Négociations pouvoir/opposition : Pourquoi Blaise refuse un dialogue direct avec l’opposition ?

| 14.04.2014
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Négociations pouvoir/opposition : Pourquoi Blaise refuse un dialogue direct avec l’opposition ?
© DR / Autre Presse
Négociations pouvoir/opposition : Pourquoi Blaise refuse un dialogue direct avec l’opposition ?
e mépris du président Blaise Compaoré pour son opposition ne date pas d'aujourd'hui. Depuis la transition démocratique amorcée en 1990, toutes les oppositions ont été malmenées, brisées ou réduites en silence. C'est pourquoi, le président du Faso ne conçoit pas qu'une opposition lui réclame un mandat, d'autant que cette opposition n'existe que de part sa volonté. Seulement, il s'est trompé d'époque.

Le pouvoir tel que Blaise Compaoré l'a construit depuis 1987 le met au-dessus des institutions mises en place pour le servir. Son mépris pour l'opposition politique est légendaire. Il ne tolère par une force d'opposition qu'elle soit politique ou de la société civile. La contradiction n'a pas sa place. Tous les contrepoids sont alors cassés. Il garde les méthodes de la période d'exception, surveiller l'allié comme un ennemi, manipuler, ruser et détruire l'adversaire. Quelques faits illustrent à suffisance ce caractère dictatorial. La période de transition a connu la disparition tragique des opposants à son régime. L'assassinat de Oumarou Clément Ouédraogo, secrétaire général du PTB après une réunion de la CFD, l'attentat contre Moctar Tall, secrétaire aux relations extérieures du GDR, l'assassinat de Guillaume Séssouma, de Boukary Dabo sont de ceux-là. L'opposition politique qui réclamait aussi l'organisation d'une conférence nationale souveraine fut également sévèrement réprimée. Les marches organisées par la Coordination des forces démocratiques (CFD) qui regroupe 9 partis d'opposition dont le RDA de Gérard Kango Ouédraogo, l'ADF de Herman Yaméogo, le GDR, le PTB de Clément Ouédraogo et la CNPP/PSD sont réprimées par les forces de l'ordre. Les sièges de l'Alliance pour la démocratie et la fédération (ADF) de Herman Yaméogo et de la CNPP de Pierre Tapsoba sont incendiés en 1991. Blaise Compaoré va recevoir tour à tour les organisations de la société civile, les syndicats, les ONG, mais refuse toute négociation directe avec son opposition. Par la suite, il réussit à décapiter la plupart de ces partis d'opposition. Certains partis politiques très influents de l'époque comme la CNPP/PSD vont se retrouver dans la large coalition pour construire le méga parti CDP. Herman Yaméogo par la suite va intégrer le gouvernement de Blaise Compaoré. Par la suite, il a proposé « la démocratie consensuelle ». Depuis, entre brouille et repentir, les deux hommes ne se sont plus quitter. Norbert Zongo écrit que devant l'Eternel, feu Félix Houphouët Boigny et feu Maurice Yaméogo, quelque part dans la ville d'Abidjan ou peut-être à Yamoussokro en Côte d'Ivoire, au début des années 1990, un pacte se conclut entre deux hommes : Blaise Compaoré et Hermann Yaméogo. Les Burkinabè ne connaissent pas exactement les termes de ce pacte. On imagine que c'est pour la gestion du pouvoir au Burkina Faso. Toujours est-il qu'Hermann Yaméogo, comme on l'a remarqué lors du premier septennat de Blaise Compaoré, a été mis aux petits soins par le pouvoir après des échauffourées qui ont marqué la transition démocratique suivie automatiquement d'une mise au pas. Ses collègues de la Coordination des forces démocratiques (CFD) ne le connaissaient pas assez. Ils seront davantage édifiés lors du Forum de réconciliation nationale, ouvert le 12 février 1992 et suspendu quelques jours plus tard par le président Blaise Compaoré. Les prises de position de Hermann Yaméogo et de son parti, l'ADF, dans la retransmission ou non des débats à la radio ont édifié plus d'un. Au point qu'un membre de l'opposition qui a fini par flirter avec le pouvoir nous révélait un jour que Hermann faisait de l'opposition le jour et la nuit venue, il était dans les salons du Conseil de l'Entente où résidait Blaise Compaoré à l'époque. Les partis sankaristes à l'exception de l'UNIR/PS vont rejoindre aussi le banquet du prince en 2002 pour être éjecté plus tard du gouvernement. Leur passage au gouvernement et les querelles des égos ont fait perdre leur capital de crédit. La corruption, la compromission, l'infiltration des partis sont entre autres des stratégies utilisées pour casser les partis d'opposition et éviter la création d'une coalition forte anti- gouvernementale. Salif Diallo le reconnaît lui-même :« J'avoue aussi que ce n'est pas facile d'être dans l'opposition. Nous, nous avons un avantage, il faut être honnête et le reconnaître, c'est que nous avons l'appareil d'Etat et dans les pays africains, quand on a l'appareil d'Etat, on a une longueur d'avance sur l'opposition », dit-il. L'une des scènes étalées sur la place publique a été l'affaire des 30 millions du chef de l'Etat remis à l'OBU (opposition burkinabè unie) d'Emile Paré et de Laurent Bado, jusque là respecté dans le monde universitaire et auprès de la jeunesse. Ce qui a davantage discrédité l'opposition auprès de l'opinion. «Au cours de la rencontre, il [le président du Faso] a dit que la situation nationale n'était pas du tout bonne, et que demain, ce serait pire. De son avis, ce n'est pas la faute au régime en place que les choses soient ainsi, ou du moins cela ne relève pas de laseule responsabilité de ceux qui nous gouvernent, mais aussi de celle de l'opposition. Il nous avoue qu'ils ont tout fait pour susciter une vraie opposition, forte, objective, qui va inciter le CDP à être plus performant; et qu'il a soutenu financièrement des gens [leaders d'opposition] dans ce sens. Et c'est cet argent que des personnes ont détourné à des fins personnelles et ce sont les mêmes qui insultent le régime et le traitent de corrompu », s'était défendu Laurent Bado. Les intellectuels et le personnel politiques n'ont jamais eu respect et considération de la part du pouvoir. Tout au moins des accompagnants dans les consultations électorales pour donner un vernissage de démocratie pluraliste. C'est pourquoi, il ne conçoit pas que des médiateurs demandent de négocier directement avec lui. Depuis l'institution du chef de file de l'opposition, Blaise Compaoré n'a jamais accordé du respect à cette institution. Me Bénewendé Sankara a passé son mandat sans être invité par le chef de l'Etat pour discuter des questions liées à la vie de la nation. Zéphirin Diabré a été reçu en audience à sa demande pour lui transmettre leur mémorandum. Ce document n'a jamais eu de suite. Tout simplement, l'opposition politique ne représentait pas un contrepoids. On a pu le comprendre suite à la démission des caciques du pouvoir. Leur démission a immédiatement fait sortir des sages, des médiateurs nationaux comme internationaux, alors que l'opposition était dans la rue depuis des mois pour dénoncer les velléités de modification de l'article 37 et la mise en place du sénat. Et on l'aura compris, leur démission pour grossir les rangs de l'opposition politique était une menace sérieuse. Pour la première fois, la défaite est dans l'ordre du possible.

Franck Régis Tapsoba

Mutations N°49 du 15 mars 2014

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