Par rapport à la suspension de la FEDAP/BC, l'on peut dire que cette association peut se réjouir d'avoir été simplement suspendue. En effet, la FEDAP/BC, au regard de la nature de ses agissements et de son credo sous l'ère Compaoré, aurait pu être dissoute sans que personne ne s'en émeuve outre mesure. D'abord, elle porte le péché d'être née avec le label d'une association de la société civile alors que dans la pratique, elle se comportait comme un parti politique. Cette nature hybride, digne d'une chauve-souris, avait d'ailleurs été relevée par l'opposition politique d'alors, qui s'en était plainte auprès du ministère de l'Administration territoriale et qui avait même demandé sa dissolution. Le ministère n'avait pas daigné accéder à cette requête. Pourtant, les faits étaient têtus. Cette attitude de l'administration territoriale était en phase avec le système Compaoré. Car elle illustre parfaitement comment se comportait de manière générale l'administration sous Blaise Compaoré. Instrumentalisée à outrance, celle-ci donnait plus l'impression d'être un outil au service d'intérêts égoïstes qu'un instrument qui travaillait pour l'intérêt général. Ce faisant, elle avait perdu son essence et partant, sa légitimité. L'autre élément qui plaide pour la suspension de la FEDAP/BC, c'est que celle-ci, depuis qu'elle a été portée sur les fonts baptismaux, a toujours donné l'impression de placer ses activités sous le signe de la déification de Blaise Compaoré. De ce fait, elle se délectait d'une propagande indécente et forcenée, fondée sur le culte de la personnalité. Cette attitude qui s'accommode mal de la démocratie, parce qu'elle a consisté systématiquement à magnifier le prince régnant même quand celui-ci posait des actes gravissimes contre l'intérêt supérieur de la nation, a contribué à distiller au sein des populations, l'idéologie selon laquelle, plus qu'un homme, Blaise Compaoré est un démiurge voire un messie. C'est cette image idyllique de Blaise Compaoré que la FEDAP/BC s'est évertuée à dessiner et qui pourrait expliquer entre autres les dérives autocratiques de l'ancien président.
Le principal responsable de tout ce qui arrive à l'ADF/RDA et au CDP est Blaise Compaoré
En ce qui concerne la suspension de l'ADF/RDA et du CDP, l'on peut avoir des raisons de ne pas en pleurer non plus. En effet, s'il est vrai que de façon souterraine, ces deux formations politiques cherchent déjà à rebondir alors que les cadavres des martyrs des 30 et 31 octobre derniers sont encore fumants, l'on peut en déduire qu'il y a de l'indécence dans leurs agissements. Ces deux partis politiques sont d'autant moins à plaindre qu'ils ont travaillé en toute conscience et de façon souvent arrogante, à exposer le Burkina Faso aux flammes de l'enfer. Et ces flammes, comme il fallait s'y attendre, ont brûlé mortellement des Burkinabè dont le seul péché était de s'être dressés, les mains nues, contre la forfaiture que Blaise Compaoré s'apprêtait à poser le 30 octobre dernier, avec justement leur bénédiction.
De ce point de vue, non seulement l'on peut être tenté de ne pas les plaindre, mais aussi l'on a le droit de douter de la sincérité des mea-culpa qu'ils viennent d'adresser au peuple burkinabè, pour, sitôt après, chercher à reprendre leurs activités. L'on pourrait, de ce fait, voir dans la décision du gouvernement de les suspendre, le souci de celui-ci de les mettre à l'abri de toute vendetta de la part des acteurs de la transition dont certains, visiblement, n'ont pas encore fini de décolérer contre eux. Pour toutes ces raisons, l'on pourrait aller dans le sens des mesures prises par le gouvernement contre eux. Toutefois, l'ADF/RDA et le CDP pourraient bénéficier d'un assouplissement de cette mesure pour les considérations suivantes. Leur suspension, de toute évidence, les met en marge du jeu politique et du processus de réconciliation nationale. De ce fait, ils peuvent se victimiser et brandir à la face du monde qu'ils sont objet d'ostracisme et de discrimination. Comparaison n'est certes pas raison, mais l'on peut dire qu'en terme de passif, le CDP, l'ADF/RDA et le FPI (Front populaire ivoirien) de Laurent Gbagbo se ressemblent. Mais Alassane Ouattara n'a pas pour autant dissout la formation politique de « l'enfant de Mama » qui a une part de responsabilité dans les massacres des populations d'Abidjan. Mieux, il lui a toujours tendu la main, dans l'intérêt de l'équilibre du jeu démocratique et de la réconciliation nationale. Suspendre l'ADF/RDA et le CDP, alors qu'ils sont à terre, c'est du moins l'impression que l'on a, peut s'apparenter au fait de tirer sur une ambulance. Il aurait été plus judicieux de leur permettre d'exister pour faire face au regard des Burkinabè. Ce regard pourrait plus représenter pour eux un enfer, au lieu de leur donner l'alibi commode de se présenter devant l'opinion nationale et internationale comme des partis politiques persécutés et discriminés. Dans le même registre, l'on peut dire que la motivation de leur suspension, telle qu'elle a été énoncée, pourrait ne pas résister à une analyse de type juridique.
Cela dit, le principal responsable de tout ce qui arrive de fâcheux à l'ADF/RDA et au CDP aujourd'hui au Burkina est Blaise Compaoré himself. C'est lui qui, nonobstant les nombreux coups de semonce de tous ceux qui avaient pris fait et cause pour la démocratie au Burkina, avait choisi de franchir la ligne rouge. Aujourd'hui, il vit un exil forcé. Mais il a pris le soin d'y amener son frère cadet et certains membres très proches de son clan, laissant les autres au pays, pour régler l'addition de l'ensemble de ses mauvaises œuvres. Mais ce ne serait pas faire dans le cynisme que de dire tant pis pour eux.
Pousdem PICKOU