Réconciliation nationale : « On n’a jamais demandé d’enjamber les cadavres » (Ablassé Ouédraogo de la CODER)

| 20.01.2017
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Réconciliation nationale : « On n’a jamais demandé d’enjamber les cadavres » (Ablassé Ouédraogo de la CODER)
© DR / Autre Presse
Réconciliation nationale : « On n’a jamais demandé d’enjamber les cadavres » (Ablassé Ouédraogo de la CODER)
Le 16 octobre 2016, la Coalition pour la démocratie et la réconciliation (CODER) voyait le jour avec pour mission de faire un pas décisif vers la paix et la réconciliation. Après trois mois, Ablassé Ouédraogo, le président d’alors, a cédé la place à Gilbert Ouédraogo le 19 janvier 2017 à Ouagadougou. A la même occasion, il a fait le bilan de son mandat et rectifié certaines choses : « Jamais à la CODER, on n’a éludé la justice. Elle n’a jamais dit d’enjamber les cadavres pour aller à la réconciliation », a précisé Ablassé Ouédraogo. De cette tribune, il a fait l’analyse rétrospective de l’an un du pouvoir de Roch : « Le populisme est érigé en mode de gouvernance, le slogan Roch la réponse est devenu caduc... », a déploré le président sortant.

 

«Le Burkina Faso va très mal, et la ‘’rocosité’’ s’y enracine, tout comme la gouvernance ‘’mouta mouta’’ et il est impossible de ‘’s’enfoutre’’... point barre ». Ce sont des propos d’Ablassé Ouédraogo. Et ce, à l’occasion de la passation de charges entre lui et Gilbert Noël Ouédraogo à la tête de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale. Faut-il le rappeler, à la création de la CODER, c’est Ablassé Ouédraogo, président de « Le Faso Autrement », qui en a tenu les rênes. La mission qui lui a été confiée était de lancer les activités de la CODER et de l’imposer sur l’échiquier national. Trois mois après, il doit passer la main. Il part avec le sentiment du devoir accompli : « La CODER a déjà une place de choix. Elle est bien visible et commence à être connue de tous les Burkinabè. Nous avons eu raison d’avoir mis en place la CODER à cause de la forte requête de la réconciliation que nous avons vue sur le terrain», se réjouit Ablassé. « A la CODER, on se fait apprécier au bout de trois mois. Nous avons voulu apprécier certains, on nous dit d’attendre un an. Au bout d’un an, on nous dit d’attendre cinq ans », ironise le président entrant, Gilbert Ouédraogo.

L’occasion a été aussi donnée de lever les équivoques sur la réconciliation nationale : « Contrairement à ce que tentent vainement de faire croire des personnes bien avisées, la CODER n’a jamais demandé à aller à la réconciliation en enjambant des cadavres non, non, non ! Elle appelle plutôt tous les Burkinabè à se donner la main, à se pardonner et à construire une vraie paix afin que nos morts jouissent du repos éternel », explique-t-il une fois de plus. Ce fut l’occasion pour lui de faire aussi une analyse rétrospective de l’an un de Roch.

Le slogan «Roch la réponse» est caduc

Du bilan du pouvoir du MPP, c’est un tableau noir que peint Ablassé Ouédraogo : « La gouvernance Roch est marquée malheureusement par une situation nationale des plus préoccupantes. Le Burkina Faso vit une crise multidimensionnelle sans précédent. Les Burkinabè sont déçus du pouvoir MPP en place, qui pourtant avait fondé sa campagne sur son expérience de près de trois décennies dans l’appareil d’Etat. Le slogan Roch la réponse est caduc, car Roch s’avère être au fil du temps le problème du Burkina Faso. Le populisme a été érigé en mode de gestion pour divertir les Burkinabè et les écarter de leurs préoccupations réelles au quotidien ».

Tout en félicitant le gouvernement pour le succès annoncé de la conférence de Paris avec des intentions de financement et non pas des engagements, la CODER affiche le scepticisme quant à la mise en œuvre efficiente et optimale du PNDES, présenté comme la panacée aux problèmes économiques du Burkina Faso. Et que dire de la situation sécuritaire, de la fronde sociale « si ce n’est que nous assistons à un délitement progressif des valeurs cardinales de notre société qui sont : le dialogue, la confiance, le pardon, la tolérance et l’amour de la patrie » ? rétorque le président de « Le Faso Autrement ».

Mais pour lui, ce tableau, aussi sombre soit-il, n’est pas désespéré pourtant. Cependant il estime qu’ils doivent rester vigilants et ne pas être naïfs et dupes, car les inquiétudes sur le devenir du Burkina Faso demeurent. 2016 a été une année éprouvante et on espérait mieux avec la nouvelle année. Mais que nenni ! Pour le président sortant de la CODER, l’année 2017 commence avec les mêmes paradigmes : hésitations et tergiversations du gouvernement, aggravation de l’insécurité, désarticulation de l’économie en pleine décroissance, dégradation du front social qui s’épaissit à l’horizon avec les grèves annoncées, accidents de la route, incendies.

« Le gouvernement est en congé... »

En outre, ce qui est inquiétant et effrayant, selon lui, c’est que, depuis que le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a annoncé à la fin de l’année 2016 la réorganisation de son gouvernement dont le casting, il faut le souligner, au moment de sa formation n’a pas été des plus heureux et des meilleurs, le gouvernement est en congé technique et le pays tourne au ralenti à cause des incertitudes qui planent au-dessus de la tête des ministres. D’ailleurs, il invite le président à s’inspirer des pratiques des pays voisins en accélérant le changement de gouvernement qu’il a promis afin de redonner de l’espoir aux populations. Il est convaincu que le dialogue inclusif et positif reste la seule porte de sortie.

Lévi Constantin Konfé

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Encadré

« La CODER n’est pas une opposition dans l’opposition »

(Me Gilbert Ouédraogo)

Depuis l’insurrection, on ne vous voyait plus beaucoup sur le front politique, et voilà que vous venez de prendre les rênes de la CODER ; est-ce une façon de revenir sur la scène politique ?

Notre parti était toujours sur la scène politique dans la mesure où nous avons mené un certain nombre d’activités au nom de notre formation politique, et vous vous rappellerez que nous avons organisé une tournée du pardon. Après cela, nous avons tenu un congrès qui m’a reconduit à la tête du parti et m’a même désigné pour être candidat à l’élection présidentielle passée. Notre candidature a été recalée, et dans un esprit de paix nous l’avons accepté. Nous avons néanmoins continué à organiser notre parti, et avons participé aux élections législatives pour en sortir avec trois députés. Pour les municipales, nous avons quelques conseillers, des membres dans les exécutifs locaux.

C’est vous dire que notre parti continue d’organiser ses activités et à fonctionner normalement. Nous avons été aussi cofondateur de la CODER qui a un bureau trimestriel et tournant. C’est à ce titre donc que j’ai été retenu pour en être le président pour le trimestre à venir. Nous avions bien commencé à mener nos activités et celles de la CODER sont intervenues dans le cadre de celles que notre formation politique menait. C’est parce que nous sommes sur le terrain que nous fonctionnons, que nous avons été membre fondateur de la CODER et que nous avons aujourd’hui cet honneur que les membres fondateurs nous ont fait en nous en désignant président pour le trimestre actuel.

Vous remplacez quelqu’un comme Ablassé qui répondait à tous les sujets alors que vous, vous semblez un peu timoré ; peut-on s’attendre au même dynamisme à la tête de la CODER ?

Ça dépend. Ablassé a apporté des réponses à tous les sujets lorsqu’il a été sollicité, et nous pensons pouvoir aussi apporter des réponses lorsque nous serons sollicité. Si nous avons accepté la présidence de la CODER, cela veut dire que nous sommes disponible pour apporter des éléments de réponse lorsqu’on nous le demandera ; seulement est-ce-que je suis timoré ? C’est votre appréciation, mais moi, j’ai mon approche, j’ai ma méthode selon laquelle je fonctionne. C’est ma manière d’avancer, et je serai disponible pour répondre à toutes les questions que l’on voudra me poser.

La CODER est vue par certains comme une opposition dans l’opposition ; quelle est votre lecture par rapport à ceux qui pensent cela ?

La CODER n’est pas une opposition dans une opposition, puisque nous travaillons ensemble et rien qu’hier nous étions en réunion, les principaux leaders de la CODER et le chef de file de l’opposition, pour préparer une démarche commune pour les élections à venir. Donc nos partis sont affiliés à l’institution, et vous savez que la loi fait obligation aux partis politiques qui souhaitent s’affilier au CFOP d’en faire une déclaration à publier et nous l’avons fait. Au sein de la CODER, il y a 7 partis dont trois sont membres de l’opposition. Nous sommes tous membres de l’opposition, mais il y a trois partis d’abord qui ont fait cette déclaration d’appartenance au chef de file de l’opposition, donc nous sommes là-bas (CDP, NAFA et l’ADF-RDA) et continuons à participer à toutes les rencontres du CFOP.

Dans le cadre de l’organisation du CFOP, le cadre de concertation a adopté une charte portant organisation des partis. Cette charte donne la liberté aux partis politiques de s’organiser en fonction de leurs affinités, intérêts, et donne la liberté à tous les partis de s’exprimer parce qu’être de l’opposition ou du CFOP ne nous enlève pas notre liberté en tant que parti. Chaque parti garde son autonomie et sa liberté. C’est dans le cadre de l’application de cette charte qu’est née la Coalition des forces du vrai changement (CFVC), qui est dirigée par le chef de file lui-même, Zéphirin Diabré, qui a regroupé les partis qui l’avaient soutenu lors de l’élection présidentielle de 2015.

Nous avons aussi créé une Coalition qui est la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale, laquelle regroupe des partis qui sont dans le CFOP et certains qui n’en sont pas. Mais ce n’est pas un antagonisme. Nous sommes organisés, nous avons tous le même but et travaillons à faire en sorte de renforcer l’opposition. C’est pourquoi nous participons aux rencontres du chef de file de l’opposition. Dans le programme de rencontres des autorités politiques que nous avons initié, il est clair que nous rencontrerons le chef de file de l’opposition, et je voudrais dire que lorsque nous avons installé la CODER, le chef de file a été invité et son parti a été représenté par un des vice-présidents. Il a donc été informé de cette organisation, et nous travaillons vraiment de concert pour que l’opposition aille de l’avant. Nous sommes encore ensemble dans la commission constitutionnelle au titre de l’opposition et travaillons avec le chef de file à ce niveau. Nous avons certainement un objectif global de tous les partis de l’opposition, mais après vous avez des objectifs spécifiques à chaque sous-groupe. Tous ces groupes-là relèvent de l’opposition.

Cela étant, durant les trois mois que vous allez piloter la CODER, quelles sont les questions sur lesquelles vous allez mettre l’accent ?

D’abord la réconciliation nationale, car nous pensons qu’il est temps que nous allions à la réconciliation nationale. Et parler de réconciliation nationale n’est pas une faiblesse, mais plutôt une hauteur de vue : le Burkina Faso a besoin de tous ses filles et fils pour construire la nation burkinabè, c’est pour cela que nous pensons qu’il faut que l’on se surpasse surtout après ce que nous avons vécu. Il est temps que nous puissions nous asseoir, de parler et de regarder l’avenir et de voir quelle offre nous faisons à cette jeunesse burkinabè en quête d’emploi. Nous sommes trop restés dans le rétroviseur, il est temps de regarder en avant, il est temps d’avancer. Mais je précise que la réconciliation nationale, nous ne disons pas de la faire au mépris de ce qui s’est passé, d’enjamber des cadavres pour la faire ou que nous ne voulons pas de justice.

Nous disons que la paix est un élément essentiel et que pour y arriver, il faut la réconciliation nationale. Si cela doit passer par la justice, nous n’avons pas de problème, mais nous disons que la justice doit être la même pour tous. Nous nous battons pour une justice impartiale, une justice qui est la même pour le riche et le pauvre, pour le vaincu et le vainqueur, une justice qui satisfasse le peuple, c’est cette justice que nous voulons. Si c’est de cette justice qu’il s’agit, nous n’avons pas de problème, c’est ce qu’il faut à notre pays. C’est ce que nous pensons à la CODER, et les actions que nous allons mener au cours de ce trimestre, c’est poursuivre les audiences auprès des autorités civiles, religieuses et politiques, surtout les coalitions politiques. Nous allons rencontrer l’opposition, les coalitions qui existent, et demander à voir le pouvoir, la majorité, les autorités institutionnelles établies pour parler de la CODER et passer notre message de réconciliation nationale, car nous pensons qu’ensemble nous pouvons travailler à ce que cela soit une réalité pour le Burkina Faso.

Propos recueillis par

Lévi Constantin Konfé

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