Les organisations dites de la société civile sont fâchées parce que les partis politiques n'en font pas assez. Elles se créent, se recréent et se saisissent de l'alternance, allant par vaux et par monts, prôner la bonne parole. Elles font monter la crise à son summum et sauront sans doute « qui mettre où au moment où il faudra ». Après tout, plus on est fous, plus on rit !
L'alternance, une fin en soi, maintenant qui oserait parler du contraire. Elles semblent en effet, royalement se foutre, ces organisations, de savoir qui sera à la tête de l'Etat demain.
Et pis, il n'est même pas question d'en savoir sur le programme et les intentions des candidats qui crient au tout sauf Blaise COMPAORE ou plus inquiétant, de connaitre le goût de la sauce à laquelle, ils seront mangés. S'ils l'oublient, qu'ils se souviennent qu'ils seront mangés, du reste avec ou sans sauce.
Mais, elles veulent faire l'histoire et s'accrochent à n'importe quels sujets, notamment et surtout à ceux qui charrient une forte charge émotive. Histoire peut être de dire que j'en étais aussi et de surcroit aux avants postes.
Un tel activisme peut être démultiplicateur, qui sait, au moment du partage du gâteau de l'alternance. Pour certains de leurs membres en tout cas.
Et puis, cette conviction qu'elles ont, ces organisations que le moment est opportun à un positionnement nous ramène à la très belle époque de l'Alliance pour le respect et la défense de la Constitution (ARCDC) et de la CFD coordination des forces démocratiques (CFD) en 1991.
Au début des années quatre vingt dix, elles ont aussi fleuri ces genres nouveaux d'organisations et qui se drapaient du manteau de héros nationaux ou de Zorro, défenseurs de la veuve et de l'orphelin.
Après cette période, qui a vu le thermomètre politique monté, ces organisations ont disparu étrangement comme elles étaient apparues tout aussi étrangement. Naissant par grappes ou renaissant de leurs cendres et même de nouvelles cendres, si on veut, elles reprennent les mêmes discours lénifiants et dont le sens politique se réduit à des slogans incantatoires.
Inutile de chercher à connaitre si elles sont suscitées parce qu'il n'est point besoin de boule de cristal pour le savoir. Leurs prises de positions pour opportunistes qu'elles soient, n'en demeurent pas moins celles que distillent les partis politiques de l'opposition.
Ces partis qui ont longtemps accusé le parti majoritaire de créer des organisations à foison, suivent curieusement la même stratégie, hier par eux, vouée aux gémonies. Ils auront beau chanté à la guerre comme à la guerre, la reproduction de ce schéma, force à dire qu'ils ne sont pas si différents et que leur éthique en politique vole aussi au ras des pâquerettes.
Surtout que le parti majoritaire a voulu la fédération des organisations qui le soutenaient, en créant la FEDAP-BC.
Une affaire de la petite bourgeoisie
Cela renforce l'idée que nos partis politiques ne disposent que d'une petite base, le plus souvent nichée au sein de la petite bourgeoisie citadine. La base de leurs adhérents ne dépasse pas ce cercle en raison de la trop grande déconnexion de ces partis de la réalité sociale. Nombre aussi de déflatés du système éducatif et des jeunes sans emploi ou perspective sont attirés par ce rôle de faiseurs de roi.
A partir du moment où les observateurs sont très peu à porter une analyse critique sur cette façon dévoyée de faire la politique, notamment lorsqu'il est question de transition, ces organisations ont les micros, les journaux pour nous convaincre qu'ils ont un idéal et qu'ils sont, fumeuse assertion, représentatifs et porteurs des intérêts du peuple.
C'est pourquoi, il est tout à fait facile pour elles d'exister, quand tout le monde voit et sait qu'elles ne dureront que le temps pour des politiciens adeptes de la courte échelle d'assouvir leurs ambitions débordantes. Ils sont disposés par l'esprit et l'attitude de goûter au fauteuil suprême par des raccourcis propres aux apprentis putschistes et prêts à la remise en cause de l'ordre constitutionnel.
Comme, naturellement il faut financer les activités de ces organisations, leurs ténors se disent qu'il s'agit d'une mini caverne d'Ali Baba au travers de laquelle, ils vont gagner d'une manière ou d'une autre leur compte.
Dès l'instant où il faut payer cash pour que ces organisations fassent la basse besogne à la place des partis, y a-t-il plus bel argument présidant à leur création que celui de la défense de la constitution pour ne pas dire carrément de la patrie en danger imminent ? Avancer d'autres arguments pourrait être suspect.
Cette évolution de la société civile, si on peut encore ainsi l'appeler, pose un véritable défi à la démocratie, notamment quant à sa survie. On est fondé à penser que ces organisations peuvent vite tomber dans le fascisme intellectuel.
En avançant des thèses définitives, tout droit sorties d'une vision que leurs positions ne sont pas partisanes, mais rejoignent la volonté du peuple, qu'elles se donnent le droit de croire, ces organisations, que leurs thèses ne peuvent être étrangères aux vertus cardinales de la démocratie.
Mais qui en voudra à des jeunes de se constituer en organisations capables de réussir des hauts faits de guerre ? Qu'elles soient agitées par des marionnettistes de l'ombre, il faut bien trouver une occasion pour sortir de l'ombre. Et puis ne sait-on pas, dans ce nouveau siècle, que plus que jamais l'argent n'a pas d'odeur ? Celui qui veut aller à Kosyam par voie détournée est tenu de casquer. Apparemment, c'est un business qui marche.
La disparition de la confrontation des idées
C'est vrai que dimanche dernier sur RFI, les partisans du référendum et les contre se sont affrontés dans un débat qui est resté somme toute assez civilisé. Il n'y a pas eu de trop grand débordement, même si les menaces sur la paix des contre, si le référendum était convoqué, ont fait désordre.
Certes lorsqu'il s'agit de l'extérieur, l'Afrique est aujourd'hui le seul continent à se mettre au garde-à-vous. Il suffit seulement que la puissance colonisatrice claque des doigts pour obtenir ce qu'il veut. Ce type de débats par confrontations directes d'idées, nos médias aussi sont bien à même de les initier et de les conduire dans le même format et avec la même civilité.
Si cela ne se fait pas, c'est justement parce que la prolifération des organisations trouble le jeu politique, brouille les messages et donne cette atmosphère chaotique qui n'est point à l'avantage des partis politiques.
C'est en vérité qu'ils son incapables de donner un sens, voire une profondeur à notre démocratie, soit par le truchement du parlement ou bien par le truchement des médias et de la prise de parole publique. Ils ne peuvent prétendre être des partis de gouvernement, si ce sont des faire-valoir qui relayent leurs discours.
Or, la question qui est posée est de savoir qui va assurer la gouvernance de notre pays en 2015 ? Il est temps que les partis qui se sentent en situation apprennent dès maintenant à imprimer la primauté du politique au détriment de ces organisations, dont la seule idée pensée serait que la conquête du pouvoir est une fin en soi.
Aussi importante qu'elle soit, elle n'est rien à côté de la gestion du pouvoir. A voir le fait que Macky Sall nage dans la semoule depuis deux ans que dure son accession à la magistrature suprême, et on se convainc qu'il ne faut pas inverser l'ordre des priorités.
Autant, il faut mettre de l'énergie à vouloir y accéder à ce pouvoir, il faut en même temps autant, sinon plus, mettre de l'énergie à prouver qu'on pourra le gérer bien et mieux que ses devanciers. Avec ces organisations en sous marins et qui font dans l'irrédentisme, l'opposition n'en fait pas la preuve.
Souleymane KONE
Par : L'Hebdomadaire du Burkina N°789 du 11 au 17 Juillet 2014