Situation politique au Burkina Faso : Que cherchent Paris, Bruxelles et Washington ?

| 14.04.2014
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Situation politique au Burkina Faso : Que cherchent Paris, Bruxelles et Washington ?
© DR / Autre Presse
Situation politique au Burkina Faso : Que cherchent Paris, Bruxelles et Washington ?
En l'espace de deux jours, c'est un ballet diplomatique qui s'est déroulé entre les sièges du Chef de file de l'opposition politique et du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Le mercredi 09 avril 2014, l'ambassadeur des Etats Unis d'Amériques au Burkina Faso Salama Tulinabo Mushingi a rencontré le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) Rock Marc Christian Kaboré. Le jeudi 10 avril 2014, l'ambassadeur représentant de l'Union européenne au Burkina Faso Alain Holleville, lui était en audience avec le chef de file de l'opposition politique Zéphirin Diabré. L'ambassade de France, elle, consulte et sonde les acteurs politiques loin des regards.

Le dénominateur commun du pourquoi de ces audiences se résume à la situation politique nationale. Pour sûr, l'agenda politique de 2015 marqué par le débat autour des velléités du parti au pouvoir de sauter le verrou de l'article 37 portant sur la clause limitative des mandats présidentiels au Burkina Faso pèse dans ces déplacements des diplomates américain et européen. Sans oublier que certaines représentations diplomatiques à l'image de la France rencontrent, consultent et discutent sans aucun bruit médiatique avec des acteurs politiques. Qu'est ce qui fait autant courir les diplomates étatsuniens et européens ? En aout 2013, l'ONG américaine Crisis Group avait alerté les chancelleries occidentales sur les risques de crise de conflit au Burkina avec en ligne de mire 2015, dans un rapport intitulé « Burkina Faso, avec ou sans Blaise Compaoré, le temps des incertitudes ». L'ONG avait appelé la France et les Etats Unis d'Amériques à s'intéresser à la question. La situation politique nationale caractérisée par les velléités du parti au pouvoir et ses satellites d'organiser un referendum est donc le motif. Le diplomate américain lui a indiqué que plus on se parle, plus on comprend la situation politique burkinabè.

La question qu'on peut légitimement se poser est de se demander que veulent comprendre les américains et les européens dans le jeu politique burkinabè et pour quoi faire ? Non seulement la démarche pose problème puisque le débat politique actuel est une affaire interne aux Burkinabè mais elle pose aussi la problématique de la souveraineté du Burkina Faso. Peut on imaginer l'ambassadeur burkinabè aux Etats Unis d'Amériques Seydou Bouda faire la ronde des partis politiques américains pour comprendre le jeu politique ou l'ambassadeur du Burkina auprès de l'UE faire la ronde pour comprendre ce qui relève des affaires intérieures de cet espace communautaire de 28 pays européens ? Pour sûr, si les diplomates s'activent et sondent les acteurs politiques, ce n'est pas toujours dans l'intérêt supérieur du peuple burkinabè. Ils sont les représentants de leur pays et veillent donc à leurs intérêts. L'expérience a démontré qu'il ya des calculs dans leur démarche. Ce n'est pas pour rien que la rumeur a couru en 2011 sur le rôle joué par la France lorsque la grande muette est sortie de son silence pour tutoyer le locataire du palais de Kosyam. L'hexagone a été accusé d'avoir « sauvé » le régime de Blaise Compaoré même si l'ambassadeur de France au Burkina à son temps Emmanuel Beth avait démenti. La même France à travers son ambassadeur de l'époque Maurice Portiche est également tenue pour responsable dans certains milieux d'avoir pesé de tout son poids pour éteindre le feu de la crise consécutive à l'assassinat du journaliste Norbert Zongo. Nommé en avril 1999, Maurice Portiche aurait mis ses contacts en branle avec la complicité de Hermann Yaméogo pour encourager et soutenir les partis politiques à se détacher du collectif pour participer au scrutin législatif de 2002 que d'aucuns considèrent comme l'un des points d'affaiblissement de la lutte du collectif.

En tout les cas, qu'on se le tienne pour dit : la souveraineté a un prix. On ne peut pas se dire Etat indépendant et élaborer son budget sur la base des aides extérieures ou laisser la charge d'impression de son journal officiel à la France. Si les Etats Unis d'Amériques, la France et l'Union européenne se permettent de s'immiscer dans les affaires intérieures c'est parce que sur bien de points, le Burkina Faso n'assume pas pleinement son indépendance. La commissaire européenne des droits de l'homme Emma Bonino, elle ne s'encombrait pas de formule diplomatique pour justifier la diplomatie occidentale dans Libération du 22 septembre 1998 « nous avons aujourd'hui des relations d'aide avec des Etats africains qui sont des mendiants sur la scène internationale, auxquels nous payons leurs écoles, leurs hôpitaux et leurs infrastructures... Je pense que nous avons fait le deuil de la colonisation et du néocolonialisme. Qu'on cesse donc de s'abriter derrière une volonté d'indépendance qui n'est qu'une rhétorique. Il n'est pas acceptable que ceux qui reçoivent notre aide soient uniquement des nationalistes sourcilleux lorsqu'il s'agit des normes et valeurs universelles alors que les mêmes ne sont nullement gênés de nous imputer leurs budgets pour l'éducation ou la santé ». Le Burkina et l'Afrique devront tirer les enseignements.

Henry BOLI

Avec ZoodoMail

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