Comment se porte votre parti, le CDP aujourd'hui ?
Léonce KONE : je crois que le CDP se porte plutôt bien. Quand on sait la crise qu'on a traversée, quand on sait que le choc que le parti a subi à cause des évènements des 30 et 31 octobre 2014, et qui aujourd'hui a pu se relever, réunir ses structures dans toutes les provinces du pays et les mettre encore en mouvement pour mobiliser nos militants dans toutes les villes et villages de notre pays, je crois que c'est un signe de bonne santé.
Comment votre parti s'organise pour revenir sur la scène politique ?
Vous vous doutez bien qu'après les évènements qui ont survenu dans notre pays, après la suspension du parti et la levée de cette suspension, pour reprendre les activités du parti, il faut que nous puissions procéder d'abord à un renouvellement, à une rénovation de nos structures. De manière à ce que nous puissions les mobiliser le plus efficacement possible. C'est dans cet esprit là que, le Secrétariat exécutif national (SEN) du parti qui est l'organe dirigeant a décidé de mettre en place un directoire du parti de manière à ce que nous puissions travailler à remobiliser les troupes afin de pouvoir affronter les échéances qui arrivent.
Expliquez nous ce qu'est le directoire ?
Le directoire est un organe qui est composé d'une cinquantaine de membres, qui a reçu délégation du SEN pour procéder à la relance des activités du parti et de préparer les instances statutaires, c'est-à-dire, le Bureau politique national (BEN) et le congrès qui va se tenir le mois prochain.
Le renouvellement de l'instance dirigeante du parti est d'actualité dans un contexte où des jeunes du parti haussent le ton et demandent la démission du SEN Assimi KOUANDA.
Comment les tractations se mènent aujourd'hui au sein du parti ?
Je crois que c'est une très mauvaise querelle qui me paraît tout à fait inappropriée dans le contexte actuel. Ce dont le parti a besoin c'est la cohésion. Par cohésion, j'entends que toutes les forces du parti doivent se mettre ensemble pour l'aider à traverser au mieux la période qui nous sépare de la fin de la transition, et puis surtout à affronter les échéances électorales qui s'annoncent et qui sont importantes. Il y a les élections couplées présidentielles et législatives et plus tard des municipales. Dans un contexte comme celui là, nous n'avons pas besoin de division. Je peux comprendre, avec la crise qui est survenue, pour un parti comme le CDP, que cela peut susciter l'activisme de plein de forces centrifuges qui veulent surfer sur la vague de la contestation. Cela peut se comprendre. Mais, il faut pouvoir, si l'on est responsable, parce que je considère que même lorsqu'on est jeune l'on peut être responsable, il faut pouvoir surmonter cela. Il faut surtout pouvoir régler ces problèmes là à l'intérieur du parti, dans le cadre des structures du parti. Ces jeunes là avaient toute la latitude de le faire, ils ne l'on pas fait, ils ont choisi une autre voie, j'en prends acte, mais au bout du compte, je considère que par rapport à la taille de notre parti, par rapport au nombre de ses militants, par rapport au nombre de jeunes qui militent dans le CDP, ce n'est ni plus ni moins qu'une tempête dans une calebasse.
On a l'impression que vous minimisez ces bruits qui viennent de l'intérieur du parti, surtout du côté de la jeunesse. Ne pensez-vous pas qu'il est fondamental de résoudre cette question avant de continuer la bataille politique ?
Nous allons la résoudre. Il n'y pas qu'eux dans le CDP. Il y a d'autres jeunes même qui sont en train de s'organiser pour leur apporter la réplique. J'attends que cela se fasse et vous verrez bien que ces jeunes dont vous parlez ne sont pas représentatifs de la jeunesse du CDP. Nous sommes dans une bataille de légitimité. Dans notre parti, c'est le congrès qui décide de la formation des organes. Le dernier congrès, a élu le SEN qui existe aujourd'hui, ce SEN a décidé de mettre en place compte tenu de la crise, un directoire et tout cela est tout à fait légitime en attendant que nous puissions avoir un nouveau congrès qui va procéder au renouvellement des structures du parti. Entre les réunions de ces instances là, les militants ne sont pas supposés s'agiter, et créer à droite et à gauche d'autres structures parallèles, cela n'est pas prévu dans nos textes et dans nos règles.
Ces jeunes disent aujourd'hui que le SEN n'a pas eu le flair nécessaire pour éviter les évènements des 30 et 31 octobre 2014. Assumez-vous à votre niveau, les responsabilités de ce qui est arrivé ?
Oui tout à fait. Nous assumons d'abord pour la bonne et simple raison que pour un parti comme le nôtre, le fait d'avoir été mis face à cette crise, que notre position ait été contestée, par des manifestations populaires, au point que le régime ait sombré et que le Président Blaise COMPAORE ait démissionné et que l'Assemblée nationale ait été dissoute, c'est un échec manifeste pour nous. Nous en tirons les conséquences, et je pense que la vie du parti et sa démarche en seront profondément transformées. Nous regardons vers l'avenir et ce qui est passé est passé, nous n'allons pas passer le temps à nous morfondre de notre splendeur passé ou de notre pouvoir passé. Nous attendons que les élections viennent et nous sommes engagés à tout mettre en œuvre pour que le CDP, reconquiert une place importante sur l'échiquier politique national.
Qu'allez-vous faire pour transformer profondément la vie du parti ?
Je ne le ferai pas seul, ni les membres du directoire seuls. Nous allons avoir une réunion du BEN dans les jours qui viennent (31janvier 2015) c'est une date qui reste à être confirmée, et à cette occasion là, le BEN qui est l'instance du parti qui définit l'orientation, ensemble, collectivement, nous allons faire le bilan de ce qui s'est passé, et ensuite, nous allons tracer les perspectives pour l'avenir. Que ce soit de l'organisation même du parti, de sa stratégie pour les élections à venir, c'est à cela que nous allons travailler.
D'aucuns disent que la responsabilité de votre parti a été grande et que jusqu'aujourd'hui vous avez du mal à faire votre mea-culpa et aujourd'hui vous ratez votre sortie. Que répondez-vous à ces derniers ?
Un, je ne vois pas en quoi nous avons raté notre sortie. Parce que je ne vois pas en quoi elle aurait été réussie parce que nous faisons des séances de mea culpa comme vous le dites ce n'est pas le cas. Je pense que notre sortie n'est pas ratée dès l'instant où nous avons pu après notre suspension réunir à nouveau nos structures, vérifier qu'elles sont présentes, vérifier, qu'elles sont en ordre de bataille, notre sortie n'est donc pas un échec. Maintenant, sur la question du mea-culpa, je voudrais qu'on s'entende clairement. Le fait que le régime ait été mis à mal, par ces manifestations là, ne veut pas dire forcément, que les positions que défendaient le CDP étaient contraires à notre Constitution, ou bien étaient contraires, à nos lois. C'est une position politique. Elle peut être erronée, et elle est erronée parce que cela a entraîné la chute du régime. Il n'y a pas plus que cela. Et je ne vois pas pourquoi, on s'attèle à demander au CDP, de présenter un mea-culpa. Le CDP, ce n'est pas uniquement Blaise COMPAORE, ce n'est pas uniquement l'article 37. Le CDP a dirigé les institutions politiques de ce pays pendant 27 ans, il a eu une activité importante, pour le développement du pays, sur le plan économique, sur le plan social, et même sur le plan politique. Tout cela ne peut pas être balayé d'un revers de la main, juste parce qu'il ya eu ces manifestations d'octobre 2014.
Pour vous les responsabilités sont partagées que ce soit au niveau de l'ex opposition, ou de la société civile ?
Je ne cherche pas à établir des responsabilités. La situation politique aujourd'hui est ce qu'elle est. Il y a eu une crise du régime, et il y a maintenant une Transition. Ensemble, nous allons nous orienter vers un retour à une vie démocratique normale. Et c'est cela que nous regardons.
Votre parti a été suspendu avec l'ADF/RDA pour activités non conformes aux textes. Reconnaissez-vous avoir organisé des activités qui portent atteinte aux lois ?
Nous n'avons organisé aucune activité contraire à la loi. Je crois que c'est ce qui justifie d'ailleurs que la levée de la suspension de nos partis soit une réalité aujourd'hui.
C'était donc une mesure arbitraire ?
Je ne veux pas qualifier cette mesure, nous nous regardons vers l'avenir, ça été levée, nous avons été rétablis dans nos droits en tant que parti, c'est cela qui est important. La suspension a duré 2 semaines, ce n'est pas si grave que cela, pour la vie du parti, nous avons tourné cette page là, et je ne pense pas que dans les mois qui vont venir il y aura motif à ce que ni le CDP ni l'ADF/RDA soient suspendus, parce que nous sommes des partis républicains, nous sommes des partis qui sont conformes à la loi et nous n'avons fait que cela jusqu'à présent, jusqu'à maintenant.
Continuez vous à vous rencontrer le CDP et l'ADF/RDA ?
On est en contact, et les partis qui formaient globalement la majorité présidentielle, comme ceux qui formaient le Front républicain, demeurent dans un état d'esprit d'alliance, et nous demeurons en contact, et je crois que dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, vous allez voir que nous sommes ensemble pour définir ensemble des stratégies pour affronter les élections.
Avez-vous les nouvelles du Président Blaise COMPAORE ?
Oui, j'ai de ses nouvelles et je crois qu'il va très bien.
L'avez-vous déjà rencontré depuis la chute du régime ?
Je ne vous le dirai pas mais je puis vous assurer qu'il va très bien.
Le CDP bénéficie-t-il de ses conseils ?
Nous n'avons pas à ce stade-là besoin de ses conseils. Ce que nous souhaitons pour lui, c'est d'abord d'être en bonne santé, je pense que cela a pu être pour lui un choc moral que les choses aient tourné de cette manière là, nous souhaitons qu'il recouvre un bon moral, et que sa famille et lui vivent actuellement à l'étranger dans de bonnes conditions. Il n'est pas facile d'être loin de son pays, dans les conditions dans lesquelles il a été obligé de le faire.
Des voix s'élèvent pour demander le gel des avoirs de Blaise COMPAORE et des dignitaires de l'ancien régime, comment appréciez-vous ces demandes ?
A priori, je suis en faveur de l'application de la loi pour tous les Burkinabè. Qu'il s'agit des dignitaires du CDP ou des autres Burkinabè. Ce que je dis face à cela, c'est que si un Burkinabè, qu'il soit du CDP ou d'un autre parti a commis des fautes ou des délits, réprimés par la loi, on doit lui appliquer la loi. Si ce n'est pas le cas, il doit bénéficier de toutes les libertés, et de toutes les garanties offertes à tous les Burkinabè.
Doit-on s'attendre à un retour des anciens dignitaires du régime ? Notamment Soungalo Apollinaire OUATTARA, François COMPAORE, Assimi KOUANDA... ?
Je le pense pour la bonne raison que les autorités de la Transition nous ont assurés que toutes les personnalités de notre parti ont la liberté d'aller et de venir et de séjourner au Burkina. Je prends cela pour comptant, et j'en déduis que, toutes les personnalités que vous avez citées, peuvent s'elles le désirent revenir au pays.
Sont-elles déjà revenues au pays après la crise ?
Je ne s'aurais vous le dire. Je sais au moins qu'Assimi KOUANDA est là parce que je le vois, je sais qu'il est ici. J'ai entendu dire que Soungalo Apollinaire OUATTARA est de retour. Je n'ai pas encore eu de contact avec lui.
Comment se fait-il qu'en tant que président du directoire, vous ne vous êtes pas encore vus ?
Cela s'explique par le fait de la crise que nous avons connue. Vous savez que cela a emmené de nombreux dirigeants et du parti et de l'Etat un moment à s'exiler, et je préfère laisser aux personnes qui ont ressenti le besoin de s'exiler quand-elles reviennent, le temps de retrouver leur famille, de régler les problèmes matériel qui ne manquent pas du fait des incendies qui ont été perpétrés sur leurs domiciles. Je n'ai pas de problème sur le fait que je n'ai pas de contact avec Soungalo Apollinaire OUATTARA, je pense qu'il le fera, il reprendra contact avec nous dès qu'il en aura la possibilité.
De nombreux responsables de votre parti ont subi de lourdes pertes pendant la crise, notamment des incendies de domiciles, qu'est-ce que vous comptez faire ? Y a-t-il des actions à entreprendre ?
Il n'y a pas d'actions spécifiques à entreprendre au niveau du parti, sauf de faire le constat des dommages que nous avons subis les uns et les autres, qui ne portent pas seulement sur les domiciles, mais qui portent sur les sièges des partis, et à faire le constat, puis à signaler ça à l'Etat, pour voir les mesures qu'il compte éventuellement prendre pour réparer ces dommages. Ma maison familiale à Banfora, vous l'avez dit a été incendiée, pillée, et lorsque j'ai envoyé un huissier faire le constat, il m'a fait dire qu'il avait reçu des autorités nationales, l'instruction de leur transmettre les constats qui ont été faits. Personnellement, je n'ai pas fait de démarche particulière dans ce sens. Dans les cas antérieurs où à l'occasion d'émeutes il y a eu des dégâts qui ont été constatés, je crois savoir que l'Etat a procédé à un dédommagement donc, libre à lui de voir ce qui est faisable dans le cas présent.
Le siège de votre parti est toujours en ruine, que comptez vous faire dans l'immédiat ?
Nous allons le réhabiliter. Il y a eu mort d'homme dans notre siège, il y a eu notre camarade Salif OUEDRAOGO, qui était le secrétaire chargé de la mobilisation des anciens, qui est décédé de suite d'asphyxie dans les locaux et nos traditions veulent que dans ce genre de cas, il y ait des rites qui soient faits avant que les locaux puissent être utilisés, nous allons faire cela et ensuite nous allons réhabiliter la partie que nous pourrons réhabiliter pour y tenir nos réunions normalement.
Quel a été l'apport de votre parti dans la rédaction de la charte de la Transition ?
Au tout début de la transition et avant même que les instances ne soient mises en place, nous avons rencontré les instances internationales, de la CEDEAO en particulier qui ont décidé de s'impliquer pour que la transition se mettent en place et qu'elle aboutisse à une vie constitutionnelle normale dans les meilleurs délais. Ils nous ont demandés à nous comme aux autres forces politiques, de nous impliquer de manière à ce que les choses se passent dans un cadre inclusif. Nous avons accepté de participer à ce processus, même si nous avons au départ observé, vous savez nous étions la majorité politique dans ce pays. A l'Assemblée nationale nous avions 70 députés sur 127, pour l'ensemble de la majorité, 99 députés sur 127. Nous avons vu que, assez paradoxalement, dans les organes de la transition notamment dans le CNT, les postes qui ont été offerts à l'ancienne majorité, se chiffraient à 10. Les partis qui représentaient la minorité, ont 30 places. C'est un déséquilibre flagrant. Mais malgré toutes ces conditions qui n'étaient pas favorables à une véritable inclusion, nous avons accepté de participer parce que nous ne croyons pas dans ce contexte là, à la politique de la chaise vide. Notre objectif principal est que, au bout du compte, nous puissions, quelle que soient les conditions dans lesquelles la transition se déroule, déboucher sur des élections. C'est cela qui est important. Ce qui décide de la légitimité du pouvoir dans notre pays, ce sont les élections. Ce sont les élections qui décident de qui doit occuper des sièges dans l'organe législatif, et qui doit diriger le gouvernement. S'il faut passer par les conditions qui sont prévues dans le cadre de la transition, nous suivrons ce chemin là.
Avez-vous toléré ce partage des postes dans la transition ? Est-ce que vous avez compris ? Est-ce que vous avez accepté de bon cœur ?
Pas de bon cœur ! Si vous êtes majoritaire après des élections que personne n'a contestées dans un régime et que le lendemain on attribue une portion congrue dans un organe à qui on a attribué le pouvoir législatif, naturellement vous ne l'accepterez pas de bon cœur. Mais ce n'est pas un problème je vous le dis, pour nous, le plus important c'est ce qui reste à venir les élections qui vont permettre de mettre en place des institutions légitimes, élues par le peuple.
Vous pensez que cette majorité n'a pas été contestée quand on voit la mobilisation des 28 octobre et 30 octobre,... qui ont amené le pouvoir de Blaise COMPAORE à démissionner ?
Ce qui fait la légitimité d'un pouvoir, pour moi, ce sont les élections. Et je vous dis encore une fois, ce que nous attendons, ce sont les élections. C'est là que se fonde la légitimité du pouvoir. Nous ne sommes pas dans le déni. Il y a eu des manifestations, qui ont été sûrement importantes, pour que le Président Blaise COMPAORE démissionne. Ça c'est un fait. Mais pour l'avenir, ce n'est pas de cette manière là que se fait le changement de régime dans un pays démocratique, dans une république. Nous voulons revenir à la république et à la démocratie.
Participez-vous au gouvernement de Transition ?
Non pas du tout.
Quelle évaluation faites-vous de la participation du CDP dans les organes de la transition ?
Ecoutez, je suis satisfait d'une chose, c'est que, nous ayons enfin un calendrier clair qui montre qu'il y aura des élections à des dates qui ont été arrêtées. Des dates qui s'inscrivent dans le calendrier de la fin de la transition, je crois que c'est ça le principal objectif que tout le monde recherche. La transition, forcément est une période d'exception et nous souhaitons que cette -à puisse prendre fin.
On annonce aujourd'hui la date du 11 octobre, est-ce que vous l'acceptez ?
Nous l'acceptons. Vous savez lorsque la date du 20 septembre avait été arrêtée, nous étions d'accord même si cette date posait des problèmes, ce n'est pas à nous, mais à tous les partis parce que dans la mesure où les élections vont se tenir à la fin de l'hivernage, que la campagne va se faire dans le courant de l'hivernage, et ce n'est pas le meilleur moment pour aller rencontrer les électeurs, et faire une campagne. Mais c'est cela le calendrier qui nous ait imposé par la durée de la transition, nous allons donc nous y accommoder. Que ce soit le 20 septembre, que ce soit le 11 octobre, nous sommes d'accord pour celle de ces dates que le régime transitoire va choisir.
Qu'est-ce que ça vous fait de voir des DG ou des ministres qui sont nommés et qui sont contestés pour avoir collaboré avec l'ancien régime, ...avez-vous des sentiments de frustrations ?
Non ! Par contre, nous trouvons que c'est dommage pour le pays, pour son image, que par deux fois, on nomme un ministre et que ces bureaux sont assaillis de contestations ; cela ne donne pas l'image de stabilité que je souhaite pour mon pays. Même sous la Transition.
Ainsi dans le fond il se trouve qu'il ya véritablement problème ?
J'ai cru comprendre que le gouvernement de la Transition devait faire des enquêtes de moralité fouillées avant de désigner les personnes qui seraient choisies pour entrer au gouvernement. Si cela n'a pas été fait, le CDP ne se sent pas comptable du choix du régime de la Transition pour le gouvernement. Ce n'est pas notre affaire.
Les députés du CNT ont touché une somme de plus 1 700 000FCFA, somme qui n'a pas manqué de faire la polémique, vous qui avez été député quelle appréciation faites- vous de cette polémique ?
Je peux vous assurer d'une chose, les montants dont vous faites cas ne correspondent pas au salaire du député de l'ancienne législature. Je ne sais pas comment des montants de cette importance soient ceux qui sont en discussion, les députés de l'ancienne législature touchaient nettement moins que cela. Pour tout vous dire, ça ne nous intéresse pas nous CDP.
Ça fait partie de la vie de la nation. Vous qui êtes dans un parti comme le CDP vous pouvez dire que ça ne vous intéresse pas ?
Oui, je le dis ça ne nous intéresse pas la fixation des rémunérations que le CNT attribue à ses membres ne m'intéresse pas. Le plus important pour moi c'est que le pays s'oriente résolument vers la mise en place d'institutions démocratiques.
Quelle appréciation faites-vous de la polémique de la baisse de 25FCFA des hydrocarbures faite par le gouvernement ZIDA ?
Je sais que c'est difficile le prix des hydrocarbures, parce que, autant que possible, je crois que le gouvernement a le souci de s'aligner un peu sur le prix du marché. Sachant que par ailleurs si on appliquait le prix du marché, aucun d'entre nous ici ne pourrait payer de l'essence. Donc, il faut que l'Etat accorde des subventions et je sais que la situation financière de l'Etat est difficile, je crois qu'il doit procéder à des arbitrages qui ne sont pas simples. Si donc le gouvernement a la possibilité de consentir une baisse plus importante ce serait bien pour tout le monde, mais, je laisse le gouvernement gérer ces contraintes là comme il le peut.
Les conseils municipaux et régionaux ont été dissous. On sait que votre parti était majoritaire dans ces instances ; comment avez accueilli cette décision de dissolution ?
De ce que m'ont dit les maires et les conseillers municipaux avec qui j'en ai parlé, d'abord les mesures de dissolutions ne sont pas conformes à la loi. Notre loi sur la décentralisation en vigueur ne permet pas à l'Etat de dissoudre par une décision de portée générale l'ensemble des conseils et collectivités territoriales. Il nous revient que cette raison fait que certains de ces maires, et de certains conseillers envisagent, de déposer un recours devant la justice pour obtenir l'annulation de cette mesure. Sur ce plan là, je considère pour ma part que nous voulons être en Etat de droit. Cela a été réaffirmé par les autorités de la Transition que nous sommes dans un Etat de droit, et il faut appliquer le droit. S'ils font le recours et qu'il s'avère que la décision qui a été prise est contraire à la loi, la loi doit être redressée. Si une décision n'est pas conforme à la loi, il faut appliquer la loi.
Le CDP est-il prêt à accompagner ceux-là qui comptent porter plainte ?
La plupart de ceux qui veulent ester en justice sont des militants de notre parti. Je n'ai pas encore eu des contacts avec eux pour savoir à quel stade ils sont dans cette démarche là. Si cette démarche est prise en charge par un avocat et qu'il ya des chances pour qu'elle soit menée avec la possibilité d'aboutir à un jugement, à ce moment le parti va les appuyer.
Est-il nécessaire de faire ce recours vu que nous sommes à un an des élections municipales ?
Je ne peux vous affirmer que des positions de principes. Quel que soit le temps, je crois que quand on est dans un Etat de droit, il faut appliquer la loi.
Quelles appréciations faites vous des déclarations des autorités de la transition de rouvrir des dossiers pendants en justice comme ceux de Norbert ZONGO, de Thomas SANKARA... ?
Rouvrir tous ces dossiers là ? Je suis entièrement d'accord. Je veux que nous vivions dans un Etat de droit, donc s'il s'avère que certains dossiers n'ont pas été élucidés convenablement et qu'il ya des éléments nouveaux pour les rouvrir et les introduire à nouveau dans une juridiction, j'en suis tout à fait d'accord. Mais je dis qu'on devrait appliquer la même scrupule, la même rigueur, le même souci d'élucider des affaires à des questions plus récentes. Lors des émeutes des 30 et 31, il y a eu des morts. Que nous pleurons tous. Il n'est jamais souhaitable, que des jeunes Burkinabè perdent la vie sur des questions politiques et sur toutes autres questions d'ailleurs. Ce que je note, c'est que quand une mort d'homme survient dans des conditions autres que la maladie, la justice doit s'en saisir et rechercher et poursuivre ceux qui ont commis ces faits là. Ces morts là ont eu lieu il y a trois mois, je n'ai pas entendu ni vu que des poursuites ont été engagées pour élucider les circonstances dans lesquelles ces morts sont survenues et pour poursuivre les auteurs de ces meurtres au cas échéant. Il est souhaitable donc qu'il en soit de même pour ces cas là.
Vous dénoncez donc le silence des autorités de la transition par rapport aux victimes de « l'insurrection populaire » ?
Je ne suis pas dans une posture de dénoncer un silence, je veux que des affaires ayant entraîné mort d'homme soient élucidées selon la loi et que l'on fasse des enquêtes nécessaires. Je veux que ça se fasse au niveau national avec les institutions compétentes, et dans le cas échéant, qu'il y ait des commissions d'enquêtes internationales qui aident à élucider ce qui s'est passé. On a imputé au CDP la responsabilité des morts qui sont survenues cela nous donne une raison de souhaiter qu'elles soient élucidées.
Vous dites que vous êtes d'accord que ces dossiers soient rouverts, c'est vous la personne de Léonce KONE ou vous le CDP qui applaudissez à la réouverture de ces dossiers ?
Il n'y a pas matière à applaudir. C'est juste ce qui doit se passer dans un Etat de droit dans lequel la justice fonctionne. Si des affaires n'ont pas été traitées convenablement par les organes judiciaires, s'il y a matière à les reprendre, il faut le faire.
Amnesty international Burkina dans un rapport attribue la mort de 10 personnes par balles lors de « l'insurrection populaire » au Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Ne pensez-vous pas que le RSP qui est réputé proche de Blaise COMPAORE peut faire porter le chapeau au CDP ?
Non, il ne s'agit pas de faire porter un chapeau à qui que ce soit. Je crois qu'il faut que nous évitions les supputations, les spéculations. N'est –il pas plus simple de faire des enquêtes à la fois par nos organes judiciaires ici et par les instances internationales ?
Mais l'ONG est indépendante ?
Mais l'ONG n'est pas la justice burkinabè !
Mais la justice burkinabè a été longtemps décriée par les populations sous le régime COMPAORE. N'y a-t-il pas une rupture de confiance entre les populations et la justice ?
Je ne crois pas qu'il y ait une rupture de confiance entre la justice burkinabè et les populations. Et d'ailleurs, ce n'est plus le régime COMPAORE qui est aux affaires alors il ne devrait pas y avoir une crise de confiance par rapport à ce que vous dites. La justice a ses problèmes et je crois qu'il y aura des Etats généraux qui permettront de mieux les identifier et l'on trouvera les solutions. Je ne suis pas d'accord qu'on jette l'anathème comme ça sur la justice. Nous avons une justice d'un pays en voie de développement qui n'a pas les moyens. Et je pense qu'il faut trouver ces moyens pour donner à ces juges pour qu'ils puissent fonctionner. La justice est lente, c'est le cas dans notre pays et dans les pays développés également. Je pense qu'il faut laisser la possibilité au ministère de la Justice de faire les Etats généraux et voir en fonction des moyens de redresser ce qui peut l'être. Parlant de l'indépendance de la justice, vous semblez dire que la justice était aux ordres sous le régime COMPAORE. Moi ce n'est pas le constat que je fais. Il y a eu beaucoup de recours contentieux pendant les dernières élections que ce soit devant le tribunal administratif ou devant le conseil d'Etat. Le CDP a eu à faire face à des contestations de la part de ses adversaires, et dans beaucoup de cas, nous avons perdu. Si nous avions une justice aux ordres, nous aurions gagné toutes ces affaires là.
Que dites vous de l'affaire Thomas SANKARA qui est revenue plusieurs fois au niveau des tribunaux sans réponse ?
Je vous le dis, sur ces dossiers là, s'il y matière à les rouvrir, qu'on les rouvre et qu'on en termine une bonne fois pour toute.
Pensez-vous que ce soit à la Transition de le faire ?
Soit la Transition, soit le régime qui viendra, qu'on le règle une bonne fois pour toute. Je n'ai vraiment pas de complexe vis-à-vis de ce dossier là.
Et le dossier Norbert ZONGO ?
Pareil ! S'il y a matière le rouvrir, qu'on le rouvre.
N'avez-vous pas de crainte quand on sait qu'on accuse le régime de Blaise COMPAORE et donc le CDP d'être à l'origine de ces crimes là ?
Soyons simples, si c'est le cas, qu'il en soit ainsi !
Vous n'avez pas de crainte que ce dossier soit rouvert sous la transition ?
Je vous dis, notre souhait c'est que justice se fasse. Si elle doit impliquer des membres du CDP ou d'autres personnes, qu'il en soit ainsi.
Nous allons aborder la question des élections. Etes-vous d'accord avec le couplage des élections présidentielles et législatives ?
Oui. Nous sommes d'accord. Le calendrier qui nous reste rend difficile qu'on le fasse autrement, il y a ensuite des problèmes budgétaires donc nous sommes favorables.
Le CDP participera à l'élection présidentielle et d'aucuns disent déjà que c'est Soungalo Apollinaire OUATTARA, c'est le cas ?
Ce sont des rumeurs de mon point de vue et au stade des informations que j'ai elles n'ont aucun fondement.
Juliette BONKOUNGOU, Paramanga Ernest YONLI, ... sont pressentis pour diriger le parti ?
Ce sont des pures spéculations. Je suis membre du directoire, j'en suis le président, et il n'y a aucune discussion avec des noms de personnes pour diriger le parti à ce stade là.
Pour être candidat du CDP à la présidentielle quelles sont les critères qu'il faudra remplir à l'interne?
A l'interne, nous n'avons défini de critère. Je crois que dans ce cas, la procédure normale est que ceux qui désirent être candidats se déclarent, fassent acte de candidature et à ce moment là, les instances du parti examineront les candidatures et feront leur choix.
Des primaires ?
Ce n'est pas exclu ! Nous n'avons pas encore commencé à traiter de cela, mais ce n'est pas exclu parce que, s'il y a plusieurs candidatures il faudra trouver les moyens de les départager.
Léonce KONE sera-t-il candidat ?
Non pas du tout
Pourquoi ?
Parce que je n'ai pas cette ambition là.
Djibrill BASSOLE est poussé par des jeunes à être candidat, d'aucuns pensent que c'est le CDP qui est derrière ?
Non, ce n'est pas le CDP qui pousse Djibrill BASSOLE à être candidat ; je suis informé des démarches qui se font autour de lui pour l'appeler à se présenter, s'il souhaite plus tard recevoir l'investiture du CDP il nous le fera savoir, et dans ce cas ça sera examiné.
Le vote des Burkinabè de l'étranger pose problème, êtes-vous de ceux qui pensent qu'il faut laisser les Burkinabè voter en 2015 ?
Oui, et pour trois raisons principales. Vous savez, les Burkinabè de l'étranger représentent d'après les chiffres que j'ai vus, 10 millions de personnes en 2014, ce sont des chiffres communiqués lors de la conférence des ambassadeurs. Ça peut être moins, mais ça peut être situé entre 6 millions et 10 millions. Cela représente une proportion importante par rapport aux Burkinabè qui vivent au pays. Ça veut dire que nos compatriotes qui vivent à l'étranger sont entre la moitié et le tiers des Burkinabè. C'est la raison pour laquelle je pense qu'ils doivent participer à cette élection. Deuxième raison, ils ne vivent pas simplement à l'étranger, ils contribuent de manière substantielle à l'économie nationale. J'étais banquier il y a quelque temps et je me souviens que faisant le point là dessus, on a réalisé que les ressources que les Burkinabè de l'étranger transfèrent au pays, étaient supérieures aux montants de l'aide publique au développement que nous accordent les pays amis. Ce qu'ils versent comme subsides à leurs parents, au pays participent à ce qu'on appelle dans un Etat les filets sociaux. C'est très important sur le plan économique. Troisième raison c'est que le vote des Burkinabè de l'étranger est prévu par la loi. La Constitution prévoit que tous les Burkinabè participent à l'élection du président du Faso. Mieux, depuis 2009, le code électoral a été modifié ; il a été de créé dans les ambassades, des fichiers électoraux enrôlant nos compatriotes et au de-là de cette loi, la CENI a effectué des missions dans plusieurs ambassades pour mettre en place ses démembrements. Toutes ces trois raisons me font penser que nous étions partis pour que les Burkinabè de l'étranger participent à l'élection présidentielle de 2015. Alors on nous dit aujourd'hui que ce n'est pas possible parce que dans cette phase de transition là les conditions sont-t-elles qu'on ne le peut pas. Je veux bien croire, mais vous savez le Mali, pays frère qui a fait des présidentielles dernièrement était en guerre. Une partie de son territoire était occupée. Le reste du territoire vivait dans une insécurité assez sérieuse. Pourtant, les Maliens de l'étranger ont participé au choix de leur président. Si un pays qui était en crise comme l'était le Mali a pu le faire, pourquoi pas nous. Je ne souhaite pas que ce soit un sujet de polémique. Si la CENI considère que réellement ce n'est pas possible car il ya des contraintes, le moins qu'on attend d'elle, c'est qu'elle explique de manière précise pourquoi ce n'est pas possible à l'opinion nationale et surtout en premier lieu aux Burkinabè de l'étranger. Voilà notre position.
Pour vous les raisons avancées ne sont pas claires ?
Je ne suis pas dans les procès d'intention. Nous voulons que les raisons soient expliquées clairement.
Etes vous pour ou contre le maintien de la CENI dans son format actuel ?
Dans les discussions que nous avons eues avec l'envoyé spécial de la CEDEAO, et le groupe de contact, nous avons dit qu'il fallait maintenir la CENI dans le format actuel. Nous sommes à quelques mois de l'élection, il ne faut pas ajouter des difficultés aux difficultés.
Même si c'est une question fondamentale ?
Quel problème fondamental pose l'organisation du format actuel de la CENI ? Lorsque le président Macky SALL nous a rencontrés dernièrement, nous avons évoqué la question. Il a indiqué que des informations qu'il avait reçues, l'année dernière lorsque la CENI prévoyait de faire les votes des Burkinabè en 2015, il n'y a que 30 à 40 centres de vote qui étaient prévus et que ce nombre aurait été passé du simple au double qui fait que le travail devient plus compliqué et le budget s'en trouve accru. Ce que je dis de tout cela, c'est que, si vous ne pouvez faire pour 70 à 80 centres comme prévus, faites en pour les 30 ou 40. C'est pas plus compliqué que cela. Nous du CDP nous ne nous mettons pas à l'écart de débat du vote des Burkinabè de l'étranger. Nous défendons cette position dans la mesure où avec le président Macky SALL il a été souhaité que l'on aborde cette question de façon objective et non politicienne. Il ne faut pas aussi que le renoncement du vote des Burkinabè soit aussi une question politicienne. Peut-être que d'aucuns estiment que le CDP en raison de son ancienneté a plus d'assises que les autres partis dans certains pays. Supposons même que ce soit le cas, est-ce suffisant d'empêcher les Burkinabè de voter ?
Les autorités de la transition pensent que la tension peut venir de la Côte d'Ivoire avec le vote des Burkinabè de l'étranger ?
Je ne souhaite pas que l'on aille sur ce terrain là. Nous avons des relations d'amitié et de fraternité et coopération qui ont traversé toutes les crises que nos deux pays ont connues. Quel que soit le régime qui sera en Côte d'Ivoire ou au Burkina, nos deux pays sont obligés de maintenir entre eux des relations de coopération étroite. Je suis un fervent partisan de l'intégration régionale. L'avenir de notre pays ainsi que celui des autre pays en dépend. Et dans les organes de l'intégration que nous avons que ce soit la CEDEAO, ou bien l'UEMOA, le Burkina et la Côte d'Ivoire doivent jouer un grand rôle. Un rôle moteur. Je vois mal ce que pourraient faire ou laisser faire les autorités ivoiriennes pour perturber un vote des Burkinabè sur leur sol.
Interview retranscrite par Pouloumdé ILBOUDO