Opposition burkinabè: la division annoncée par certains est-elle déjà en marche?

| 29.12.2014
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Opposition burkinabè: la division annoncée par certains est-elle déjà en marche?
© DR / Autre Presse
Opposition burkinabè: la division annoncée par certains est-elle déjà en marche?
Des analystes politiques avaient prédit des déchirements au sein de l'opposition politique burkinabè, celle renforcée par l'arrivée de l'Union pour la république et le changement (UPC) et le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), après la chute du régime Compaoré. Cette lecture s'était fondée sur l'argument consistant à considérer l'union de fait observée entre les différents partis autour de la lutte contre les projets d'installation du sénat et de modification de l'article 37 de la Constitution burkinabè comme un rapprochement naturel de circonstance et éphémère. La sortie du président de Le Faso Autrement sur le site internet de Fasozine risque fort de donner raison à cette prédiction.

 

Réagissant à la suspension du CDP, de l'ADF/RDA et de la FEDAP/BC, Ablassé Ouédraogo a en effet estimé qu'elle était louable et salutaire, tout en relevant des insuffisances qui entoureraient les arrêtés pris à cet effet. Aussi, a-t-il souhaité que ces mesures soient impérativement complétées et parachevées aussi bien du point de vue politique que du point de vue juridique. Et le docteur Ablassé Ouédraogo de proposer «de frapper d'interdiction de candidature aux élections de la fin de la Transition, tous les barons et ténors politiques qui ont travaillé d'arrache-pied à tisser la natte du pouvoir de monsieur Blaise Compaoré et de ses ouailles, qu'ils soient membres du CDP, de l'ADF/RDA et de la FEDAP/BC aujourd'hui suspendus, des partis de l'ex-majorité, du Front républicain en y incluant bien sûr et sans complaisance les opposants de la 25e heure malgré les hauts faits de guerre dont ils se réclament dans la fin du pouvoir de monsieur Blaise Compaoré.»

Dans la perspective des élections de 2015, il est évident que les partis politiques de l'opposition qui ont fait bloc contre les errements du pouvoir de la 4e république ont le droit, et cela est même souhaitable pour la bonne marche de la démocratie, de songer maintenant à la défense de leurs intérêts partisans, pour peu que ceux-ci soient en phase avec l'intérêt public. Il est donc tout à fait compréhensible qu'à l'image des leaders d'autres partis politiques, celui du Faso Autrement adopte une stratégie qui lui permette de battre campagne subtilement pour gagner en temps, vu que la période de la Transition elle-même est limitée.

Ce qui peut cependant inquiéter dans les propos de ce dernier, c'est ce qu'il semble vouloir désigner par l'expression «opposants de la 25e heure». Point besoin d'être un devin hors-pair pour savoir à qui il fait allusion, quand il précise surtout qu'«ils ont défendu bec et ongles que ne pas modifier l'article 37 était anti-démocratique».

Sans vouloir reprocher à l'ancien ministre des Affaires étrangères du Pays des Hommes intègres d'avoir exprimé son opinion, ni polémiquer sur l'exactitude ou le bien-fondé de sa proposition, il convient tout de même de s'interroger sur son opportunité. Dans un contexte de transition où les maîtres mots sont en lien avec, certes, la justice, la vérité, la repentance, mais aussi le pardon, la tolérance et surtout l'inclusion, cette prise de position est peut-être à relativiser au regard de sa sensibilité. Car, ceux qui sont pointés du doigt accusateur ont tout de même déjà fait leur mea culpa avant l'aveugle radicalisation de la bande à Assimi Kouanda qui a causé les dégâts que nous déplorons tous. Ils ont également et effectivement été des acteurs de la récente insurrection populaire, même si cela ne suffit pas à leur en attribuer la seule paternité. Et si d'aventure on remontait juste un peu plus dans le temps, si l'affirmation«chasser le naturel, il revient au galop» peut s'appliquer aux RSS, elle siérait presqu'autant aux autres anciens ministres du régime Compaoré dont Ablassé Ouédraogo fut l'un des plus «lourds».

Les alliés momentanés mais historiques d'hier doivent savoir raison garder et éviter, au nom de la quête d'un bon positionnement en vue des élections à venir, de jeter de l'huile sur le feu qui pourrait les brûler tous. En effet, à force de vouloir lézarder le mur ayant servi de front contre les pros référendum juste pour débarquer de potentiels adversaires sérieux, l'on risque d'y faire de sérieuses fissures dans lesquelles s'engouffreront des «opposants de la 26e heure» qui ne feront pas de cadeaux même à ceux de la 1re heure.

Les Echos du Faso

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