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Soutien de l’ADF/RDA à la révision de l’article 37 : Le nouveau numéro d'un éléphant de cirque

| 28.10.2014
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Soutien de l’ADF/RDA à la révision de l’article 37 : Le nouveau numéro d'un éléphant de cirque
© DR / Autre Presse
Soutien de l’ADF/RDA à la révision de l’article 37 : Le nouveau numéro d'un éléphant de cirque
Les uns redoutaient encore une énième manœuvre politique. D'autres pariaient cette fois-ci sur la sincérité de ses déclarations. Au finish, l'Eléphant est arrivé là où on l'attendait le moins. Fin de suspense.

L'ADF/RDA a décidé ou été contrainte, c'est selon, de jeter bas les masques : elle a officiellement et publiquement choisi de soutenir, comme on le sait désormais, le projet de loi sur le référendum en vue de la modification de l'article 37.

Finies donc les ambiguïtés qu'elle avait jusque-là entretenues sur ses intentions réelles.

Place maintenant aux contorsions politiques, juridiques et sémantiques pour justifier cette «forfaiture», comme le décrient bien de gens, parmi lesquels des militants du parti, complètement assommés par ce revirement.

Ainsi donc, au terme d'une réunion du bureau politique, il a plu aux caciques du parti d'officialiser ce qui se susurrait depuis dans le landernau politique : une « trahison » de l'Eléphant.

Et la nouvelle tomba, produisant l'effet d'une trique : «N'ayez ni crainte ni peur. Bien au contraire, vous avez des raisons légitimes d'être fiers de vous et d'être confiants. Au nom de la paix et de la démocratie, le secrétariat exécutif national, réuni le 23 octobre 2014, a décidé, à l'unanimité, d'appeler les députés du groupe parlementaire ADF/RDA à soutenir le compromis trouvé au sein de la majorité», a, en effet, conclu, à la surprise générale, le président du parti, Gilbert Noël Ouédraogo.

En voilà qui est maintenant clair. Depuis qu'on le cornaquait en tout temps, par monts et par vaux, sur les terres de la majorité présidentielle, on se demandait à quel numéro le mastodonte se prêtait-il ainsi.

Que ce soit lors de l'infructueuse médiation interne menée par le président Jean-Baptiste Ouédraogo ou du défunt dialogue politique initié par le chef de l'Etat lui-même, Gilbert et ses hommes ont toujours été trimballés dans les valises d'Assimi Kouanda, sans qu'on ne sache vraiment à quelle alchimie politique s'attendre.

Mais dès mardi 21 octobre, jour de la décision du conseil extraordinaire des ministres de recourir à un projet de loi pour le tripatouillage constitutionnel, les choses avaient commencé à se préciser.

En effet, ce jour-là, en fin de soirée, réuni au CBC, le bureau politique du CDP a levé un coin du voile : «Je saisis cette occasion pour saluer la droiture et la loyauté de l'ADF/RDA qui, fidèle à ses principes et engagements, a montré son attachement à la vérité traduite par la majorité politique».

Alors, si Assimi remercie publiquement Gilbert, c'est que l'affaire est dans le sac. Et on s'en rendra compte, jeudi, à l'Assemblée nationale, avec l'adoption (à mains levées) à 99 voix sur 127 de l'introduction du projet de loi dans l'ordre du jour de la session parlementaire en cours. Quand on sait que le CDP et ses excroissances ne comptent qu'au total 81 sièges, point besoin d'être un devin pour savoir d'où proviennent les 18 autres votes favorables. Du coup, c'est comme si on venait d'assister à peu de choses près à une sorte de répétition générale avant le vote proprement dit de la modification de l'article 37.

Mais, soyons justes ! Reconnaissons au moins à l'ADF/RDA le droit inaliénable de soutenir qui elle veut. En fonction de ses analyses et de ses intérêts du moment, elle reste libre du choix de ses alliés.

Même si parjure il y a eu, après tout, ne sommes-nous pas en politique, un domaine où la vérité d'hier n'est forcément pas celle d'aujourd'hui ?

Alors, que ceux qui se sentent «trahis» par cette volte-face se gardent néanmoins de toutes actions de représailles contre les «Judas de services».

Mais que de contorsions pachydermiques pour en arriver là !

Par cet exercice de funambulisme à donner le tournis, le parti de l'Eléphant semble oublier que l'opinion publique a une mémoire d'éléphant, c'est le cas de le dire. Alors, Il a beau se ruiner en barrissements, il ne peut échapper au procès en apostasie que lui instruisent les opposants à la modification de l'article 37. Difficile, pour peu qu'on se rappelle les déclarations faites hier par les révisionnistes de la 25eheure.

Morceaux choisis :

D'abord, jeudi 30 janvier 2014 à Ouahigouya à la résidence du président de l'ADF/RDA :

«que tu sois un ange ou un génie, il n'est pas question que quelqu'un, après deux mandats, veuille modifier la Constitution pour encore se représenter. La position de l'ADF/RDA est claire à propos de la limitation des mandats présidentiels». Qui parle ainsi ? Le député Sidiki Bélem, secrétaire national à l'organisation de l'ADF/RDA ;«restez où vous étiez hier, car l'ADF/RDA est toujours sur la position que vous connaissez. Des gens disent qu'ils ne comprennent pas l'Eléphant, qu'il a dit ceci hier, qu'il a dit cela aujourd'hui... Si l'ADF/RDA avait voulu de la modification de l'article 37, il l'aurait été depuis». Propos de Gilbert Noël Ouédraogo.

Ensuite, lors du 15e congrès de l'ADF/RDA du 14 au 16 mars 2014

«Non à une quelconque modification de notre Constitution», Gilbert Noël Ouédraogo dixit ;«Nous sommes pour la limitation du mandat présidentiel. Nous estimons que le référendum est inopportun. La classe politique burkinabè est assez divisée sur cette question et nous pensons qu'il n'est pas utile d'en rajouter », Gilbert Noël Ouédraogo.

Enfin, au cours des universités d'été des jeunes libéraux tenues à Ouahigouya les 23 et 24 août 2014

«Nous appelons les acteurs à œuvrer pour une transition politique apaisée. Quant à l'article 37, nous restons sur notre position, c'est-à-dire contre sa modification», encore et toujours Gilbert Noël Ouédraogo.

Mais trêves de rappels.

Maintenant que l'Eléphant a embouché une autre trompette, doit-on pour autant s'étonner de ce retournement de trompe qui fera certainement date dans l'histoire politique de la quatrième République ?

Assurément non. C'est que l'ADF/RDA nous a habitués à des positions qui défient toute logique politique.

On se souvient que tout chef de file de l'opposition qu'il fut, le fils du «duc du Yatenga» ne s'était pas gêné outre mesure d'aller attacher le pachyderme au parc animalier de Ziniaré en soutenant en 2010 le candidat du parti au pouvoir, Blaise Compaoré.

A l'époque, dans les chancelleries occidentales, on s'était marré de cette bizarrerie politique bien burkinabè. Après nous avoir donc gratifiés de cette pitrerie électorale lors de la dernière présidentielle, ce n'est pas aujourd'hui que la direction du parti va se faire du scrupule pour tourner casaque. Du moment où, selon certaines sources proches du pouvoir, l'hôte de Kosyam est disposé à une libéralité cette fois-ci plus alléchante (quatre maroquins dont un ministère d'Etat et voire plus si affinité). Sans compter le reste.

Mais à trop faire dans le funambulisme, comme un éléphant de cirque, on a bien peur que le mastodonte ne finisse par se faire mal.

Jusqu'où le reste de la troupe supportera-t-elle cette énième palinodie dont il ignore les tenants et les aboutissants ?

L'avenir très prochain nous le dira.

Alain Saint Robespierre

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