La surprise a été d'autant plus de taille que rien ne présageait le renouvellement quasi insurrectionnel du secrétariat exécutif national de l'ex-giga-parti au pouvoir. Du moins, on savait que certains anciens dignitaires n'étaient plus disposés à prendre le risque de continuer à se maintenir à la tête de la formation politique. Mais personne, sauf ceux qui étaient dans le secret, ne s'attendait au choix d'Eddie Komboïgo comme président. A voir comment le parti a formellement opéré sa mue, on peut croire qu'il s'agit véritablement d'aller vers un nouveau départ.
D'abord dans la configuration du parti, où il n'est plus question d'un secrétariat exécutif assujetti à un tout-puissant président et candidat naturel, mais d'un bureau politique dirigé par un président dont l'autonomie reste maintenant à prouver sur le terrain. Pour ne pas couper brusquement le cordon ombilical avec le Blaiso national, le congrès a eu la subtilité de le maintenir au poste de président d'honneur. On ne sait jamais. Reste à savoir ce que cache ce statut. L'Enfant terrible de Ziniaré étant en exil et pratiquement en sursis en Eburnie, il n'est pas prudent de lui confier la destinée d'un parti qui n'a pas fini de solder ses comptes avec le pouvoir de la Transition.
Par ces temps d'interpellations et de gardes-à-vue qui courent au Faso, il vaut mieux ne pas prêter le flanc. Et surtout d'éviter le scénario du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, qui, malgré la présence de son leader dans les geôles de la Cour pénale internationale à la Haye, l'a néanmoins investi comme candidat à la prochaine élection présidentielle, afin de créer une résistance symbolique au rouleau compresseur du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et le paix (RHDP) conduit par le président sortant, Alassane Dramane Ouattara.
Sans présager de la stratégie que va concocter le nouveau bureau du CDP pour les élections législatives et présidentielle couplées du 11 octobre, on peut croire qu'Eddie Komboïgo et ses camarades ne commettront pas l'outrecuidance de présenter à ces scrutins des candidatures qui risquent d'être purement et simplement invalidées. Après l'impasse désormais sans appel de la méprise de vice de forme qui a conduit à l'annulation de ses récriminations contre le nouveau Code électoral, l'ex-parti présidentiel est bien payé pour savoir que les mêmes erreurs entraîneront les mêmes sanctions.
Le principal défi du tout nouveau bureau politique national est non seulement de restructurer le parti jusqu'à la base, mais de rassurer les militants sur sa capacité de rebondir dans le jeu politique actuel. Là également, Eddie Komboïgo semble bien placé pour comprendre l'enjeu du contexte politique actuel de reconfiguration de la faune politique où il va falloir jouer vite et bien au lieu de ressasser le passé. Conscient qu'il est que c'est bien parce que, sous la houlette du Blaiso national, le CDP n'a «pas su faire le pas de plus qui ouvre les perspectives d'une démocratie interne, dynamique et républicaine», on espère qu'il saura tirer toutes les leçons de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
C'est tout le mal qu'on peut souhaiter à cet expert-comptable qui a fait le pari d'un engagement politique qui lui a coûté l'incendie et le vandalisme d'une bonne partie de son domicile privé. Et s'il a eu le courage de rester au créneau, c'est probablement pour prendre une revanche qu'on espère positive pour lui-même et pour sa famille politique. Quand on sait qu'il n'a fait qu'un mandat législatif qui s'est d'ailleurs achevé en queue de poisson, on imagine qu'il doit être assez bien coté par les piliers du parti pour mériter d'être propulsé à un niveau aussi élevé de responsabilité.
Eddie Komboïgo, ce n'est pas n'importe quel militant, encore moins n'importe quel député. Son fief natal et électif, la province du Passoré, renseigne suffisamment sur le soutien de taille dont il a pu bénéficier de la part du général Gilbert Diendéré et de sa très politique épouse Fatou Diendéré, aujourd'hui membre du nouveau bureau politique du CDP. On peut même s'amuser à dire que le cœur du parti présidentiel, qui battait jusque-là à Ziniaré, va devoir se déplacer, si ce n'est déjà fait, vers Yako. Et que les jeux sont désormais ouverts. A défaut de pouvoir compter sur le général Djibril Bassolet -frappé par la quarantaine du nouveau Code électoral-, le CDP peut toujours sortir un autre général de son chapeau.
L'ancien chef d'état-major particulier du Blaiso semble avoir désormais la possibilité d'hériter du chapeau du chef. A condition, bien sûr, qu'il n'ait rien à se reprocher en matière de «soutien au projet de tripatouillage de la Constitution», comme le stipule l'article controversé de la nouvelle loi électorale. En attendant le choix du futur présidentiable de l'ex-parti majoritaire, le dernier congrès ouvre les pronostics. A chacun de jouer.
A. Wédraogo