Imprimer cette page

Situation nationale : Le jeu du quitte ou double du MPP

| 03.03.2014
Réagir
Situation nationale : Le jeu du quitte ou double du MPP
© DR / Autre Presse
Situation nationale : Le jeu du quitte ou double du MPP
Après l'assemblée générale constitutive du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), tenue le 25 janvier dernier à Ouagadougou, Roch Marc Christian Kaboré et ses camarades viennent de franchir un autre pas dans leur rupture avec le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ce samedi 1er mars à Bobo-Dioulasso. En effet, au cours d'un meeting qui avait tous les relents d'une campagne contre le pouvoir, les dirigeants du MPP n'ont pas eu besoin de circonlocutions pour traduire leur ferme volonté de mettre fin au système Compaoré. Devant une foule des grands jours, Roch et Salif notamment ont tenu des propos qui en disent long sur leur détermination à susciter l'alternance, contre vents et marées.

 

Roch et ses camarades savent qu'ils jouent simplement leur survie

L'enfant terrible du Yatenga, dont la témérité et le franc- parler sont connus de tous et qui a le mérite d'avoir levé le gibier depuis Vienne où il occupait le poste d'ambassadeur, s'est encore une fois de plus illustré par une harangue dont lui seul a le secret, dans laquelle il a dit en substance que la transition apaisée dont il est question aujourd'hui ne pouvait être envisagée qu'en cette année 2014. Il a ajouté que 2015 serait l'année du changement radical, même si, pour cela, ils doivent y laisser leur vie. Le premier responsable du parti, qui lui a succédé à la tribune, sur un ton moins martial certes, n'a pas non plus caressé le pouvoir dans le sens du poil. En effet, celui-ci a estimé que le référendum auquel veut recourir le CDP pour trancher la question de l'article 37, est sans objet, puisqu'à ses yeux, le peuple s'était déjà exprimé sur le sujet en 1991. Cette sortie du MPP est un évènement majeur qui mérite que l'on s'y attarde.

D'abord, le choix de la ville de Bobo n'est pas anodin. Cette ville, connue pour être frondeuse, offre un terreau favorable pour ensemencer la graine de l'alternance. Historiquement, Bobo-Dioulasso s'est déjà illustré dans ce rôle en soutenant à bout de bras le Rassemblement démocratique africain (RDA) de Houphouët Boigny et de Ouézzin Coulibaly, dans sa croisade contre le système colonial. Cette ville pourrait donc servir de ferment à la marche du MPP vers le pouvoir en 2015.

Ensuite, Roch Marc Christian Kaboré et ses camarades, en optant de s'immoler au besoin pour le changement, savent de quoi ils parlent. En effet, pour avoir été au cœur du système Compaoré dont ils sont en partie comptables des dérives qu'ils dénoncent avec véhémence aujourd'hui, Roch et ses camarades savent, au-delà de l'alternance qu'ils veulent susciter, qu'ils jouent simplement leur survie. Ils savent que pour avoir dit moins que cela, des Burkinabè ont été envoyés ad patres dans des circonstances jusque-là obscures. Roch et ses camarades s'adonnent ainsi à un jeu du quitte ou double. De ce point de vue, les propos des dirigeants du MPP, qui ressemblent à un acte de témérité politique a priori, peuvent se lire comme un geste de survie dictée par leur instinct de conservation.

Enfin, l'on pourrait aussi s'arrêter sur le refus catégorique de toute idée de référendum martelée par Roch Marc Christian Kaboré, à laquelle veut recourir le CDP pour trancher la question de l'article 37 de la Constitution. Toutefois, il convient de se remémorer la sortie malheureuse du même Roch Kaboré à propos du même article 37 dont il estimait que toute impossibilité de révision du contenu était antidémocratique. Il a certes, depuis, fait son mea culpa, mais l'histoire retiendra que sa position à l'époque, a, d'une certaine manière, contribué à créer les conditions de la chienlit que nous vivons aujourd'hui.

Tout ce remue-ménage auquel nous assistons aujourd'hui, est aussi une rupture unilatérale d'un contrat social

En effet, en 1991, le même peuple au nom duquel le CDP et ses alliés sont en train d'écumer tous les villages et hameaux du pays, pour que Blaise Compaoré rebelote en 2015, s'était massivement exprimé pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. En 1997, au nom de l'apaisement du climat socio-politique rendu explosif suite à l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, les sages, appelés au chevet d'un Burkina malade, avaient réussi à éviter la chienlit dans le pays en suggérant des réformes politiques qui avaient reçu l'adhésion de bien des Burkinabè. C'est d'ailleurs en vertu de ces réformes que Blaise Compaoré, après avoir épuisé deux septennats, avait été autorisé à renouveler son bail à la tête de l'Etat. Que Blaise Compaoré revienne aujourd'hui sur ce consensus national qui lui avait permis au demeurant de sauver son fauteuil, peut franchement être perçu comme un acte indécent tant du point de vue moral que politique. Tout ce remue-ménage auquel nous assistons aujourd'hui, en plus d'être indécent et impertinent, est aussi une rupture unilatérale d'un contrat social. Pire, l'on pourrait même dire que le recours au référendum traduit le mépris du pouvoir pour le peuple burkinabè. En effet, dans une démocratie digne de ce nom, personne ne peut être contre le principe de recourir au peuple pour arbitrer les grandes questions qui se posent à un pays à un moment donné de son histoire. Mais dans le contexte du Burkina, non seulement cette histoire de référendum se rapporte aux intérêts d'un individu, mais aussi le pouvoir sait qu'il a des alliés de taille à travers des populations de la communauté rurale dont on connaît la misère, l'ignorance et le degré zéro de conscience politique. Tous les adeptes du référendum savent qu'ils peuvent compter sur cette triste réalité à laquelle d'ailleurs le pouvoir n'est pas étranger. Si l'on ajoute à ce tableau d'autres paramètres comme la fraude et l'instrumentalisation de l'administration, l'on n'a pas besoin d'être un démiurge pour savoir que l'affaire est pliée dès lors qu'il y a référendum. En attendant ce scénario que tous les Burkinabè épris de paix et de démocratie vraie doivent redouter, l'on pourrait poser à Blaise Compaoré la question suivante : quelle image voudrait-il que l'histoire retienne de lui ? La réponse à cette question édifiera les Burkinabè, en tout cas sur la nature véritable de l'enfant terrible de Ziniaré. En attendant, l'histoire continue sa marche irrésistible.

Pousdem Pickou

 

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité