Partis du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) pour des raisons qui leur sont propres, les trois mousquetaires que sont Roch, Salif et Simon Compaoré, sillonnent depuis le pays, pour rallier les militants à leur cause à eux. Comme quoi, en ce moment, ce sont eux qui ont raison, ce sont eux les vrais défenseurs des intérêts du peuple qu'ils représentent. Ils n'ont pas tort puisqu'en politique, dit-on, «c'est comme cela».
Le CDP qu'ils ont quitté, de son côté, fait comprendre qu'il n'y a rien dans la baraque, que tout se passe bien. De temps en temps, ces émissaires font le tour du Faso, dans les provinces où ils sensibilisent, galvanisent et rassurent. Car, selon eux, c'est bien leur parti le plus grand, le parti majoritaire. Donc, celui qui incarne et défend au mieux les intérêts des Burkinabè. De leur côté, ils n'ont pas tort car en politique, on dit «c'est comme cela».
Zéphirin Diabré, qui a réussi en peu de temps à réveiller une opposition politique qui somnolait depuis des années, se voit comme celui qui représente le peuple burkinabè, le vrai peuple qui a soif de changement. Selon lui, c'est la majorité des Burkinabè. Auréolé des deux manifestations populaires qu'il a réussi, dans la forme et dans le fond, il se présente (et c'est à juste titre) comme celui qui porte les aspirations de tout un peuple. Et il a raison car en politique, on dit «c'est comme cela».
Alors qu'il prenait la parole au cours du meeting de son parti à Ouahigouya, Salif Diallo, le «môgô-puissant» (c'est comme cela qu'on l'appelait à une certaine époque), n'a pas hésité à dire que c'est lui qui faisait Blaise Compaoré le président du Faso. Aussi, a-t-il ajouté, «en 2015, Roch Marc Christian Kaboré sera le président du Faso». Car Salif va faire de lui le président du Faso.C'est donc Salif Diallo qui nous a imposé Blaise Compaoré depuis 1992, date de la première élection présidentielle démocratique au Faso? Aujourd'hui, il va nous imposer Roch Marc Christian Kaboré. C'est dire que nos voix, en vérité, n'ont jamais servi à rien et cette fois-ci, on imagine que ce sera la même chose.
Au cours de son congrès, l'Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), a rempli successivement le palais de la Culture Jean-Pierre Guingané et la Maison du peuple. Que de beau monde qui lui permet de dire à qui veut l'écouter, qu'il est un grand parti, qu'il représente le peuple dont il défend les intérêts. C'est de bonne guerre quand on sait qu'il a un grand nombre de députés à l'Assemblée nationale et beaucoup de conseillers municipaux à travers le pays.
Jean-Baptiste Ouédraogo et les membres de sa médiation ont tenté de les rapprocher et sortir calmement de la crise. Ils ont campé sur des préalables inutiles. Parce que chacun croit qu'il est «grand et fort».
Comme on le voit donc, chacun est grand, chacun parle au nom du peuple, chacun défend les intérêts du peuple. Quand on va descendre dans les plus petites formations politiques dont les militants peuvent être contenus dans une cabine téléphonique, elles diront, ces formations-là, qu'elles représentent et défendent les intérêts du peuple. Dans de telles conditions, que reste-t-il à faire? La démocratie étant par essence le pouvoir du peuple par le peuple, demandez à ce peuple de dire qui est qui? Au moins, chacun saura ce qu'il représente réellement et on passera sans doute à autre chose. Mais à condition que chacun s'implique.
Dabaoué Audrianne KANI