En médecine comme en politique, les erreurs doivent être évitées au maximum
En effet, aux dires du PM, venu s'enquérir de l'état d'avancement des travaux de la médiation interne, et de Jean-Baptiste Ouédraogo, « le président du Faso est au-dessus des institutions ». De tels propos, tenus par des personnalités de cette envergure, peuvent être décryptés de plusieurs façons.
D'abord, l'on peut supposer que le PM et Jean-Baptiste Ouédraogo ont commis simplement un lapsus. En voulant dire peut-être que Blaise Compaoré est au-dessus des partis politiques, ils ont substitué au terme attendu un autre mot. L'on pourrait donc leur accorder des circonstances atténuantes au cas où l'hypothèse du lapsus serait établie. Même dans ce cas de figure, ils doivent faire une autre sortie pour recadrer les choses, de manière à couper court aux spéculations que cette phrase suscite. L'erreur, dit-on, est humaine mais il existe des domaines où l'erreur, si elle n'est pas vite corrigée, peut concourir à dresser les citoyens les uns contre les autres. En médecine comme en politique, les erreurs doivent être évitées au maximum parce que l'enjeu dans ces domaines se rapporte à la vie. Celle des hommes pour la médecine, et celle de la nation pour la politique. D'ailleurs, relativement aux lapsus, la psychanalyse a pu les interpréter comme des actes manqués qui trahissent les intentions cachées de leurs auteurs.
Les régimes politiques où les individus sont au-dessus des institutions sont aux antipodes de la démocratie
L'autre décryptage que l'on peut faire de ce qu'il convient d'appeler la phrase qui fâche, est le suivant. Jean- Baptiste Ouédraogo et Luc Adolphe Tiao ont pesé leurs mots avant de les employer. Si tel est le cas, cette phrase est simplement attentatoire à la démocratie. Comment, en effet, peut-on imaginer un seul instant, dans une démocratie, qu'un individu, fût-il président, soit au-dessus des institutions ? Les régimes politiques où les individus sont au-dessus des institutions sont aux antipodes de la démocratie.
Cette phrase sied plutôt aux régimes politiques caractérisés par la tyrannie, l'autocratie et le despotisme. Ce qui fait d'ailleurs la particularité des grandes démocraties, c'est l'allégeance des individus aux institutions, lesquelles au demeurant tirent leur légitimé et leur légalité de la Constitution. De ce point de vue, déclarer que Blaise Compaoré est au-dessus des institutions peut vouloir dire qu'il est au-dessus de la Constitution. Le contexte politique manichéen du Burkina, où chaque camp voit midi à sa porte, nous fonde à dire que cette phrase n'est pas de nature à rendre service à la paix sociale et à l'apaisement. Cette phrase est d'autant plus inacceptable qu'elle a, en plus du Premier ministre, été tenue par une personnalité qui a déjà exercé la fonction de président du Faso, même si c'était en période d'exception, et surtout qui, soit dit en passant, s'est autosaisie de la crise socio-politique que vit le Burkina, pour tenter une médiation, dont la difficulté réside dans le fait que les principaux protagonistes n'ont pas la même lecture de la Constitution.
C'est pourquoi, l'on peut estimer que Jean-Baptiste Ouédraogo, par cette phrase, s'est rendu fautif d'un acte manqué, qui pourrait compliquer davantage sa mission de médiateur en chef. Cela dit, il faut souhaiter que la démocratie au Burkina, qui est visiblement dans une zone de hautes turbulences, en sorte en se bonifiant de manière à ne pas permettre à un individu d'être au-dessus des institutions, car l'Afrique, dans son cheminement laborieux vers la liberté, la démocratie et le développement, a plus besoin, pour reprendre la formule de Barack Obama « d'institutions fortes que d'hommes forts ».
Pousdem PICKOU
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