Situation nationale : Doit-on faire la nécrologie du CDP ?

| 07.11.2014
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Situation nationale : Doit-on faire la nécrologie du CDP ?
© DR / Autre Presse
Situation nationale : Doit-on faire la nécrologie du CDP ?
Par quelle mécanique enclencher le processus de transition démocratique civile au Burkina Faso ?


Quelque une semaine après la démission forcée du président Blaise Compaoré, le 31 octobre 2014, la classe politique et la société civile ne sont toujours pas parvenues à s'entendre sur le choix de celui ou, pourquoi pas, celle qui va conduire le pays vers le retour à une vie constitutionnelle normale.

Malgré les menaces ouvertes de la Communauté internationale, notamment de la CEDEAO, les sanctions déjà prises par le Canada, c'était toujours hier la foire d'empoignes au sein des «Forces vives» à propos des voies et moyens vers une gestion consensuelle de la vacance du pouvoir par un civil.

Même la présence de trois chefs d'Etat dépêchés au chevet d'un Burkina convulsif pour prodiguer des soins avant que l'état de santé du patient se dégrade davantage n'a pu produire les effets escomptés. Au terme d'un marathon politico-diplomatique non-stop du mercredi dernier à l'hôtel Laïco, la troïka de l'organisation sous-régionale (John Dramani Mahama du Ghana, Macky Sall du Sénégal et Goodluck Jonathan du Nigeria) n'a pu obtenir le fameux short list de trois noms de personnalités civiles d'où sortira l'oiseau rare de la transition. Réunis à Accra depuis hier avec leurs pairs ouest-africains, les trois émissaires de la CEDEAO vont certainement se résoudre à proposer des traitements à distance.

Sans nul doute que le trio présidentiel rendra compte à Accra que même si tout le monde est unanime pour que l'épée cède à la toge, autrement dit pour que les militaires passent l'intérim du pouvoir aux civils, la faisabilité en est toute autre.

En effet, n'a-t-on pas frôlé à l'hôtel Laïco, un incident diplomatique avec ce refus bruyant des représentants de la société civile et de l'opposition de s'asseoir à la même table de discussions avec des mandataires de l'ex-majorité ?

Face à l'ire de leurs vis-à-vis et à la furie de la foule massée devant l'hôtel, Alain Yoda, Léonce Koné, Amadou Diemdioda Dicko, Bouba Yaguibou et Zackaria Tiemtoré ont dû vider les lieux précipitamment.

On comprend bien sûr le violent ressentiment de ceux qui ne veulent plus voir, même en peinture, les personnes qu'ils considèrent comme les responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

On le comprend d'autant mieux qu'à la vérité, ces représentants du régime déchu ont commis une erreur de casting parue aux yeux de la société civile et de l'opposition comme l'expression de l'arrogance qui leur est coutumière. Moins d'une semaine seulement après la chute de leur champion, était-il en effet politiquement correct d'envoyer à cette rencontre des personnalités emblématiques ou si l'on veut, des identités remarquables de l'ancien pouvoir, à l'instar d'Alain Yoda, ci-devant, président du groupe parlementaire CDP et précédemment secrétaire à la communication du même parti ? L'ex-majorité et ses «mouvanciers» ne pouvaient-ils pas commettre moins typés ?

Mais si ce courroux intempestif des responsables de la société civile et de l'opposition était à moult égards compréhensible et légitime mercredi dernier, on est quand même en droit de se poser un certain nombre de questions sur la suite des événements.

En effet, puisque et le CDP et l'ADF/RDA, et aucun autre parti du Front républicain, malgré tous les griefs qu'on leur fait, restent jusqu'à preuve du contraire des partis légalement reconnus, faut-il dans les faits les exclure du jeu politique ?

Parce qu'ils sont une partie du problème n'est-ce pas logique qu'ils soient parties prenantes dans la recherche de solutions ?

A vouloir «déCDPiser» radicalement la scène politique, ne court-on pas le risque de retomber dans la même logique de monopolisation et d'exclusion qu'on leur reproche et qui est une des causes qui ont fini par emporter le système Compaoré ?

Il faut savoir faire donc preuve de dépassement de soi et éviter de proclamer la nécrologie du CDP comme on l'a constaté par exemple dans le « projet de cadre de transition » qui a circulé et ne fait nulle mention des partis favorables à l'ancien président Blaise Compaoré.

Travaillons à ne pas élargir la fracture sociale en érigeant une ligne de démarcation infranchissable entre «bons» et «mauvais» Burkinabè, entre «Résistants» et «Collabos», pour emprunter une terminologie chère à nos cousins gaulois. Malgré tous les ressentiments que l'on peut nourrir, gardons-nous de toute chasse aux sorcières comme en France, aux lendemains de la Libération, où tant d'hommes furent frappés de l'indignité nationale et tant de femmes tondues pour «collaboration horizontale».

On ne cessera pas de l'écrire, avec ces «Quatre Glorieuses» que nous venons de vivre, l'occasion est venue de repenser notre démocratie dans un esprit expurgé de tout germe d'exclusion.

Alain Saint Robespierre

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