Une polémique a entouré la position de l’ex-CFOP lors de sa rencontre avec les sages. Qui précisément étaient à cette rencontre et qui conduisait la délégation ?
Il y a eu surtout une tentative de manipulation de la part de certains leaders politiques qui ont voulu faire croire que c’est moi qui conduisais la délégation, alors qu’ils savaient très bien que la délégation était conduite par le président du mois du cadre de concertation de partis (CCPP) de l’ex-CFOP, le président du MPP, Roch Marc Christian Kaboré. C’est lui qui a constitué la délégation en y incluant Le Faso Autrement, l’UPC, le PDS/Metba et le MPA. Les leaders de ces partis étaient donc avec lui pour cette rencontre. Avant de s’y rendre, une réunion préparatoire a été organisée à laquelle mon parti a été invité. Je crois savoir que tous les autres partis du CCPP ont été conviés, comme c’est la pratique. Juste avant même le début de cette rencontre préparatoire, nous avons été tous témoins d’un échange téléphonique entre le secrétaire permanent et le président de l’UNIR/PS. En raccrochant, le secrétaire permanent a informé les participants que Maître Sankara s’excusait de ne pouvoir prendre part à la réunion.
On a entendu en tout cas différents sons de cloche. Quelle était la position officielle ?
C’est le président du mois qui est le mieux placé pour vous le dire. Moi j’ai entendu plusieurs arguments lors de cette réunion préparatoire et il appartenait au président du mois d’en faire la synthèse devant les sages. Tous les participants ont déploré et condamné le fait que pour la troisième fois, un problème né au RSP vienne perturber la marche de la transition.
Les appréciations divergeaient par contre quant à la question de la présence des militaires au sein du gouvernement.
Certains étaient d’avis qu’il fallait dénoncer cette revendication et refuser de céder à l’exigence de démission des militaires du gouvernement, parce que cela était contraire à la Charte et allait handicaper la transition. D’autres estimaient que, dès lors que les militaires étaient là, pas en leurs noms personnels mais en tant que représentants des Forces de défense et de sécurité (FDS), si ces derniers voulaient le retour de leurs éléments à la base, il n’appartenait pas aux partis politiques de se mêler d’un tel débat interne, mais plutôt au président du Faso de se concerter avec les FDS et trouver la meilleure solution pour que la transition ne soit pas dérangée. Des intervenants ont fait remarquer que tous les accrocs à la marche de la transition proviennent toujours des problèmes au sein de l’armée et que si cela devait continuer, mieux valait que ces militaires retournent tous à la caserne et laissent la transition continuer sous la houlette des civils. D’autres enfin ont fait remarquer que derrière ce qui semblait être un simple conflit interne au RSP et à l’armée, se préparait une opération de restauration qu’il fallait à tout prix contrecarrer.
Je dois dire que s’il y avait forte unanimité pour condamner de manière ferme toute immixtion des FDS dans la marche de la transition comme ce fut le cas lors des crises précédentes, cette fois-ci on sentait que les partis étaient gênés par les informations contradictoires qui ont entouré cette histoire de complot. Alors que les uns parlaient de complot, d’autres parlaient de manipulation au vu de certaines informations qui circulaient. Car, autant il faut condamner toute immixtion du RSP et des FDS, autant il faut s’assurer que des militaires au sein du gouvernement ne sont pas entrés dans des intrigues. Or là, seul le président du Faso pouvait et peut nous situer au vu des résultats des interrogatoires et des enquêtes qui étaient en sa possession.
Personnellement, cet aspect du problème continue de me gêner. Autant pour moi il est inacceptable de laisser prendre en otage la Transition pour des problèmes liés à un corps de l’armée, autant je ne cautionnerai pas qu’un militaire membre de la transition rentre dans des intrigues pour s’assurer le contrôle de telle ou telle partie de l’armée. Je ne suis pas de ceux qui achètent les bagarres des autres! Les militaires que le Président Kafando a nommés au gouvernement sont d’abord là pour l’aider à gérer la transition.
On sait comment ça s’est terminé, par le départ d’Auguste Denise Barry et le maintien à la tête du gouvernement de Yacouba Isaac Zida. Quelle en est votre lecture ?
Je ne suis pas attaché à des individus. Je suis attaché à des principes. La clé de voûte de tout notre système institutionnel, c’est le Président du Faso, Michel Kafando. C’est lui qui a été désigné par les représentants de notre peuple pour conduire la transition et présider aux destinées de la Nation. Il a composé un gouvernement qui comporte des civils et des militaires. Quelle que soit l’origine des uns et des autres, dès lors qu’ils entrent dans le gouvernement, ils sont sous son autorité. C’est lui qui apprécie la manière dont tout un chacun travaille, la manière dont tout un chacun peut contribuer à la bonne marche de la Transition, et c’est lui qui doit prendre les décisions qui s’imposent. C’est pour cela que je m’inscris en faux contre tous ceux qui nous chantent que le départ de tel ou tel est contraire à l’esprit de la Charte ! Ridicule ! La Charte évoque des principes. Elle ne nomme pas des individus. La Charte n’est pas au-dessus de la Constitution. Elle la complète. Or la Constitution confère clairement au Président du Faso le pouvoir de nommer et de révoquer. S’il estime à un moment donné que pour que la Transition aille de l’avant il est bon de réaménager son équipe, c’est à lui de décider. S’il estime aussi qu’en faisant un réaménagement voulu par lui ou demandé par d’autres, la Transition peut s’en trouver handicapée, c’est encore à lui de décider. Quand j’ai entendu sa déclaration, on a compris qu’il était guidé par le souci de l’opportunité. Après avoir mené les concertations, il a pris une décision qui s’impose. Il a aussi bien montré qu’il ne pouvait pas être l’objet d’un chantage. En même temps, il a exercé ses fonctions dans la plénitude de ses attributions. S’il avait pensé que c’était une autre décision qu’il fallait prendre, il l’aurait prise et nous l’aurions soutenu.
Quelle appréciation faites-vous particulièrement du relèvement d’Auguste Barry de ses fonctions de ministre ?
Je ne connaissais pas personnellement le colonel Barry, ni le Premier ministre Zida, ni d’ailleurs les autres membres militaires du gouvernement avant le dénouement de l’insurrection. J’ai fait leur connaissance lorsque, avec Zida, ils ont remporté le bras-de-fer qui avait cours dans l’armée, lorsque celle-ci a opéré un coup d’Etat pour récupérer l’insurrection.
Je pense que le Ministre Barry a donné le meilleur de lui-même pour apporter ce qu’il pouvait à la tête du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité, et je l’en félicite. Je souhaite et j’espère qu’il aura l’occasion de continuer de servir son pays dans de nouvelles responsabilités.
La Cour de justice de la CEDEAO a finalement retoqué notre code électoral sur saisine de l’ex-majorité. Faut-il, à votre avis, laisser tout le monde concourir à ces élections ?
La Cour de justice de la CEDEAO semble dire qu’il y a un problème d’interprétation. A ce niveau-là, la notion de dirigeant à laquelle s’appliquent les éléments de la Charte n’est pas très claire. Je pense qu’il appartient au Conseil constitutionnel de faciliter cette interprétation.
Cela dit, notre parti souhaite que tous les autres partis aient la possibilité de présenter des candidats à tous les postes électifs.
Presque tous les sondages, même s’ils sont sujets à caution, vous place au 2nd tour contre Roch Marc Christian Kaboré. Seriez-vous prêt à une alliance avec l’ex-majorité si ça devait arriver ?
Nous ne sommes pas dans des démarches d’alliance, nous sommes dans des démarches de rassemblement. L’élection à deux tours, si elle a lieu, implique qu’au premier tour on choisit et au second on élimine. Ça a toujours été ainsi en démocratie. Si l’UPC est au second tour, elle sollicitera le suffrage de tous les Burkinabè de quelque bord politique qu’ils soient pour son candidat. Cela dit, il me revient que les partis dits de gauche sont en train de créer un front. Comme le CDP est social-démocrate, donc de gauche, j’imagine que c’est plutôt ce front qu’il va soutenir et non le libéral que je suis !
Quels commentaires faites-vous des récentes mises en accusation de Blaise Compaoré et compagnie ?
Le CNT est dans son rôle de Parlement, puisque dès lors qu’on a créé la Haute Cour de justice il faut passer par une mise en accusation. Vu de ce principe, c’est normal, le CNT fait son travail. Maintenant, pour nous, il est clair que tous les hommes et les femmes qui ont eu à exercer des fonctions gouvernementales, quel que soit le moment, et qui se sont rendus coupables de prévarications de quelque nature que ce soit, doivent être mis en accusation si les dossiers sont bouclés.
Le régime a existé pendant 27 ans. Si on doit juger des gens du point de vue de leurs actes, y compris nous qui avons été aux affaires, on doit le faire. Sur ce plan-là donc, il n’y a pas d’exception à faire.
Interview réalisée par
Arnaud Ouédraogo