Bourget, à une quinzaine de km au nord de la capitale française, s’est mué en l’un des lieux les plus sécurisés de la France, voire du monde. Dans les environs, la présence de policiers et de gendarmes français est remarquable. Même constat sur le site, où règnent des hommes en bleu, de la sécurité de l’ONU. Des équipes de déminage passent presque tout au peigne fin. L’entrée y est minutieusement filtrée. Le badge au cou et les sacs sont systématiquement soumis au scanner à plusieurs niveaux. Il faut tout simplement montrer patte blanche pour accéder au parc des expositions de Bourget, transformé en un sanctuaire pour l’environnement. Nous sommes sur le site de la 21e conférence des 196 parties signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), plus connue sous l’appellation COP21. La haute sécurité revêt tout son justificatif quand on sait que cette conférence intervient seulement 17 jours après les attentats de Paris, qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés. Et ce n’est pas tout ! Cet espace réunit aussi, depuis hier 30 novembre 2015, plus de 150 dirigeants du monde, venus en pompiers, pour sauver la planète. Le président du Faso, Michel Kafando, participe à cette « conclave verte », aux côtés de ses pairs, dont des plus puissants : Barack Obama des Etats-Unis, Vladimir Poutine de la Russie, Xi Jinping de la Chine. C’est le président français, François Hollande, lui-même, en compagnie, entre autres, du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui a accueilli, tour à tour, chacun des invités de marque. Un marathon de 3 heures de poignée de main. Mais, à écouter le président Hollande, la solennité en valait la chandelle, parce qu’il s’agit d’« un jour historique ». « Jamais une conférence n’avait accueilli autant d’autorités venues d’autant de pays et de tous les continents. Jamais, l’enjeu d’une réunion internationale n’avait été aussi élevé, car il s’agit de l’avenir de la planète, de l’avenir de la vie », a-t-il relevé tout de go. Le tableau climatique qu’il présente est interpellateur et la preuve que le réchauffement climatique a cessé d’être un concept abstrait, pour devenir, de nos jours, une réalité palpable. Le président français a indiqué, par exemple, que l’année finissante a été celle de nombreux tristes records : un moment de pires températures et concentrations de CO2, d’événements climatiques extrêmes (sècheresse, inondations, cyclones, fonte des glaces, hausse du niveau de la mer, acidification des océans). Les victimes de ces phénomènes, a-t-il noté, se comptent par millions et les dommages matériels par milliards. Avant d’ajouter que les enjeux climatiques riment avec ceux de la paix : «Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l’orage », a soutenu le chef de l’Etat français. Pour lui, l’heure est grave et les dirigeants du monde doivent prendre toute la conscience de la menace pour l’humanité. Etant donné qu’aucun pays ou région n’est à l’abri des effets du dérèglement climatique, François Hollande a invité à l’action, au nom de la justice climatique. Dans sa vision, il s’agit surtout d’éviter que les pays les plus pauvres, ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre, continuent de payer le plus lourd tribut.
Il est temps d’agir...
La rencontre de Paris se veut un nouveau départ pour affronter « franchement » les défis climatiques. Au cours de la cérémonie d’ouverture, Ban Ki-moon, lui, a invité les chefs d’Etat et de gouvernement à mettre fin aux tergiversations, pour faire face, « avec courage et vision » au dérèglement climatique. Il a insisté pour dire que la responsabilité morale et politique des dirigeants actuels est engagée pour l’avenir de « notre monde et celui des générations futures ». Pour lui, le rendez-vous environnemental de la capitale française doit impérativement accoucher d’un accord durable, équilibré et dynamique et solidaire des plus démunis. Le premier des Français a, dans la même veine, décliné trois indicateurs clés qui permettront de jauger du succès de la COP21. Le premier, c’est que l’accord espéré devra « dessiner, une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C ou même dès 1,5°C si c’est possible ». Le deuxième est que le document consensuel qui en résultera puisse apporter une réponse solidaire aux défis climatiques, c’est-t-à dire qu’aucun Etat ne devra pouvoir se soustraire à ses engagements. Il concède néanmoins qu’un mécanisme de différenciation pourrait être envisagé en fonction des situations. A ce titre, il se convainc que cet accord doit « être universel, différencié et contraignant ». Le dernier élément d’appréciation à prendre en compte, selon Hollande, est que toutes les sociétés dans leur grande pluralité, diversité se mettent en mouvement, conformément aux termes de l’accord éventuel. « L’ensemble des dirigeants locaux, des investisseurs, des acteurs économiques et sociaux, des citoyens et même des grandes consciences, des religions, tous ceux qui contribuent à ce qui façonne l’esprit public mondial, doit comprendre que la donne a changé », a étayé le président Hollande. C’est un chef d’Etat français visiblement optimiste qui s’est adressé à ses pairs du monde entier. Un optimisme qui se justifie par le travail de « diplomatie écolo » auquel son gouvernement et lui se sont livrés, durant de nombreux mois, en préparation à la présente conférence. Les différents intervenants à la tribune de la conférence ont fait montre de meilleures dispositions à s’engager résolument en faveur du climat, d’une économie respectueuse de dame nature. De sorte que le président de la COP21, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pense qu’un accord est à portée de main. Il reste cependant que les uns et les autres fassent mieux que des déclarations de bonnes intentions qui ont caractérisé les conférences précédentes. La fin des négociations est attendue pour le 12 décembre prochain.
En invitant les chefs d’Etat et de gouvernement dès l’entame des tractations, le président Hollande a voulu marquer une rupture avec les pratiques antérieures (ndlr : où les dirigeants venaient à la fin) et surtout user du leadership de ceux-ci pour orienter les discussions des experts.
Koumia Alassane
KARAMA
à Paris