En effet, dans une déclaration parue dans la presse en décembre 2014, le président du parti Le Faso Autrement s'était félicité des surprenantes mesures de suspension prises par les autorités de la Transition à l'encontre du CDP, de l'ADF/RDA et de la FEDAP/ BC(1) avant d'inviter le gouvernement à étendre la sanction à tous ceux qui ont eu à collaborer avec l'ancien locataire du palais de Kosyam en frappant «d'interdiction de candidature aux élections tous les barrons politiques qui ont travaillé d'arrache-pied à tisser la natte du pouvoir de Blaise Compaoré et de ses partisans, qu'ils soient membres du CDP, de l'ADF/RDA, de la FEDAP/BC, des partis de l'ex-majorité ou du Front républicain en y incluant, bien sûr et sans complaisance, les opposants de la 25e heure... car ce sont les caïmans d'une même mare». Pan ! Un véritable pavé dans une mare politique déjà agitée par les luttes de positionnement auxquelles se livrent les états-majors dans leur course au pouvoir.
On n'a pas besoin d'avoir une boule de cristal pour savoir à quel saurien Ablassé venait de décocher ses flèches empoisonnées. On imagine aisément à quel point du côté du Mouvement du peuple pour progrès (MPP) on a dû se sentir morveux et on s'est mouché bruyamment, notamment à travers les réseaux sociaux. Car souvenez-vous en, le MPP n'est autre qu'une création par scissiparité du CDP. Donc pour certains, le parti dissident partagerait les gènes et les péchés de Blaise, que les RSS ont servi avec loyauté jusqu'à une époque pas si lointaine que ça. D'où cette appellation d'«opposants de la 25e heure » dont on affuble Roch et Cie et qui s'apparente à une marque d'infamie.
En tenant de tels propos, Ablassé Ouédraogo a-t-il oublié que cette casquette d'«opposant de la 25e heure» lui va aussi à merveille, lui qui a été ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré et architecte de la diplomatie du développement ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité.
Alors qu'on croyait que cet indécent procès en collabo était derrière nous, voilà le MPP qui y va, lui aussi, de son inquisition contre les hérétiques de l'article 25 de la «Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l'Union africaine».
En effet, à la cérémonie de clôture de la Convention nationale des jeunes de ce parti, tenue les 24 et 25 janvier 2015, Abdoulaye Mossé s'est permis un appel dont le ridicule le dispute à la bassesse.
Il a, tenez-vous bien, déclaré : «Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernance ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l'ordre démocratique ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de l'Etat ». Quelle mouche a donc pu bien le piquer ? A-t-il lu, ne serait-ce qu'en diagonale, la Charte de la Transition ?
Décidément, tout le monde veut exclure tout le monde des prochaines échéances électorales. Passe encore que ce soit Ablassé, jamais en retard d'une provocation, qui tienne pareil discours. Mais que les néo-repentis, qui étaient de l'autre côté de la table il y a un an, reprennent ce refrain à leur compte, il y a de quoi avoir la nausée.
Le président des jeunes du MPP croit-il que les demandes de pardon par-ci, les mea-culpa par-là, telle une baguette magique, ont effacé son passé et celui de ces chefs, qu'il tente de dissimuler comme une maladie honteuse ? Il ne faut pas penser que les Burkinabè sont frappés d'amnésie !
Si on veut être cruel, on peut rappeler le zèle avec lequel certains d'entre eux ont défendu hier ce dont ils ne veulent pas entendre parler aujourd'hui. Des arguties qui rivalisent avec les «nestorinades» et les «saliades» dans le hit-parade du bêtiser politique.
Qui avait dit que la limitation du nombre de mandats présidentiels était antidémocratique ? Roch Marc Christian Kaboré en personne, au moment où il était confortablement assis dans son fauteuil de président de l'Assemblée nationale et de président du CDP.
Qui avait dit que Blaise Compaoré était irremplaçable et que les opposants pouvaient aller voter des caïlcédrats ? Simon Compaoré, dit Tebguéré, lui-même. On pourrait multiplier les exemples.
Aujourd'hui, ce sont les mêmes qui veulent frapper d'ostracisme les autres, même si on leur sait gré d'avoir rompu le cordon ombilical (à moins qu'ils aient fini par prendre la porte qu'on leur indiquait depuis) pour donner un coup de pouce décisif à la chute du président.
Alors, messieurs du MPP, il est temps de recadrer le discours politique car, à ce petit jeu de chasse aux sorcières, il n'y aura personne de suffisamment propre pour diriger ce pays. Si on devait tondre tous les collaborateurs de l'ex-président pour indignité nationale, comme ce fut le cas en France au lendemain de la seconde guerre mondiale avec les femmes soupçonnées de «collaboration horizontale», il n'y aurait plus de crâne garni dans le landernau politique. Et comme le dit Toégui, on est toujours l'opposant de la 25e heure de quelqu'un. De Roch à Zéphirin en passant par Ablassé, Saran Sérémé et Djibril, tous étaient des alliés de Blaise. Même une partie des sankaristes qui ne voulaient pas voir l'enfant terrible de Ziniaré, même en peinture, ont eu à dîner avec le «Diable».
Faut-il croire que le CDP suscite encore la peur au point de faire perdre le nord à ses adversaires ? Si par extraordinaire l'ex-parti au pouvoir, seul ou par alliance, revenait aux affaires, cela voudrait tout simplement dire que la Transition a échoué de par les errements que nous constatons.
(1) Les mesures contre le CDP, ex-parti au pouvoir, et son allié l'ADF/RDA ont été levées par le président de la Transition, Michel Kafando, à l'occasion de ses vœux de nouvel an à la nation.
Adama Ouédraogo Damiss