous réfléchissons ensemble en Burkinabè soucieux de l'avenir et on se pose des questions : quid des forces armées nationales?
L'image du militaire perçue comme une force brute sans instruction ni capacité de réflexion n'est qu'une caricature qui n'a rien de sérieux. Mais, de même pour les politiciens et le gouvernement, les peuples ont les armées qu'ils méritent aujourd'hui. Si les idées fausses sont véhiculées et qu'aucune sérieuse réflexion ne «banalise» la perception trop lointaine de l'homme en arme dans nos Etats, pour en faire un citoyen comme les autres, il ne faudra pas s'étonner que le militaire soit et reste pour toujours, en Afrique, une sorte de propriété des hommes forts au pouvoir, bien souvent eux-mêmes issus des forces armée et parvenus au pouvoir par un coup d'Etat militaire. Les choses changent maintenant.
Ce serait faire du tort à un citoyen désireux de se lancer en politique, d'en être écarté par le seul fait d'être ou avoir été un homme en tenue. Il suffit qu'il se fasse réellement un candidat comme les autres, en d'autres termes, sans tricher avec l'appui de l'appareil militaire. C'est comme les enfants de chefs d'Etats qui viennent directement derrière leurs papas prendre le pouvoir. Il est évident qu'il y a anguille sous roche: en cela, le Sénégal nous a donné une belle leçon de démocratie en disant clairement «NON» à Wade bis repetita et Karim ensuite. Ce n'est pourtant pas une haine que les Sénégalais nourrissaient pour le vieil homme encore solide, dont la culture et les compétences ne sauraient être mises en question. Wade est bon, mais nous avons en ce moment besoin en Afrique de quelque chose d'aussi simple qu'essentiel: normalisation et assainissement de la vie publique et politique. Justice sociale, gouvernance et développement à la hauteur de nos défis et moyens.
Une vraie culture politique à même de construire nos Etats en Nations: pas de modification abusive des constitutions, humilité de nos élites qui doivent comprendre que personne n'est vraiment irremplaçable. Vous n'avez pas été seul à l'école ni à l'armée. Que serait la révolution burkinabè de fin octobre 2015 sans une adhésion des forces armées? Elles ont leur place, de même que toutes les compétences et composantes de la vie nationale: la culture, les médias, les étudiants, les paysans. Pour que demain soit meilleur.
Talata Kafando