Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) s'aligne dans la même logique que les détracteurs du projet de révision de l'article 37 de notre Loi fondamentale par voie référendaire. En effet, il a une fois de plus marqué son désaccord à cette entreprise au cours d'une conférence publique tenue le 5 juin dernier à l'université de Ouagadougou. Partant du postulat que Constitution sans constitutionnalisme n'est que ruines et larmes, le Directeur exécutif du CGD, le Pr Augustin Loada, a indiqué que l'article 37 est certes révisable, mais pas n'importe comment. Pour lui, la Constitution a prévu les règles de sa propre révision lesquelles sont consignées en son titre XV. Il soutient que l'article 49 ne consacre pas une autre procédure de révision de la Constitution que celle relative à l'intérêt national et donc, non partisane, encore moins personnelle.
Et Augustin Loada de se demander en quoi Blaise Compaoré est un intérêt national. Poursuivant son raisonnement, le spécialiste du droit constitutionnel présentera les enquêtes Afrobaromètre, ce projet de recherche indépendant et non partisan qui évalue l'environnement social, politique et économique en Afrique. Les résultats présentés indiquent que le nombre de Burkinabè ne souhaitant pas que l'on modifie l'article 37 de la Constitution pour permettre au président Blaise Compaoré de se présenter en 2015 s'est accru, passant de 46% (2008) à 54% (2012). Aussi, quel que soit le milieu de résidence, les enquêtés restent opposés à la modification de la Constitution, mais les citadins le sont davantage (68%) que les ruraux (50%).
Plus loin dans sa démonstration, le Pr Loada soutient que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), ratifiée par notre pays en 2010, a une primeur sur les lois burkinabè et prescrit le respect du consensus en son article 10. De ce fait, la CADEG proscrit les changements anticonstitutionnels. Selon lui, recourir au référendum, qui est certes un instrument démocratique, ne saurait être une panacée, car pouvant conduire à des résultats aberrants lorsque le peuple est manipulé par les chefs. Et de faire remarquer qu'en Afrique, en dehors du référendum de 1958 (ndlr : la Guinée sous Sékou Touré), il n'y a jamais eu un « NON ». Se référant au contexte socio-économique et politique qui prévaut dans notre pays, le directeur exécutif du CGD pense que la révision envisagée de la Constitution manque de cohérence et y prendre part est frauduleux. Il assène que si cette opération va jusqu'à son terme, ce n'est rien d'autre qu'un coup d'Etat constitutionnel et illégitime auquel il faut résister. De ce fait, deux options s'offrent aux citoyens : c'est soit le boycott actif ou le boycott passif, a-t-il soutenu.
C'est dans un amphi A600 archicomble que le Pr Salaka Sanou de l'université de Ouagadougou a modéré la conférence, laquelle a connu la participation de Lassané Sawadogo du MPP et représentant de l'Opposition. Les adeptes du référendum ont, eux, décliné l'invitation. Quant aux participants, enthousiastes qu'ils étaient, ils ne sont pas allés du dos de la cuillère pour incriminer cette volonté de tripatouillage de notre Loi fondamentale.
Jean-Aimé Zougmoré
& Déborah Ouédraog
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