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Simon Compaoré : « Dans le scénario que nous avons prévu, soit on nous arrête, soit on nous tire dessus comme des lapins »

| 24.12.2014
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Simon Compaoré : « Dans le scénario que nous avons prévu, soit on nous arrête, soit on nous tire dessus comme des lapins »
© DR / Autre Presse
Simon Compaoré : « Dans le scénario que nous avons prévu, soit on nous arrête, soit on nous tire dessus comme des lapins »
2 h 36 mn : c'est le temps d'une interview que le 2evice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Simon Compaoré, nous a accordée le 15 décembre dernier au siège du parti. Les nombreux sujets abordés expliquent, en effet, la longueur de l'interview. Insurrection populaire des 30 et 31 octobre, transition politique, vie du MPP, ses relations avec Blaise Compaoré. Ce sont là, entre autres, les questions évoquées avec celui qu'on appelle affectueusement le Bibêga. Très loquace, il fait des confidences, réaffirme son engagement politique et lance des défis à ses contempteurs.


Le Quotidien : Vous étiez un homme influent sous le régime de Blaise Compaoré. Les 30 et 31 octobre derniers, suite à l'insurrection populaire, ce dernier a été obligé à la démission. A la seconde, quand vous avez appris cette démission, qu'avez-vous eu comme mot à prononcer ?

Simon Compaoré : D'abord, je n'aime pas le mot influent. Moi, je suis simple. Je fais la politique comme tous les autres. J'ai assumé des responsabilités à un certain niveau donné. Rien de plus. Quand vous dites influent, vous savez, ça commence comme cela et on devient homme fort et on sait où cela aboutit. Donc, il faut savoir raison garder. Nous avons été dans le parti au pouvoir pendant un certain temps. Après, on l'a quitté. Donc, ça aussi, ce sont des vérités. Des personnes influentes conduisent à des dérives. Mais, bon, cela est votre appréciation. Tel n'est pas mon point de vue.

Pour revenir à votre question, comme tous les citoyens, j'ai éprouvé un sentiment de satisfaction et de gratitude envers Dieu. Comme vous le savez très bien, beaucoup de personnes ont essayé de dissuader Blaise Compaoré de revenir en arrière, de laisser tomber ce qui était en passe de créer une fracture profonde au sein de la société burkinabè autour des questions querellées : le Sénat et la révision de l'article 37 de la Constitution. C'est pourquoi, quand les événements sont arrivés, j'ai rendu grâce et toute ma reconnaissance à Dieu pour avoir permis à ce que ce changement ait lieu. Parce qu'avant de sortir de chez moi, je dois vous le dire, j'ai prié. Ce jour-là, j'ai demandé à Dieu à ce qu'il y ait quelque chose de fort cette journée du 30 octobre. Malgré les tueries, j'ai vu la main de Dieu dans cette affaire. Parce que cela aurait été un dérapage total, un carnage, un massacre. Je ne dirai même pas un bain, un fleuve de sang.

Vous êtes croyant et vous dites que vous avez perçu la démission comme un sentiment de gratitude envers Dieu. Mais n'avez-vous pas éprouvé de la pitié pour lui quand il errait sur le territoire burkinabè ?

Peut-être ! Revoyez le film : comment un président tout puissant, l'homme fort du Burkina, qui finit sous un arbre et d'aucuns même ont décrit les scènes qui s'y passaient. Bon, comme vous le dites, ça fait pitié.

Même si la pitié n'existe pas en politique ?

Mais, il l'a cherché. Parce qu'on voyait venir. Et c'est pour toutes ces raisons qu'il fallait savoir raison garder. Il fallait faire le bon choix. C'est-à-dire écouter la voix du peuple. C'est triste de voir un homme de sa trempe finir de la sorte. Mais, c'est aussi une leçon. Voilà ce que l'histoire retient. A chaque étape, il y a des soupirs et dans les soupirs, il y a des leçons et des leçons profondes qu'il faut tirer. Et c'est cela que l'histoire retiendra.

Vous avez adressé une lettre faisant l'analyse de la situation à Blaise Compaoré ? Dans ladite lettre, vous lui avez demandé de revoir sa position par rapport aux questions querellées. Est-ce à dire que l'insurrection populaire ne vous a pas surpris ?

Ecoutez, je ne vais pas faire comme si c'est parce que la situation a fondamentalement changé que je veux me mettre à dire oui, oui...Moi, j'ai des preuves (Ndlr : il tire son tiroir et fait sortir la lettre qui date du 9 décembre 2013 et il la lit intégralement. Alors sur ce, il nous demande d'éteindre nos appareils et il dit : « La lettre a été écrite à 2 h du matin parce que je n'arrivais pas à dormir. C'est comme si je voyais derrière le tableau des choses se défiler »). Donc, pour vous dire que non, je n'étais pas surpris. Parce que nous savions que le peuple était déterminé. Vous savez que l'histoire nous enseigne qu'un peuple déterminé est prêt à tout. Même à l'ultime sacrifice, c'est-à-dire le don de sa vie. Et c'est ce qui s'est passé. Donc, ça ne m'a pas surpris. On n'avait pas besoin d'être politologue, d'être quelqu'un qui est expert en sciences sociales et sciences politiques. Vous avez vu comment les gens étaient mobilisés et motivés. Que ce soit les jeunes, les anciens, les femmes, les gens des marchés et yaars, du secteur informel, les fonctionnaires de l'Etat et du privé, tout le monde était mobilisé. Donc, il fallait être de mauvaise foi pour ne pas comprendre que l'issue ne pouvait pas être autre que celle à laquelle nous avons assisté, les 30 et 31 octobre derniers.

Est-ce à dire que l'insurrection populaire a été planifiée par le MPP ?

Non, écoutez ! Non ! Ceux qui disent cela sont de mauvaise foi. C'est insulter la mémoire collective. Nous n'avons pas le devoir d'oublier ce qui s'est passé les 30 et 31 octobre derniers. C'est une conjonction des différentes volontés des différentes composantes de notre société. Il y a cette batterie d'organisations de la société civile dont personne ne peut nier leur apport. Il y a ceux qu'on appelle les politiques. Nous avons vu, à travers le CFOP, ce qui s'est passé. Il y a les religieux et les coutumiers. Vous avez vu aussi leur part contributive. Donc, chacun à sa façon a apporté une part contributive et c'est la jonction de tous ces apports qui a conduit à l'insurrection des 30 et 31 octobre derniers et à la fuite en plein midi de l'homme fort du Burkina qui s'appelait Blaise Compaoré. Donc, dire que ça été planifié par le MPP, ce n'est pas vrai. Nous y avons contribué, comme les autres.

Vous avez ordonné de brûler les maisons de certains ?

Non. Vous qui me posez la question, vous savez que c'est faux. Pouvez-vous apporter les preuves ?

Monsieur le vice-président, il semble que c'est vous qui avez listé les domiciles à incendier ...

Non, non. C'est faux et archi-faux. Je vous dis que moi-même j'étais là. Je n'étais pas absent du Burkina. Je n'étais pas absent de Ouagadougou. Vous étiez aussi sur le terrain. Vous avez des images non. Alors, donnez ces images à ceux qui enquêtent et on va faire remonter. Non, écoutez ! Si vous faites comme cela, c'est une insulte à notre peuple. Enfin, en toute amitié, je vous dis ça. Mais, c'est une insulte au peuple. C'est une insurrection. Ce n'était pas la volonté d'un parti, d'une personne. C'est la volonté collective. Vous avez vu comme les jeunes ont réagi ? Donc, c'est une volonté collective et farouche d'en découdre avec le régime de Blaise Compaoré. C'est ça la vérité. Et c'est pour cela qu'on l'appelle insurrection populaire. C'est notre prise de la bastille. C'est la colère populaire qui a grondé dans la rue.

Etiez-vous dans la rue les 30 et 31 octobre derniers ?

Regardez-moi vous-mêmes. Je ne suis pas un gamin. Je vais vous dire où j'étais pour que vous en fassiez quoi ? Et si c'est demain ? Donc, cela n'a pas d'importance. Sachez seulement que j'étais aussi sur le terrain. Et je sais que j'étais avec d'autres camarades, avec d'autres composantes de la société pour appeler les gens à regagner le centre-ville. Ça on l'a fait. Et quelquefois, on a croisé certains d'entre vous, qui peuvent être témoins. Mais, j'étais parfois dans les quartiers pour dire aux gens de remonter en ville, pour appuyer. Ça, je ne crains pas d'avoir dit aux gens de le faire. Et ce n'est pas moi seul. Des éléments de la société civile, des éléments d'autres partis ont contribué à faire cette mobilisation.

On sait que dans toute insurrection populaire, il y a les forces d'action et les forces de direction. Dans quel camp étiez-vous ?

Bon, je vais être honnête avec vous. Vous savez que chaque parti politique s'est organisé comme il le peut. Au niveau du MPP, nous nous sommes organisés parce qu'on savait que si ça tournait mal, nos têtes allaient tomber. Donc, nous avons aussi bâti notre stratégie. On a dit que s'il arrivait qu'on pince Roch, Salif, Simon, le Larlé et bien d'autres, voilà comment on doit poursuivre. Pour cela, nous étions préparés avant les 27, 28, 29 et 30 octobre. Parce que nous sommes un parti responsable. D'autres partis aussi l'ont fait. On savait aussi ce qui pouvait se tramer de l'autre côté. Pour que notre aventure ne soit pas sans lendemain, nous nous étions préparés aussi. Si on décapitait la tête du parti, qu'il y ait d'autres têtes qui se replaçaient automatiquement pour que les choses continuent pour notre parti politique. Donc, on s'était organisé. Dans le scénario que nous avons prévu, soit on nous arrête, soit on nous tire dessus comme des lapins.Et si cela arrivait, voilà ce qu'il fallait faire.

Et ce n'est pas ça seulement. Nous participions aux réunions du CFOP et là aussi, nous nous étions organisés. Ce n'est pas tout qu'on pouvait dire dans les radios et dans les journaux. Pensez-vous que les barricades dans les quartiers sont tombées comme cela ? Ce n'est pas tombé au hasard. Il a fallu des préparations. Ce sont des gens quand même qui ont posé les barricades, barrer des routes. Et pour la première fois, il y a eu moins de pneus brûlés sur le goudron. On a conseillé aux jeunes, à tous ceux qui ont participé de ne pas brûler les pneus sur le goudron parce que c'est un bien public. Et on sait combien cela coûte. En tant qu'ancien maire, je le sais. Donc, si vous déroulez le film, vous verrez qu'il y a très peu de goudron brûlé par rapport à l'ampleur du phénomène. Nous avons dit aux gens s'ils veulent brûler des pneus, qu'ils mettent sur la terre à côté. Mais, sur les voies, il faut dresser des barricades : les gros cailloux, des bois.... Et tout ça, ce n'est pas seulement le MPP. C'est l'ensemble des partis qui travaillaient au niveau du CFOP et l'ensemble des OSC qui s'étaient organisées et qui travaillaient ensemble. Sur un terrain donné, vous pouvez trouver, et des éléments de partis politiques, et des militants des OSC. Ce qui veut dire qu'il y avait une symbiose au sein des différents compartiments de la société. Et c'est pourquoi, j'ai dit que c'est une action collective, une insurrection populaire qui traduit la volonté d'un peuple.

Finalement, qu'est-ce qui était prévu le 30 octobre ? Empêcher le vote de la loi ou faire chuter le régime de Blaise Compaoré ?

Le MPP n'avait pas un agenda autre que l'agenda que nous partagions au sein du CFOP. C'est une précision que je tiens à faire. Par rapport à Blaise Compaoré, l'agenda a été unique au niveau des partis politiques membres du Chef de file de l'opposition. C'était de nous organiser et faire suffisamment la pression pour que l'article 37 ne soit pas modifié. Parce que nous souhaitions tous l'alternance. Blaise Compaoré allait à la fin de son mandat et nous souhaitions qu'il s'arrête là. Et que le Sénat ne soit pas mis en place. Donc, qu'il n'y ait pas de référendum. Voilà les objectifs. C'était bien campé. Et quand on a vu le coup de force, parce que c'est comme cela qu'il faut l'appeler, la forfaiture qui a été posée et qui a consisté à dire qu'on dépose le projet de loi, quand le gouvernement s'est réuni, le 21 octobre 2014, et que le même jour, on a transmis le projet à l'Assemblée, nous avons vu en cela la gravité de la situation et nous avons dit qu'il faut augmenter la dose. Augmenter la dose, c'est quoi ? C'est mobiliser, agiter partout pour que tous ceux qui, encore, étaient dubitatifs, dans les quartiers, dans les secteurs, se mettent debout. Parce qu'un peuple debout, devient invincible même devant les canons, devant les chars. Et le peuple burkinabè l'a démontré. Donc, c'était de faire en sorte que le fait qu'il ait pris des dispositions pour aller séquestrer les députés dans un hôtel, les enfermer là-bas- ce fut une première- les faire nourrir aux frais de la République et les amener tranquillement le matin pour qu'ils votent ce projet de loi scélérat, nous nous étions dit qu'il fallait tout faire, même s'ils arrivaient à rentrer à l'Assemblée nationale, pour qu'ils ne puissent pas atteindre ce qu'ils voulaient. C'est-à-dire empêcher qu'ils aient les ¾ des députés et qu'on ne s'arrête pas là. Et qu'on dise que l'article 37 a été modifié. Et c'est pour cela que nous aussi, nous avons fait un travail auprès d'un certain nombre de députés. Que ce soit au sein des députés du CDP, des députés de l'ADF/RDA, de l'UPR et autres, il y a un travail qui a été fait. Nous étions en contact avec des députés à qui nous avons dit qu'ils jouent leur carrière et leur vie.

Quelle était la fiabilité de ces contacts ?

Vous voyez, après les événements, tout peut être dit. On peut croire ou ne pas croire. Et moi, je n'ai aucun intérêt à vous raconter des histoires. Je sais seulement que c'est un travail que beaucoup d'entre nous ont eu à faire. Pas seulement le MPP, mais les autres partis politiques membres de l'opposition, en fonction des accointances qu'on pouvait avoir avec tel ou tel député. Vous savez qu'il y a la fraternité quand même au Burkina. Il y a des gens qui ont leur cousin, ami ou ami de son ami député dans tel ou tel autre parti. Donc, nous avons passé par tous les moyens pour contacter les gens pour que cette seconde forfaiture n'ait pas lieu. Le 30 octobre, si nous avions l'assurance d'un certain nombre de députés qui ont dit qu'ils comprennent, c'est parce qu'ils ont reçu la visite de certains jeunes qui leur ont dit que nous vous prévenons, si vous votez la loi...

Des jeunes que vous avez montés....

Non, comment monter ?

La majeure partie était du MPP....

Non, je vous laisse avec vos déclarations

On en connait, donc on peut vous citer les noms...

Non, êtes-vous responsables ? Donc, vous témoignez que la majeure partie est du MPP ? Moi, je vous laisse responsable de vos propos. Moi, je joue collectif. Il ne s'agit pas pour un parti dans cette affaire de tirer la couverture vers soi. C'est une lutte collective. Il fallait qu'on reconnaisse à chacun sa part contributive. C'est un jeu collectif et nous n'avons pas été seuls pour le travail qui a été fait. Si c'était une seule personne, elle aurait été écrasée. C'est parce que partout, ça craquait. Et cela n'est pas l'action d'une seule organisation de la société civile ou d'un seul parti politique. C'est la conjugaison d'une dynamique d'ensemble. Et c'est cela qu'il faut retenir. Et l'histoire retiendra cela. Le reste, c'est de la masturbation intellectuelle. Et moi je ne suis pas dans ça.

On sait aussi que dans la comptabilité des martyrs, votre vice-président, Salif Diallo, a estimé qu'un certain nombre de martyrs sont des militants du MPP. Est-ce que cette déclaration n'est pas de trop dans une telle situation ?

Vous voulez que je revienne sur ça pour dire quoi ? Tout a été dit. Les gens ont critiqué et nous avons pris bonne note. Mais, ce qu'il faut reconnaître, ce n'était pas pour faire du « One man show ». Vous voyez que vous-mêmes vous vouliez que je retombe dans cette situation en me poussant à dire que ce sont les militants de ceci ou de cela. C'est un piège que vous m'avez tendu.

Non, monsieur le vice-président, nous n'avons fait que poser une question

Attendez, vous m'avez tendu un piège et j'ai déjoué ce piège. Puisque vous-mêmes vous assurez que la majeure partie de ceux qui ont posé les barricades sont du MPP. Je vous ai dit que ce n'est pas vrai. Donc, je ne veux pas tomber dans ce piège-là. Moi, je retiens une seule chose. C'est que les 30 et 31 octobre derniers, il y a eu insurrection populaire traduisant une colère saine vis-à-vis du pouvoir de Blaise Compaoré et de son équipe et qui a abouti à sa fuite. Et l'histoire retiendra que c'est une victoire du peuple. Le peuple, c'est vous et moi. Dans l'histoire, on ne mettra pas en exergue quelqu'un ou une organisation. Mais, c'est le peuple qui sera mis en exergue. Si vous écoutez les radios, on félicite les Burkinabè, tout court. Et c'est ce que les historiens écriront.

Blaise Compaoré, depuis Yamoussoukro, a confié à un organe de presse que certains de l'armée travaillaient avec des responsables de partis politiques pour le destituer. Avez-vous, au niveau du MPP, eu des contacts avec un certain nombre d'officiers supérieurs ?

Moi, je ne suis pas au courant. Peut-être que vous pourrez interroger d'autres. Vous savez que quand on se noie, on attrape partout. Je vais rester respectueux. Ce qu'il a dit n'est pas vrai. Ce n'est pas un coup d'Etat qui a été organisé les 30 et 31 octobre derniers. On ne fait pas un coup d'Etat avec les mains nues. Vous avez vu les jeunes qui avaient levé les mains devant la police, la gendarmerie et les militaires. Les mains nues pour dire que nous n'avons rien : pas de couteaux, de coupe-coupe, de gourdins et surtout pas de fusils. On n'en a pas. Nous ne sommes pas dépositaires de fusils. Comment peut-on faire un coup d'Etat avec les mains nues ? Vous avez vu l'encerclement le matin du 30 octobre mis en place depuis la nuit du 29 octobre. Très honnêtement, Blaise Compaoré devrait avoir le courage de dire que je me suis fourvoyé.

Mais, n'oubliez pas que ce qui se passe au niveau du civil, c'est ça aussi qui se passe au niveau des militaires. Les militaires ne sont pas des bois. Ce sont des hommes comme vous et moi. Ce sont nos petits frères et grands frères, nos parents. Ce sont avant tout des hommes faits de chair et de sang. Ce ne sont pas des extra-terrestres. Donc, ce qui traverse la société burkinabè les traverse aussi. Que vous soyez policiers, militaires, gendarmes, civils, ce sont les mêmes problèmes. Quand on parle de vie chère, c'est tout le monde. Quand vous allez acheter le sac de riz, est-ce qu'on dira que comme c'est un militaire, il paye 15 000 F CFA, et comme celui-là est un civil, il paye 22 000 F CFA. C'est comme cela que ça se fait ? On subit tous la dure réalité dans la société burkinabè. Donc, de ce point de vue, il y avait des mécontents au niveau des civils. Sachez que ce n'est pas un secret, qu'il y avait des problèmes au niveau des militaires. Il y avait aussi, en leur sein, une certaine contestation qui ne disait pas son nom. La différence est que la contestation au niveau des militaires est en sourdine. Et quand elle éclate, c'est grave. Donc, je voulais simplement dire que ce sont des accusations gratuites. Nous savions aussi qu'il y avait des contradictions au niveau des militaires. Des militaires qui n'étaient pas contents de la manière dont le pays était gouverné. Mais, ils sont tenus à la réserve. Mais, quand ils échangent avec les civils, ils sont obligés de laisser échapper leur mécontentement.

Vous êtes-vous assis avec des militaires qui ont laissé échapper leur colère ?

Non, non, non ! Mais, j'entends parler comme vous. Vous n'allez pas me dire que depuis, vous n'avez pas entendu parler, que ce soit des gendarmes, des policiers, des militaires qu'il y en a parmi eux qui ne sont pas d'accord avec la façon dont le président gère le pays en ramenant tout sur son clan, sur sa famille qui se sont accaparés de tout. Cela est un mécontentement, même au sein de l'arbitre.

Blaise Compaoré est parti. Nous sommes dans une transition. Comment appréciez-vous le duo Kafando-Zida et l'équipe gouvernementale qui a été mise en place ?

D'abord, je vais féliciter les partis politiques. Parce que si vous remarquez, bien qu'il y ait eu des problèmes au début, on ne s'est pas ingéré de manière grossière dans la dynamique. Nous y avons participé comme tous les autres. Et Dieu merci, vous voyez, à des exceptions près, que les choses se sont déroulées comme on le souhaitait. Il y a un président qui a été désigné. Qui pouvait imaginer parmi nous tous que ça allait être Michel Kafando ? On parlait plutôt avec insistance de certains noms. Donc pour moi croyant, je pense que c'est la volonté de Dieu. Son excellence monsieur Kafando qui était chez lui, en train de vivre tranquillement sa retraite n'a jamais pensé qu'il allait devenir chef de l'Etat. Mais, il était écrit quelque part, qu'il devrait jouer un rôle à cette phase de l'évolution de notre histoire. Rien ne pouvait entraver cela.

Le connaissez-vous personnellement ?

Oui, je le connais. On vient de la même zone puisqu'il est du Kadiogo comme moi. Ensuite, c'était un éminent diplomate. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le voir quand il était à New York, dans le cadre de mes activités de maire. Donc, j'avais beaucoup d'estime pour lui. Parce que c'était un grand monsieur. On est jeune par rapport à lui, mais on l'a connu comme un grand monsieur, un gentleman. Moi, ce qui m'a plu, est qu'avant les 30 et 31 octobre, il a écrit un article dans les journaux à propos de la vente de la maison du Burkina à New York. Il y a eu des passes d'armes entre lui et l'ambassade là-bas. Il a estimé qu'ayant passé beaucoup de temps à New York, et connaissant la maison du Burkina, la valeur de la vente de ce patrimoine de l'Etat ne reflétait pas le cours actuel du loyer aux Etats Unis. Et l'ambassade lui a répondu et il a encore écrit. Ceux qui lisent beaucoup les journaux ont dû voir ces deux écrits. Cela traduisait déjà quelqu'un de très sain. Puisqu'il était à la retraite. Si c'était quelqu'un, il allait dire : « tout ça n'est plus mon affaire ». En tant que bon patriote, il a tenu à dire ce qu'il avait comme ressentiment. Donc, avec tout cela, je me suis dit que c'est vraiment un grand monsieur.

Maintenant, vous demandez ce que je pense du duo. Son excellence Zida a été nommé Premier ministre et Michel Kafando a été désigné par un collège comme président de la transition, chef de l'Etat. On ne peut qu'applaudir. On prie surtout que Dieu les assiste et que les Burkinabè cessent les bagarres inutiles et les appuient de toutes leurs forces. Parce que eux deux, plus les membres du gouvernement et ceux du CNT, à eux seuls, ne peuvent pas. Ils ont besoin d'être épaulés, d'être aidés par l'ensemble des forces vives de la Nation. Et nous avons besoin de leur faire confiance. Leur faire confiance ne veut pas dire les yeux fermés. S'il y a des choses qui sont faites, qu'on estime non correctes, il faut élever la voix de manière constructive. Les aider, c'est cesser des actions qui peuvent desservir la marche vers la mise en œuvre des éléments contenus dans la Charte.

Est-ce que vous n'avez pas peur du trop-plein de militaires dans les organes de la transition et que le président Kafando n'est qu'une simple représentation ?

Non, je n'ai pas peur. Il faut avoir une certaine sérénité.

L'origine de Zida n'est-elle pas un handicap ?

Ecoutez, si vous faites comme cela, vous allez jeter tout le monde aux gémonies. Le régime de Blaise Compaoré a fait 27 ans. De loin ou de près, nous avons été amenés, à un moment donné, à collaborer, à participer... Donc, il y a très peu de gens, même s'ils existent, qui ne sont ni de loin ni de près liés à lui.

Nous pensons qu'ils sont plus nombreux à n'avoir pas participé à la gestion de l'Etat sous Blaise Compaoré ?

Je veux dire que si vous affinez votre analyse, il y a des formes de participation, quand on parle de participation. Donc, cela ne doit pas être un critère. Si vous regardez dans l'opposition qui a mené un combat formidable, combien sont-ils, qui ont été ministres, directeurs généraux, ou ceci ou cela durant les 27 ans ? Il y en a trop. Est-ce que cela les a empêchés d'organiser avec brio la lutte au sein du CFOP ? Donc, il faut faire attention. Sinon, on va faire de grosses erreurs. Parce qu'un tel était ceci ou cela, donc, il est un diable personnifié. Non, il faut faire attention, sinon, vous allez finir par enterrer l'ensemble de tous ceux-là qui peuvent pousser la roue de l'histoire. Ce sera une erreur. C'est pour cela qu'il faut faire beaucoup attention. On ne va pas passer notre temps à contester les nominations. La transition, je le rappelle, c'est pour 12 mois. Ce n'est même plus 12 mois, puisqu'on a déjà brûlé quelques mois, donc il ne reste plus beaucoup de temps. Or, les attentes sont fortes. C'est pourquoi, il faut faire attention. Je voudrais simplement dire que j'ai confiance au duo et également à Sy Cheriff du CNT. Je crois que chacun est conscient de ce que les gens attendent de lui. C'est vrai qu'on ne peut pas tout faire. Dire qu'on va faire des miracles en si peu de temps, c'est aussi être illusionniste. Il y a des choses qu'on pourra faire dans les 12 mois qui sont impartis. Il y a des choses aussi que le temps ne permettra pas de faire. Mais, le tout c'est de poser les jalons qui montrent aux yeux du peuple que le train a démarré et qu'il ne s'arrêtera pas en si bon chemin et que même ceux qui vont venir, seront obligés de s'installer, de faire peut-être des réglages, mais la trajectoire est ascendante. Elle ne peut plus être descendante.

Ce n'est pas parce qu'un tel est militaire qu'on doit dire que les militaires sont des diables. Vous voyez, il y a des personnes qui ont la mémoire courte. Thomas Sankara n'a-t-il pas été militaire ? Jusqu'à ce qu'on le tue, a-t-il laissé la tenue ? C'est parce qu'il a posé des actes qu'il a eu l'assentiment du plus grand nombre. Et les gens l'ont gardé en mémoire. Qu'on cesse de vouer les militaires de façon globale aux gémonies. Il faut savoir raison garder. Si Thomas Sankara a été aimé par les vieux, les jeunes, ce n'est pas par rapport à sa tenue de militaire, mais plutôt par rapport aux actes posés. Donc, nous attendons de Zida et de l'équipe gouvernementale des actes. Ce sont ces actes qui vont achever de convaincre ceux qui sont encore sceptiques, que nous sommes sur le bon chemin. Wait and see ! Moi, je ne peux que saluer les militaires parce que s'ils n'avaient pas eu le sang froid pour refuser les ordres manifestement injustes, suicidaires donnés, ça n'allait pas être 24 morts, mais des centaines, voire des milliers de morts. Comme je l'ai dit, ça allait être un fleuve de sang. Quand vous entendez certains propos, c'est comme si le militaire est un pestiféré. Il y a des militaires qui ont bien géré. J'ai cité le cas de Thomas Sankara, mais à l'extérieur, je vous cite De Gaulle qui a été militaire. C'était un général. Aujourd'hui, il continue d'inspirer des jeunes comme nous parce qu'il a tenu des propos forts.

« Les gens disaient à Blaise ce qu'il aime entendre. C'était le contraire de ce que nous faisions »

Quelles sont les priorités de la transition ?

Nous sommes dans un contexte où il faut effectivement faire attention. Après 27 ans de pouvoir, les gens sont libérés. Donc, aujourd'hui, les attentes sont nombreuses et variées. Et tout est prioritaire. Mais, il faut bien commencer quelque part. Donc, pour moi, la transition doit voir d'abord les mesures sécuritaires. C'est vrai que des gens sont partis, mais savez-vous ce que certaines personnes font. Il faut faire attention. Il faut qu'on ouvre l'œil et le bon. La situation a changé et le peuple veut être assuré de la sécurité. Tout le monde veut être en sécurité. On veut être sûr que nous sommes dans des villes pacifiées où la liberté d'aller et de venir est assurée. Les mesures sécuritaires sont des questions cardinales. Parce que tout peut arriver. Donc, il faut veiller aux mesures sécuritaires. Ensuite, douze mois ont été donnés à la transition et la clause est non révisable. Dans les douze mois, ils doivent faire en sorte que les gens leur fassent confiance et qu'il y ait un début de changement et que des actes concrets soient posés. Il faut et surtout qu'il y ait des élections justes, libres et transparentes pour qu'on puisse élire le nouveau président et peut-être les députés. Et cela me parait être une tâche primordiale. A l'issue de la transition, si nous n'avons pas un président élu, comme voulez-vous que la passation de charges se fasse ? On risque de créer une autre crise. Donc, les élections me paraissent une tâche essentielle. Les organes de la transition sont bien conscients de cette mission essentielle. Mais, cela n'enlève en rien les différents dossiers qu'on est en train d'ouvrir. Puisqu'il y a les ministères et chaque ministère a son focus. Si le ministère de la Justice doit ouvrir des dossiers avec des instructions précises, ce sera des actions normales. Mais, l'essentiel est qu'on ne perde pas de vue qu'on doit organiser des élections pour la continuité de l'Etat après la transition. Et cela n'exclut pas qu'on ouvre les dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo et bien d'autres crimes de sang ou crimes économiques. Il suffit qu'on donne les moyens aux juges pour qu'on puisse commencer sur des dossiers qui sont prêts.

Vous avez été du régime précédent ; seriez-vous prêt à aider, avec des informations, la justice par rapport à certains dossiers ?

Comme quoi et à quel niveau ?

Par exemple pour les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo ?

Je vais vous dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Personnellement, quand on tuait Thomas Sankara, j'étais au cabinet du ministère de la Justice et c'est le planton qui m'a informé en disant que patron, « ça tire, ça tire ». J'ai dit où ? Il m'a répondu que c'est au Conseil. Et ils ont dit à tout le monde de rentrer. C'est en écoutant la radio après que j'ai su ce qui s'est passé. Donc, si vous comptez sur moi pour faire des révélations, je ne serai pas à mesure. Je n'étais pas un acteur là-bas. Je ne sais pas ce qui a été dit. Donc, j'ai les mêmes informations que vous. Je ne suis pas plus avancé que vous.

Et en ce qui concerne le dossier Norbert Zongo ?

L'assassinat de Norbert Zongo est intervenu après des élections présidentielles. J'étais en train d'animer des meetings de remerciement dans la région de Ziniaré. Salif Diallo m'a appelé pour me dire qu'il venait de Ouahigouya et que je l'attende pour qu'on aille ensemble à Kaya où le chef de ladite ville tenait sa fête coutumière. Effectivement, il est venu pendant que j'étais au bord de la route et nous sommes partis ensemble. Et c'est le lendemain matin, en allant au service, que j'ai appris l'assassinat de Norbert Zongo.

Norbert Zongo que vous connaissiez très bien ?

Ah si, puisqu'on a fait le cours normal de Koudougou ensemble. Mais, il était devant nous. Après le 15 octobre1987, on se rencontrait pour discuter. On se rappelle qu'on a discuté sur le thème du « capitalisme d'Etat ». Vous savez aussi qu'il écrivait sur nous et de temps en temps quand je le rencontrais, je le titillais en disant que s'il veut des éclaircissements, qu'il vienne nous voir. Mais, il a fait quelque chose que je ne vais jamais oublier. Il y a une dame qui voulait me démolir et qui a fait donner des informations. J'étais à la Caisse générale de péréquation. Elle est allée donner des informations à Norbert pour qu'il fasse en sorte qu'on me trucide. Norbert s'est refusé à publier ces trucs-là parce qu'il a compris que c'était une machination. Je lui suis très reconnaissant.

C'est quel genre d'informations que la dame a donné à Norbert Zongo ?

Des informations sur la gestion de la Caisse générale de péréquation qui étaient complètement fausses. Parce que c'était une dame qui avait la protection jusqu'à la présidence qu'on avait affectée et qui refusait de partir. Des ministres, des députés m'ont appelé, j'ai dit niet, parce que je suis un homme de principe. Et la dame a fait des choses pour salir mon honneur. Norbert a su que c'était faux et il n'a pas publié cela.

Donc revenons sur affaire Norbert Zongo ; vous l'avez apprise en partant au service et la suite...

On a commencé à parler dans les radios, dans les journaux de l'assassinat de Norbert Zongo et on a dit que c'était sur la route de Sapouy. Vous savez que même un seul jour, je n'avais pas mis pied dans cette zone qu'on appelle Sapouy. J'ai beaucoup tourné, mais je n'avais jamais fait Sapouy. Sous la révolution, j'ai beaucoup tourné parce que j'étais chargé de la mise en place des structures populaires de justice et d'organiser les audiences des tribunaux populaires de la révolution avec les magistrats. J'ai fait bon nombre de provinces, mais je ne connaissais pas Sapouy.

« Au niveau du MPP, nous nous sommes organisés parce qu'on savait que si ça tournait mal, nos têtes allaient tomber ».

Mais, j'ai souffert dans cette affaire. Tantôt on dit qu'on a vu Simon distribuer des armes. C'est pour cela, que j'ai eu à dire que je suis fils de pasteur ; si on me disait que je distribuais des bibles, ça peut être vrai, mais distribuer des armes, non. Je ne suis pas militaire. Et quand la commission a été mise en place, tout le monde est passé et on a su de quel côté devait se trouver la vérité. Donc, là aussi je ne peux pas dire que j'étais témoin.

Blaise Compaoré aurait soutenu qu'il était avec Salif Diallo lors de la mort de Thomas Sankara. Si cela est vrai, quelle serait la part de responsabilité de Salif Diallo dans cette affaire ?

Est-ce que vous connaissez le carnet d'audiences de tous les responsables d'alors avec les cadres. Mais, où est le problème ? A supposer qu'il était avec Salif Diallo, qu'y a-t-il d'anormal dans ça pour qu'on ait peur ? C'est comme si vous me dites que ce jour j'étais au ministère en tant que président à la délégation centrale de la justice populaire après avoir été directeur de cabinet, donc je suis ceci cela. Je connaissais des gens qui travaillaient aussi à la présidence. C'est comme si on les attrapait aujourd'hui pour dire que comme ils étaient à la présidence, ils sont ceci ou cela. C'est normal qu'ils y soient parce que c'était dans le cadre de leurs activités.

Lorsqu'on a posé la question à Blaise Compaoré de savoir où il était ce jour, il a dit : « Je me souviens, j'étais avec Salif Diallo ».

C'est un débat malsain. Ni vous, ni moi ne sommes juges. Nous ne sommes pas des structures assermentées. Faisons confiance à ceux dont le métier est de juger. Quand la justice voudra à n'importe quel moment ou n'importe quelle heure, interroger X ou Y, ils sont là. Pourvu que Dieu leur donne longue vie pour que ce dossier soit vidé. Vous n'êtes ni juge d'instruction, ni procureur, moi non plus. Donc, ces questions peuvent revêtir un aspect malsain. Quand la justice voudra entendre quelqu'un, qu'il ait travaillé avec Blaise ou pas, on l'appellera.

Monsieur le maire, sur certaines questions, notamment la réfection de la mairie et la célébration de vos 7 milliards qu'on vous reproche. Qu'avez-vous à répondre à ces accusations ?

Quand vous parlez pour que les gens vous prennent au sérieux, il faut mettre une petite dose de crédibilité. Moi, je suis là. Je suis un enfant de Ouagadougou et je souhaite que le jour que je quitterai cette terre que ce soit ici à Ouagadougou. N'êtes-vous pas vous-mêmes gênés en posant ces questions ?

Pas du tout. Nous posons les questions pour avoir une réponse de l'intéressé mis en cause

Non, non, vous êtes jeunes et vous avez la capacité de réfléchir par vous-mêmes, de rechercher les informations. Vous connaissez ceux qui sont milliardaires et millionnaires. Je remercie mon Dieu parce que je suis issue d'une famille de paysans de Ouagadougou et du milieu religieux. Pour rien au monde, je ne vais tenir des propos qui vont blesser celui-là qui m'a protégé de tout temps: Dieu. Les millionnaires ou les milliardaires ne se cachent pas. Excepté pendant mes études secondaires à Koudougou et universitaires en France, je n'ai jamais quitté Ouagadougou. Et le temps où j'étais haut-commissaire à Ziniaré sous la révolution. Je n'ai jamais découché de chez moi à Gounghin où je suis né et je souhaite y mourir. Et vous savez, il y a une fierté qui m'anime. J'ai été maire de la commune de Ouagadougou pendant 18 ans et je vous demande de sortir tout ce que vous avez comme structures de contrôle, vous verrez que Simon n'a même pas un millimètre carré dans cette ville. C'est mon père qui m'a donné la moitié de sa parcelle. Et aujourd'hui, je vis sur cette demi-parcelle. Mais, je vous ai dit que j'ai dépassé la soixantaine et avec les fonctions que j'ai occupées de la révolution à nos jours, permettez que je sois celui-là qui devrait avoir plus de parcelles dans la ville de Ouagadougou. Mais, pas une seule parcelle. Et j'en suis fier et ce n'est pas par orgueil. Mais, on me dit que je suis bête, mais je ne suis pas bête. Dieu m'a béni. Je devrais mourir et je sais que je vais mourir, mais au moment où on voulait que je meure, je ne suis pas mort.

Donc, la diffamation est comme l'eau qui coule sur les plumes d'un canard. Vous avez la possibilité de vérifier. Je suis de ceux qui souhaitent qu'on vote la loi sur le délit d'apparence. Je souhaite qu'il y ait cette loi parmi celles que le Conseil national de transition prendra pour que quand on va poursuivre les gens, que ça ne soit pas sur la base du délit de faciès. Donc, vous voyez, dire que quelqu'un est milliardaire alors qu'il ne l'est pas, c'est écœurant, c'est révoltant. Ça donne de la nausée. Au moins, si on veut accuser quelqu'un, il faut dire des choses vraisemblables.

Mais, ce sont des bruits de la ville...

Si Simon est milliardaire, ce n'est pas vous qui devriez peiner pour démontrer cela. Je ne suis pas dans un quartier entouré de barbelés. Je suis dans un quartier populaire où je suis né et où j'ai grandi.

Si on décapitait la tête, qu'il y ait d'autres têtes qui se replaçaient automatiquement pour que les choses continuent pour notre itiqparti polue.

En ce qui concerne la réfection de la mairie, Dieu seul sait combien de fois, j'ai fait des conférences pour parler de ce dossier. J'ai même distribué des lettres confidentielles y relatives. Et dans une de mes premières lettres, j'avais dit au ministre, après qu'on a reçu le rapport de la Cour des comptes, que si le dossier est répréhensible devant les juridictions, je demande à y passer. Et ce avant de partir de la mairie. En 2012, j'ai fait une conférence de presse au cours de laquelle je n'ai pas fait de détours autour de ces questions. Et à l'époque, j'ai écrit au ministre de la Justice et au président de la Cour des comptes pour dire je suis en train de partir à la retraite, et que je souhaite que si ces dossiers doivent passer devant la justice, que ce soit en ce moment. Car, si je pars, il y a des choses que je vais oublier après et que je ne pourrai plus avoir accès à tous les dossiers. Toutes ces lettres sont là et le jour où on m'appellera, je pourrais faire ressortir ces lettres. Je n'ai pas peur. Il y a des gens qui ont fui ce pays. Quand tu arrives à fuir, c'est que tu as peur. Il y a des gens qui voulaient fuir et ils en ont été empêchés. Simon Compaoré n'a jamais éprouvé le goût de fuir. On nous poursuivait avec des gourdins. Nous savons ce que nous avons enduré. Pendant ce laps de temps, on risquait notre vie aussi. Ce n'est pas de l'orgueil ou de la suffisance. C'est en ce moment-là que je savais qu'on pouvait nous tuer. S'il y avait quelque chose qu'on se reprochait sérieusement, on allait fuir pour aller nous cacher dans un autre pays. Parce qu'on nous cherchait sérieusement. On allait être à Nioko (ndlr :MACO)si on nous gardait encore en vie. Alors, sur ces dossiers, nous avons déjà répondu aux journalistes où nous avons dit que tout le monde est justiciable. Je souhaite même que ce soit le premier dossier qu'on appelle à la barre et ce jour, je prierai mon Dieu avant de me présenter devant la justice. Sachez une seule chose : Si la justice des hommes ne vous donne pas raison alors que vous avez raison, la justice de Dieu vous dédouanera. Même dans votre tombe. C'est ce qui me réconforte. C'est tout.

Nous allons ouvrir une autre page, la vie du MPP. Après l'insurrection populaire, on assiste à une ruée des militants du CDP vers votre parti. Comment organisez-vous l'accueil de ces militants ?

Je vous remercie franchement de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette question, car il manque cruellement d'informations auprès de certaines personnes. On dit que le MPP est devenu la caverne d'Ali Baba où tout le monde vient se cacher. Ce n'est pas vrai. Si vous suivez nos rencontres, vous saurez qu'il y a eu deux sessions du bureau politique national. Nous avons dit qu'il y a une procédure pour adhérer au MPP. Nous l'avons dit clairement. Pour adhérer au parti, il y a deux exigences essentielles. D'abord, on doit s'assurer qu'ils ont rendu leur démission de leur parti d'origine. Ce n'est pas verbal. C'est écrit. Ensuite, il faut présenter un document de demande d'adhésion. Cette demande implique que tu acceptes nos statuts et règlement intérieur. Notre orientation politique est claire. Les demandes d'adhésion ne sont pas déposées auprès de Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo ou de Simon Compaoré, mais au niveau de la structure de base où tu es. Si tu es au secteur 27, c'est au comité de base de ce secteur que tu dois déposer ta demande. Si je prends le cas de mon quartier Gounghin, il y a un militant du CDP qui me fréquentait régulièrement parce qu'il ne pouvait pas quitter le CDP, sinon on allait l'abattre. Après, il a écrit sa lettre de démission du CDP et celle d'adhésion au MPP qu'il est allé déposer chez le responsable du comité de base de notre parti. Ce dernier est venu m'informer par courtoisie. Je lui ai dit que l'on a demandé de faire la transparence parce que ce sont les consignes qui ont été données. Je lui ai proposé de convoquer une Assemblée générale du secteur. C'est ce qui a été fait. Devant l'assemblée, ses lettres de démission et d'adhésion ont été lues publiquement. Il a été admis dans le parti par acclamation.

« Il fallait être de mauvaise foi pour ne pas comprendre que l'issue ne pouvait pas être autre que celle à laquelle nous avons assisté, les 30 et 31 octobre derniers »

Votre parti a-t-il des moyens financiers ?

Ecoutez. Hier (Ndlr : dimanche), j'étais avec le Larlé Naaba à Kongoussi, Tikaré, Guibaré, Sabcé, avant de rentrer tard dans la nuit. Si vous regardez mon visage, ça sent la fatigue. C'était des Assemblées générales avec les militants pour les remercier pour leur mobilisation et la lutte qui ont abouti à la chute du régime de Blaise Compaoré. Nous leur avons demandé d'appuyer les organes de la transition. Par rapport aux nombreuses demandes d'adhésion, nous avons dit que ceux qui ont commis des gaffes, qui ont vendu des parcelles, qui ont volé de l'argent ou qui ont commis des crimes de sang, ne peuvent pas venir au MPP pour avoir un paratonnerre. Même s'il y a des dossiers qui impliquent des premiers responsables du MPP, ils iront répondre. Comme disent les juristes, chacun est responsable de ses propres turpitudes. Mais comme on veut nous démolir, les gens disent que le MPP est en train de rafler tous les militants du CDP. Depuis que l'on est né, est-ce que nous avons eu des difficultés à mobiliser ? Ce n'est pas maintenant que nous allons être dans une volonté effrénée d'appâter des militants. Nous ne sommes pas un parti qui ramasse tout. Maintenant, il faut faire attention. Il y a des camarades qui sont de la première heure. Quelques-uns ont eu des problèmes personnels avec des gens. Pourquoi il ne faut pas les accepter. Ce n'est pas parce que vous avez « grouillé » la même fille au quartier qu'il ne faut pas l'accepter dans le parti. On ne peut pas prendre le parti pour régler des problèmes personnels.

Selon des indiscrétions, il semble qu'il y a un problème entre les 3 ténors du MPP...

On a toujours essayé de nous séparer. Nous avons réglé ce problème devant les 700 membres du Bureau politique national. Roch, Salif et moi n'avons pas de problème. Tout est discuté. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait un problème. Même Blaise Compaoré a dit que notre mariage ne durera pas longtemps.

On sait qu'au temps du CDP, les Compaoré, les Kaboré et les Diallo ne s'embrassaient pas

Blaise Compaoré a dit que le MPP ne fera pas 3 mois. C'est lui qui n'a pas terminé son mandat. C'est lui qui a fui. Nous sommes toujours là stoïques. Il ne faut pas chercher des contradictions là où il n'y en a pas. Maintenant, si vous n'êtes pas convaincus, allez-y voir les deux autres, Roch et Salif.

Qu'est-ce qui piétine avec le dossier de Zacharia Sawadogo qui a même entrepris des démarches pour adhérer au parti ? Il y a même eu un démenti de votre parti.

Vous faites bien d'aller à la source. Jusqu'au jour d'aujourd'hui, Zacharia Sawadogo, d'après les informations que nous avons, n'est pas membre du MPP. S'il avait déposé une lettre de démission et d'adhésion, nous serions certainement informés. Donc, le communiqué que le secrétaire à la communication a fait, est vrai. Nous n'avons pas encore reçu sa demande formelle d'adhésion. Il est en train de travailler avec des gens et il est en train d'informer ceux avec qui il était de ce qu'il va faire. C'est certainement un processus. Quand ça viendra, vous saurez. Il n'y a pas de mystère. Il y a des centaines de personnes qui frappent à nos portes partout au Burkina.

Zacharia Sawadogo est-il votre élément ?

Qui n'est pas notre élément ? Peut-être que vous ne me connaissez pas suffisamment. J'essaie d'être fidèle. Il y a des gens qui étaient au CDP. Quand on se rencontrait, on fraternisait. Il y a des gens aussi, quand on se rencontrait, ils détournaient le regard. Je n'en ai cure. J'ai travaillé pendant 18 ans avec des gens qui étaient au CDP. Moi, je sais pourquoi ils y étaient. Ce sont des gens que l'on a essayé de martyriser. Je n'ai pas de preuves, je ne parle pas. Il y a des gens que l'on surveillait parce qu'ils venaient chez Simon, Roch ou Salif. Est-ce que je vais avoir peur de dire que je ne connais pas ces gens-là ? Je connais Zacharia Sawadogo. C'est un jeune qui me respecte et que je respecte. Il fait partie des maires d'arrondissements qui étaient très dynamiques. C'est un maire qui agissait au quart de tour lorsque je le contactais. Si j'ai eu quelques résultats, c'est parce que j'étais entouré par des personnes dynamiques comme les Zacharia. Si je ne le dis pas, l'histoire va me condamner. Depuis que nous sommes partis du CDP, on a amené ce jeune à nous insulter. Il ne l'a jamais fait. On a voulu qu'il le fasse. Il a dit qu'il ne pouvait pas franchir le Rubicon, parce qu'il sait qui nous sommes. Je voudrais que l'on ferme cette page et que l'on parle de choses qui vaillent la peine comme la transition.

Certains n'hésitent pas à comparer le CDP au MPP. Ils ont l'impression que c'est le même parti avec les mêmes méthodes...

Ce n'est pas vrai. La manière la plus judicieuse, c'est de faire vos propres observations. Je suis le vice-président, mais je ne décide de rien. S'il y a un problème, nous nous rencontrons pour prendre une solution consensuelle.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le MPP est le Mouvement « pilipanbé » ?

Pilipanbé ? Je suis moaga. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Un parti qui est né officiellement, qui a son récépissé, qui travaille, qui fait des meetings en plein jour partout au Burkina peut-il être pilipanbé. Le MPP est un parti qui s'est mis du bon côté, celui du peuple. Nous avons pris des risques. L'honnêteté recommande de nous reconnaître le cran que nous avons eu. Il fallait être sûr de soi-même. Nous savions qu'en quittant le CDP, nous pouvions perdre la vie. C'est une question de conviction et nous faisons les choses proprement. Le siège n'est pas à Ouaga 2000. C'est à Larlé dans un quartier populaire. Où se trouve le pilipanbé ?

Lors de la suspension de Salif Diallo du CDP, vous et Roch avez tenu des propos acerbes à son endroit. Finalement, l'histoire lui a donné raison. Qu'est-ce que vous avez fait pour être ensemble ou est-ce un mariage de circonstance ? Etait-ce pour chasser Blaise Compaoré et réveiller les vieilles rancœurs ?

Je ne sais pas si vous étiez à notre meeting à Ouahigouya. J'ai reconnu que nous avons commis des erreurs et que lui aussi en a commises. J'ai tenu à saluer Salif Diallo publiquement. Si vous ne vous rappelez pas, moi, je me rappelle. Allez-y demander aux Yadsés. Ce n'était pas la politique. C'était le cœur qui parlait. Dans le cheminement de chacun, il est arrivé de faire des erreurs. Ce qui grandit l'homme, c'est qu'il faut reconnaître ses erreurs. Maintenant, vous vous demandez ce que nous nous sommes dit. C'était une question d'approche. Salif Diallo nous a dit qu'il fallait que l'on parte voir le président du Faso. C'est avant sa suspension. Nous avons estimé que nous avions déjà contacté le président. S'il ne voulait pas nous rencontrer, il ne fallait pas que l'on donne l'impression de le harceler.

C'était avant le Congrès de mars 2012 ?

Oui. Sur la question des réformes, nous avions dit en son temps d'attendre. Mais, chacun a son tempérament. Quand Salif Diallo a publié son écrit dans l'Observateur paalga, nous n'avions pas apprécié la démarche parce que nous voulions jouer collectif. Mais, nous nous sommes compris après. Il faut reconnaître qu'en tant que membre de la direction, il aurait pu poser le problème en famille. Ce n'est pas le fond de la contestation qui était querellé. Comme vous le dites, l'histoire a démontré que nous avons eu tort de le sanctionner et que lui aussi a eu tort d'avoir écrit sans au préalable consulter la direction. Dans le fond, il y avait de la vérité dans ce qu'il disait. L'histoire l'a prouvé à souhait. Quand nous nous sommes retrouvés, nous avons décidé de faire en sorte que le mandat du président se termine en 2015.

En 2015 ou bien avant ?

Pourquoi avant ? Si vous dites avant, vous allez nous ramener à ce coup dont vous parlez. On souhaitait seulement qu'il parte en 2015. Nous avons dit qu'un tel sera son successeur. Nous avons dit qu'il fallait l'alternance. Même s'il nous indiquait qu'un tel a les capacités pour diriger le pays, on allait accepter.

Même François Compaoré ?

Si c'était lui, ça n'allait pas passer. Même si on n'a pas parlé sur les toits, tout le monde le savait. Nous avons eu une rencontre avec le président. Sur la question, je lui ai donné mon point de vue. J'ai été clair sur la question et j'ai dit que c'était inopérant de vouloir que François Compaoré lui succède. Il n'est pas mort. Il peut témoigner. Les gens disaient à Blaise ce qu'il aimait entendre. C'était le contraire de ce que nous faisions. L'honnêteté, c'est cela aussi. Vous avez vu ce que j'ai écrit. Des gens ont dit au président que le peuple était derrière lui. C'est pourquoi, ils avaient organisé des meetings à Réo, Kombissiri, Zorgho, Tenkodogo, etc. Ceux qui l'encourageaient mettaient en avant leur panse et se disaient que s'ils partaient leurs affaires étaient à l'eau.

Vous vous battez avec une batterie de moyens. Qui finance le MPP ?

Là aussi, vous êtes excessifs dans vos propos.

Il y a des partis politiques qui se déplacent à vélo pour aller battre campagne...

Je suis à Ouagadougou. Je pense connaître la ville comme vous. Vous tombez dans la caricature. Personne ne va à vélo dans les meetings d'une province à une autre. Les gens peuvent prendre le transport en commun ou louer des véhicules. Dans les campagnes, c'est bien possible. J'étais récemment à Kongoussi. Si vous y étiez, vous aurez des difficultés pour démontrer cela. Je suis allé avec mon véhicule. Le Larlé a demandé à un ami de l'amener. Tous ceux qui sont partis ont dépensé de leur poche. Vous pouvez demander combien cela a coûté à ces gens. Ça leur a coûté de l'essence seulement. Ce sont les militants qui ont cotisé pour nous accueillir. A Tikaré, on nous a obligés à manger. Je voulais que l'on poursuive parce que nous étions en retard. Quelle extravagance avons-nous eu à faire ? Rien. Je vous demande de suivre nos prochaines sorties pour constater, à Nouna et à Toma.

Même avec des tournées à l'extérieur du pays ?

Ne dites pas cela. Ce que vous ne savez pas, c'est qu'il y a plusieurs responsables politiques qui sont allés à Dakar. Nous ne sommes pas les seuls à aller à Paris.

Il y a le CDP

Je ne parle pas du CDP. Je parle des partis qui sont dans le même moule que nous. Les gens tournent. C'est vous qui ne savez pas.

Mais qui finance le parti ?

Il n'y a pas de secret. Si le trésorier est là, je l'appellerai pour qu'il vienne vous répondre. Quand vous allez sortir, lisez les affiches. Vous allez voir. Nous avons contraint chacun des 700 membres du Bureau politique national à payer quelque chose.

C'est au prorata de leur fortune ?

Rires...

Quel est l'objectif du MPP pour 2015 ? Un coup KO dès le premier tour ou un second tour est-il envisagé ?

L'objectif du MPP, c'est de compétir à la régulière, dans la transparence avec les autres candidats. Nous, nous avons un candidat ça au moins c'est sûr. Les autres auront leurs candidats. On souhaite seulement que les conditions soient remplies pour que les chances soient égales afin qu'au finish celui qui va gagner, qu'on puisse dire que c'est le meilleur qui a gagné. Donc nous ne parlons pas en termes d'un coup KO ou de quoi que ce soit. Nous, nous voulons gagner, que ce soit au premier ou au deuxième tour. Nous voulons gagner et on doit se préparer en conséquence. Mais il faut éviter de penser que c'est acquis à l'avance. Vous savez, il y a des gens qui pensent toujours que les élections sont acquises. Même quand vous avez le vent en poupe à un certain moment donné, il faut savoir raison garder, sinon, vous piquez le nez en avant. Il faut se dire que ça va être dur et la compétition va être rude et vous vous préparez en conséquence. Voilà notre philosophie. On respecte tous les candidats, car ils se valent. Chacun a sa spécificité mais, il ne faut pas minimiser quelqu'un. L'histoire des élections l'a montré à souhait et nous, nous ne raisonnons pas en ces termes. Nous nous disons que nous voulons gagner et pour gagner comment il faut s'organiser. Quelles stratégies faut-il mettre en œuvre ? Il y a un grand penseur qui a dit : « Quelquefois l'abondance traduit l'incapacité des hommes ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que les moyens sont nécessaires, mais ça ne se limite pas aux moyens financiers. On peut échouer avec les moyens financiers. Vous l'avez vu à l'arrondissement 4 de Ouagadougou. Ils (Ndlr : les militants du CDP) ont déboursé des moyens financiers, mais ils ont piqué le nez en avant. Donc les moyens seulement ne suffisent pas. Il faut une bonne stratégie, une bonne communication et une bonne dose de conviction pour défoncer les portes les plus « cadenassées ». A notre niveau, nous poursuivons très modestement notre petit bonhomme de chemin.

Vous dites modestement vous n'avez pas encore gagné la bataille. Pourtant, le 1ervice-président de votre parti a déjà soutenu que Roch Christian Kaboré sera le président du Faso ?

Je crois que vous ne comprenez pas les slogans. Entre nous, lorsqu'on prend la parole, lorsqu'on lance les slogans et les mots de rassemblement et autres, c'est différent de ce que nous sommes en train de faire. C'est la politique. Quand vous voulez raviver, rameuter les militants, on lance des slogans, c'est cela. Mais cela ne veut pas dire que quelqu'un comme Salif Diallo est inconscient du chemin qui reste à parcourir, si l'on veut atteindre notre objectif. Ce sont des façons d'agiter les militants. Nous ne sommes pas d'ailleurs les seuls à le faire. Mais, nous allons revenir pour dire voilà notre objectif, voilà le prix que les militants doivent payer.

Quel est le parti que vous redoutez le plus sur l'échiquier politique national, maintenant que le CDP est affaibli ?

Nous estimons que tous les partis se valent et nous ne minimisons pas un parti. Comme le dit un proverbe moaga, « on ne doit pas s'amuser quand on poursuit un levreau ». Il faut faire beaucoup attention, même si parfois les choses semblent simples. En politique, il faut être quelquefois modeste, même lorsque vous savez, qu'entre lui et vous, il y a une différence. Il faut faire attention, car avec ta hauteur tu peux tomber. « Be carefull » ! Il faut respecter les gens, attendre les résultats et si vous devez boire votre petit lait, vous buvez votre petit lait. C'est-à-dire la joie d'avoir combattu et gagné. Mais, quand vous êtes sur le champ de bataille et que la bataille est rude et que les différents protagonistes aiguisent, rassemblent leurs capacités pour se jeter dans la bataille, il faut se dire que l'on doit prendre chacun au sérieux.

Un scénario : le MPP et l'UPC au second tour de la présidentielle ; serez-vous prêt à accepter le soutien du CDP ?

Je pense que vous allez trop vite en besogne, lorsque vous parlez du CDP. Savez-vous ce qu'il va advenir du CDP? (Ndlr : l'interview a été réalisée le 15 décembre dernier, avant la suspension du CDP). Je ne parle pas du CDP. Je vais tout simplement dire que tous ceux qui vont se présenter comme candidats, nous allons les prendre comme des adversaires sérieux. Pourquoi ne parlez- vous pas des partis autres que le CDP, qui seront également dans la danse et certainement vont chercher à faire des alliances ? Pourquoi vous ne parlez pas d'une manière générale, mais du CDP ? Je veux dire que la lutte politique est une science et il faut savoir la mener. Vous n'allez quand même pas m'asseoir pour me dire, écoute Simon dis-nous ce que vous comptez faire pour cette élection ? Si je le fais, c'est que je suis bête. On ne peut pas m'appeler homme politique, car je vends ma stratégie à moindre frais. Pensez-vous tirer cela de moi ? Attention !

La fraude électorale vous dit quelque chose ?

Je vais vous dire une chose. De ma vie, je n'ai jamais fraudé pour être maire ou pour être député. Ce que vous ne savez pas, nous avons fait la bagarre, une année, parce que nous avions vu un camarade du CDP qui était dans un bureau de vote au collège de la Salle et qui avait fait des opérations frauduleuses. On l'a dénoncé et j'étais de ceux-là qui ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord, vu ce qu'on avait fait comme travail et ce qu'on était en train de faire à Ouagadougou. On pouvait gagner la bataille à la loyale. On n'avait pas besoin de tricher. Vous connaissez ma sensibilité. Chez nous, la tricherie est une faute lourde, dans notre religion et cela se paie cash. C'est pour cela que je ne l'ai jamais aimée. Si vous vous asseyez et que vous ne faites pas le travail nécessaire, bouger, aller parler aux militants, essayer de les attirer vers vous et à la dernière minute, vous vous dites que l'on connait le président du bureau de vote et que l'on va faire des magouilles, c'est malsain. J'ai toujours refusé cela. J'ai été élu maire trois fois, mais la fraude ne m'a jamais caressé l'esprit. Il faut travailler et c'est sur la base des résultats que tu peux vendre, lors des campagnes. Les gens ne sont pas dupes, ils regardent. Il y a des gens qui sont sincères qui veulent qu'on arrive à les convaincre. Ce n'est pas l'argent seulement. Il y a des religieux, des coutumiers et des gens qui sont bien dans notre société et qui ne vivent pas seulement que sur l'argent. Il y a l'honnêteté et la droiture qui comptent, alors comment faire ? La réponse se trouve dans votre façon de faire. Si vous passez votre temps à prendre par-ci, par-là, vendre des parcelles par-ci et par-là et que votre maison devient finalement une mairie, comment voulez- vous que les gens vous fassent confiance ? Aujourd'hui je suis fier. Si tu veux faire du mal à Simon Compaoré et que tu te lèves pour voir combien de parcelles Simon possède, tu vas chercher en vain.

Que retenez-vous du régime Compaoré ? Surtout de votre participation ?

Je suis économiste gestionnaire de formation. J'ai eu la chance, étant fils de paysan, à avoir une bourse nationale, à 450 francs français équivalant à 22 500 francs CFA, dans les années 1974-75. C'est avec cela que nous sommes allés en France, plus précisément à Dijon pour étudier. Je vais vous faire une confidence : N'eût été l'aide de certains camarades, notamment Roch Christian Kaboré, nous autres qui avions des parents qui ne pouvaient pas nous envoyer de l'argent, on aurait connu beaucoup de problèmes. C'est pour dire que nous vivions dans des conditions difficiles. A notre retour, j'ai commencé à travailler en 1980. Mais, nous sommes venus tomber dans les problèmes avec Saye Zerbo et la 3e République, ensuite, c'était la Révolution. Si vous voulez, demandez à ceux qui ont travaillé avec moi à l'Aménagement des vallées des volta (AVV), ce qui s'est passé à Ziniaré, lorsque j'ai été nommé Haut-commissaire. J'ai été nommé le même jour que Béatrice Damiba qui était dans le Bazéga. Durant mon passage sous la Révolution en tant que premier haut-commissaire, on m'appelait « wassa-wassa », c'est-à-dire « vite vite ». On a conduit les projets rouges, c'est-à-dire les écoles, les lycées, les dispensaires, les dépôts pharmaceutiques et autres. Si vous repartez aujourd'hui à Ziniaré, vous verrez que je n'y ai pas de problème. Et même que quand je quittais là-bas, ils ont exigé à ce que je prenne une parcelle pour être sûr que je vais revenir à Ziniaré. Donc, allez là-bas et demandez s'ils connaissent Simon Compaoré ? Après cela, revenez à la Caisse générale de péréquation (CGP) et demandez. Allez aussi à la mairie de Ouagadougou et demandez. C'est pour vous dire qu'il y a quelque chose qui est ancré en moi. Je veux que même si on ne m'aime pas, qu'on ne dise pas que cette personne-là, c'est un paresseux incapable de faire bouger les lignes. C'est de l'orgueil qui est ancré en moi et c'est cela qui me caractérise. Donc, pendant mon passage au ministère de la Justice, certains magistrats sont là, notamment Komi Sambo Antoine et tous les anciens qui me connaissent. Ils vont vous dire qui je suis. Avec Blaise Compaoré, partout où j'ai été, j'ai travaillé à la loyale et je ne regrette pas. Que ce soit sous la Révolution ou sous la Rectification, je ne regrette pas. Pourtant, la seule chose qu'il faut regretter, c'est que je me suis rendu compte qu'il y a certaines choses qui se tramaient pour lesquelles nous n'étions pas conscients ou au courant. Vous avez cité tantôt des crimes. Pour aucun crime, on ne s'est assis pour planifier et dire qu'on va faire du mal à untel ou à untel. C'est dans d'autres cercles que je ne connais pas que cela se tramait. Ce sont des actes déplorables. Par exemple, j'avais d'excellents rapports avec Oumarou Clément et Guillaume Séssouma avec qui, j'ai fait Dijon. J'ai lutté dans les cercles communistes avec lui. Il était un de nos grands-frères. Si vous me demandez qu'est-ce qui lui est arrivé, je vous dirai : « I don't know » : Je ne sais pas. Et pourtant, on était dans le système, mais sans connaître tous les dessous du système. C'est à ce niveau que se trouve mon regret. Mais tout ce que j'ai pu faire, c'est avec beaucoup de cœur. J'ai travaillé de façon pratique. J'ai fait des erreurs, mais, quelque part, on a posé des actes que des gens reconnaissent que ce sont des actes que l'on peut poursuivre et cela me donne satisfaction. J'entendais à la radio l'autre jour, qu'il y a des gens qui ont commencé à saccager les chambres de passe. Vous savez bien que les chambres de passe ont été l'un de mes combats. Malheureusement, je n'ai pas été compris. Je n'ai pas été aidé et je n'ai pas été soutenu. Et sur ce combat, je n'ai pas gagné la bataille et je l'ai dit en partant que c'est un de mes regrets. Mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Je vois que l'histoire est en train de me donner raison, puisque les gens s'organisent maintenant pour les détruire. J'ai eu des moments de satisfaction quand j'ai créé la brigade verte. Imaginez-vous, au départ une dizaine de femmes et à mon départ, elles étaient plus de 3 000. Qu'on le veuille ou non, quand je vois qu'aujourd'hui ces femmes continuent d'être dans les rues et que cela a été dupliqué dans les autres communes en plus, je suis content. Je me dis qu'au moins, même si c'est une goutte d'eau, il y a quelque chose qui a été fait et cela pendant que j'étais dans le système. Chacun a tracé son sillon, mais les avatars, les égarements que l'on peut comptabiliser aujourd'hui, je n'en suis pas fier.

Justement cela nous amène à vous demander quel genre de relations vous entretenez avec François Compaoré ? Et comment avez-vous trouvé sa présence trop marquée dans le régime Compaoré ? L'autre question, c'est qu'après l'insurrection populaire, certaines choses ont été, selon les uns et les autres, trouvées chez François Compaoré. Est-ce que vous croyez à ça ?

Ce n'est pas à moi de croire. Qu'est-ce qu'on y a trouvé ? Je ne suis pas son défenseur. En plus, vous savez que moi, mes convictions religieuses ne me permettent même pas d'aller regarder ces choses.

Donc il n'y a pas de « wack » ?

Je ne crois même pas au « wack ». Je sais que ça existe, mais je crois en Dieu, point barre. Voyez, chez moi, là où j'étais avant, celui qui m'a vendu la maison qui s'y trouvait, m'a dit qu'il y avait des génies et que lorsque les gens y entrent, ils y meurent. Il a vendu la maison à vil prix, mais jusqu'aujourd'hui, personne n'est mort là-bas. Je suis passé là-bas avant de revenir à la grande famille. C'est pour vous dire que je ne crois pas en ces choses. Vous avez pu certainement aller là-bas et vous avez constaté et chacun est responsable de ses turpitudes. Pour revenir à votre question, je vais vous dire que je n'ai pas de relation particulière avec François Compaoré. Depuis que l'on se connait, lui et moi, en dehors de quelques rares exceptions, je ne partais pas chez lui. Même pendant les grandes fêtes, je n'y allais pas, à tel point que son épouse a dit que Simon ne venait jamais chez eux. Parce qu'il avait beaucoup de courtisans et pas des moindres et je n'aime pas cela. Quand je vois des ministres assis et un conseiller, fût-il à la présidence, arrive et ils se lèvent et on se plie en quatre, je dis bon Dieu, quel bordel ? Ce n'est pas honorable et je n'aimais pas ces choses et c'est bien connu. Je ne fais pas cela. Voyez, un jour, j'étais assis à la Maison des jeunes Jean Pierre Guingané, aux côtés des ministres. Entre-temps François Compaoré arrive, les ministres se lèvent avec leur veste et se plient en quatre devant tout le monde. J'avais honte. Je me suis dit, non ! « Why ?». Pourquoi ? Parce qu'il est le frère du président ou parce qu'il est conseiller ? Alors qu'ils sont des ministres, eux. Même dans le protocole, le ministre vient avant lui. « Crazy !», c'est fou ! Je ne suis pas à même de supporter des choses pareilles. Si vous voulez dans le cadre des activités du parti, on a eu à avoir des relations. Mais vous ne verrez jamais et vous ne pourrez pas dire que l'on a vu, Simon assis, chaque mois chez François. Lorsque je passe, c'est pour un problème précis et c'était rarissime. Parce que j'estimais que je n'avais pas besoin de son ombre pour être ce que je suis. Non ! Je dois me faire moi-même et dans ma capacité à faire bouger les lignes. Je ne suis jamais allé pour demander est-ce qu'il faut créer la brigade verte ? Est-ce qu'il faut faire ceci ou cela ? Non ! « I know what I have to do ». Je sais ce que j'ai à faire, c'est clair. Si tu ne peux pas assumer, tu rends le tablier et tu pars.

Avec le recul et avec le départ de Blaise Compaoré, si d'aventure vous le rencontrez, qu'est-ce que vous lui direz ? Surtout que vous, personnellement vous lui avez adressé des messages et qu'il n'a pas entendu ?

Il y a une improbabilité dans ce que vous dites parce que bien avant qu'il ne parte, le pont était déjà coupé. Depuis le jour où j'ai dit et qu'il a su que je n'étais plus d'accord ni pour le Sénat, ni pour la révision de l'article 37, le pont s'est coupé. Depuis ce jour-là, nous n'avons plus eu de contact, jusqu'à ce que je fasse cette lettre et la réunion fatidique du 3 janvier 2013, où il nous a réunis les 7 qui constituaient le petit noyau qu'il avait créé pour réfléchir sur 2015, à notre demande d'ailleurs.

Justement, parlant de cette réunion, que s'est-il passé ?

Une demande des trois que vous connaissez, c'est-à-dire Roch, Salif et moi. On a eu à le rencontrer pour lui dire que nous pensions qu'il fallait laisser les choses comme cela et ouvrir le débat avec l'opposition sur le Sénat, sinon on va droit au mur. Il nous a écoutés et c'est pourquoi, la mesure diplomatique était qu'il fallait faire une pause pour évaluer l'opérationnalisation du Sénat. Mais comme les François et les Assimi n'étaient pas avec nous et lorsqu'ils ont su qu'il nous avait rencontrés tous les trois, ils étaient très fâchés. Et ils sont allés voir Herman Yaméogo, Ram Ouédraogo, Maxime Kaboré, Alain Zoubga et autres pour créer le Front républicain. C'est pour vous dire que le pont était coupé. Donc quand il nous a reçus, le 3 janvier, depuis que je connais le président, c'est ce jour-là que je l'ai vu s'énerver. Parce qu'iI nous avait confié un travail urgent sur 2015, on l'a fait et il devait nous revoir. Mais, entre-temps, on s'est rendu compte que le travail était fini en octobre et il a attendu, le 3 janvier, pour nous rencontrer. Et pendant ce temps, il a eu à faire des déclarations, à Dori et à Paris sur des questions sur lesquelles nous devrions discuter parce qu'on avait fait un travail. Donc, il nous a reçus le 3 janvier, et il y a eu des gens qui ont pris la parole pour demander si la réunion avait encore son sens puisque lui-même avait déjà sa position, et il s'est énervé. C'est ce jour-là, comme je le disais tantôt, que je l'ai vu s'énerver. Ce jour-là, quand j'ai vu l'expression de son visage, j'ai eu pitié et il a dit que donc nous voulions qu'il nous demande l'autorisation avant de parler ou avant de s'entretenir avec la presse ? Nous avons répondu que ce n'était pas ce que nous voulions dire. Et Roch a dit que ce n'était pas cela, mais que s'il avait pris le temps de nous rencontrer, il n'aurait pas intervenu de cette manière, parce qu'on allait quand même l'orienter sur ce qu'il fallait déclarer. L'atmosphère était lourde ce jour-là. J'ai pris la parole pour lui dire que même le parti était en crise et Naboho a pris la parole pour me dire : « Simon, de quelle crise parles-tu ? Le parti a toujours été comme cela, tu exagères ». J'ai rétorqué que même là où nous sommes assis, personne n'a confiance en personne et on dit qu'il n'y avait pas de crise. C'est pourquoi, lorsque nous sommes sortis, nous nous sommes dit que nous n'avons plus rien à faire à ce niveau et que nous allons aller du côté du peuple et réaffirmer ouvertement nos positions. A la rencontre avec le président, il y avait Assimi Kouanda, Alain Bédouma Yoda, Naboho Kanidoua, Juliette Bonkoungou, Roch et moi. Nous étions 6. C'est cela la vérité et lorsque nous sommes sortis, nous avons dit voilà, le président refuse le débat contradictoire avec nous, parce qu'il connait notre position sur le Sénat et sur la révision de l'article 37 et nous n'allons pas nous laisser faire. Nous n'allions pas être complices sur ces questions. Nous nous sommes dits, trop, c'est trop. Nous allons partir et nous avons fait la lettre pour dire que nous partons du CDP. Et Roch était chargé de la lui remettre. Sur place, nous avons fait une autre lettre pour Assimi Kouanda pour dire que nous rendions notre démission de toutes les structures du CDP et nous avons recueilli les 75 signatures des membres du bureau politique national du CDP.

Pour répondre à votre question, la probabilité de rencontrer le président est trop faible, pour ne pas dire quasi inexistante. Mais même si d'aventure cela pouvait avoir lieu un jour, je lui rappellerai ma lettre. Je lui dirai : « Parmi ceux qui ont été honnêtes avec vous, je pourrais inscrire mon nom. Parce que j'ai osé vous dire la vérité, ma vérité et vous n'avez pas eu le souci élémentaire de m'appeler pour dire que vous avez vu ma lettre, mais viens pour qu'on échange ». Malheureusement, il ne m'a pas répondu, alors que moins que cela, il m'appelait. J'ai compris que le vin était tiré et qu'il fallait le boire. A la dernière réunion du CDP au CBC, ils ont dit qu'il faut considérer Roch Salif et moi non plus comme adversaires, mais des ennemis.

Interview réalisée par Yaya Issouf MIDJA, Soumoubienkô Roland KI, Hermann Raogo OUEDRAOGO et Maurice BELEMNABA

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