La ronde des stades : L’opposition galvanise Bobo et met en garde le pouvoir

| 19.08.2014
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La ronde des stades : L’opposition galvanise Bobo et met en garde le pouvoir
© DR / Autre Presse
La ronde des stades : L’opposition galvanise Bobo et met en garde le pouvoir
La boucle est-elle bouclée pour l’opposition ? Ce 14 juin était très attendu surtout dans le milieu politique. L’opposition politique a tenu son rendez-vous au stade Aboubacar Sangoulé Lamizana comme elle l’avait annoncé lors de son meeting du 31 mai au stade du 4 Août de Ouagadougou. Le rendez-vous est tenu. Il s’est agi une fois de plus pour l’opposition et ses alliés de rappeler leur refus d’un éventuel référendum et le refus de toute idée de modification de l’article 37. Depuis le recto-verso enclenché par le maire de Bobo au Stade Wobi, la ronde des stades se poursuit.

Disons-le tout net, Bobo-Dioulasso a répondu à la hauteur de ses capacités. Ce 14 juin après-midi, les Bobolais ont défié le stade omnisport. Après le stade du 4 Août pour les Ouagalais, c’était le 31 mai dernier, l’opposition politique burkinabè avait donné rendez-vous ce 14 juin aux anti-référendum ou antirévisionnistes dans le plus grand stade de Bobo. Comme on pouvait s’y attendre, le véritable défi de cet après-midi était la mobilisation. L’heure avait été arrêtée pour 14H pour occuper le stade afin que le meeting puisse débuter officiellement à 15H. Dès 8H, les organisateurs sont déjà au stade. Sur le bas-côté du Boulevard de la Révolution qui conduit droit dans l’antre du stade, Bado a aménagé son parking et commence à enregistrer ses premiers clients. Pour les organisateurs, l’heure est à la mise en place des installations : podium, sonorisation, dispositifs sécurités, etc. En dehors des organisateurs, les autres personnes qui arrivent au stade en si bonne

heure viennent en observateurs. Pour certains, il s’agit de s’assurer que le meeting aura effectivement lieu. D’autres, essentiellement les organisations de jeunesse anti-référendum, s’affairent à mettre leurs banderoles. A partir de 12h, les arrivées au stade sont plus importantes. Il ne s’agit plus seulement de motocyclistes solitaires, mais on voit venir les premières voitures chargées de monde. C’est une affluence qui va aller en crescendo jusqu’à 14H. Les moyens de transports sont divers : voiture personnelle, moto, bus de transport en commun, bâchées, taxi, taxi-moto, tous les moyens sont bon pour convoyer la population jusqu’au portail du stade. C’est la première fois pour certaines personnes de mettre les pieds dans un stade, les femmes surtout. Certains groupes sont venus plus tôt pour prendre contact avec les lieux et faire le repérage parce que des espaces bien précis leur ont été réservés dans le stade. A la porte N°11, c’est le ballet des groupes de femmes et des associations de jeunes. Il n’est que 12H et le soleil bien au zénith déploie ses rayons sur la cuvette du stade. Les gradins nus sont assez chauffés pour que personne ne veuille s’asseoir en ce moment. Pour échapper au soleil, des femmes s’abritent dans les labyrinthes du stade.

En attendant qu’on se décide à occuper le stade, le meeting va faire le bonheur des maquis et restaurants qui longent le grand boulevard. Dans l’attente de 15H donc, des militants se sont installés dans ces lieux de causettes qui pour manger, qui pour boire un verre car, on a pu le remarquer, un tel évènement est aussi un moment de retrouvailles et de nouvelles rencontres. C’était la même situation le 31 mai au stade du 4 Août. La similitude avec Ouaga est totale d’autant qu’à Bobo aussi, ce sont les petits commerçants, leurs génies créateurs avec qui ont animé les lieux. Les sifflets étaient au rendez-vous et pour toutes les bourses : 200 (sifflet plastiques), 300 (sifflets en fer sans cordon) ou 500 FCFA (sifflets en fer avec cordon). C’est un bon marché et Inoussa pense qu’il ne s’est pas trompé en faisant le déplacement de Bobo. Il est venu de Ouagadougou depuis la veille et rien que pour ça. « Je ne connais pas la ville de Bobo, je suis juste venu pour le meeting et pour vendre les sifflets », nous dit Inoussa. A Ouagadougou, son quotidien, il le passe devant le siège d’un opérateur de téléphonie où il vend des téléphones portables. Dans ce marché improvisé, on trouve déjà tout ce qu’il y avait au stade du 4 Août le 31 mai. La nouveauté ici, c’est le carton rouge qui fait son entrée dans le marché. L’idée de Arba Diallo a fait son chemin depuis Ouagadougou.

Tout le monde se souvient qu’au stade du 4 Août, le président du PDS/METBA avait fait sensation lors de son discours quand il avait brandi un carton rouge contre Blaise Compaoré pour l’exclure du jeu politique de 2015. Tout le stade avait ovationné ce geste génial et c’est tout naturellement que le public a adopté ce carton rouge pour en faire désormais un outil de lutte. Au stade Aboubacar Sangoulé Lamizana à Bobo, plus d’une dizaine de jeunes ont investi le stade avec les bras chargés de cartons rouges esthétiquement bien coupés et avec un seul message gravé « NON AU REFERENDUM & Article 37 ». Gervais Kambiré et ses camarades disent avoir imprimé 3000 cartons rouges qu’ils vendent à 100 FCFA. « Si nous avions eu quelqu’un pour prendre en charge le coût de production, nous serions venus les distribuer gratuitement à tout le monde », a affirmé Gervais. Pour lui, étant donné que le meeting se passe dans un stade, « tout le monde devrait avoir son carton rouge parce qu’au stade, quand on donne un carton rouge à un joueur, il est exclu d’office ». Voici donc pour le symbole. D’autres gadgets comme des autocollants ont aussi créé l’attraction. Des autocollants à l’effigie de Zeph, du Laarlé Naba, du Trio RSS, du duo Sam’kLejah et Smockey ou tout simplement des logos du MPP ou du Balai Citoyen comptaient parmi les plus vendus devant l’entrée du stade. Sur tous ces autocollants, les mêmes messages reviennent : « Non au sénat, Non au référendum, Non à la modification de l’article 37 ».

Attente, incertitude puis enfin…

Jusqu’à 15h, heure officiellement annoncée pour le début du meeting, le stade omnisport ne donnait pas encore satisfaction aux organisateurs. Les gradins continuaient à être trop visibles parce que moins occupés. Chose paradoxale, il régnait un contraste entre dehors et l’intérieur du stade. La mobilisation et l’ambiance étaient plus palpables dans la cour du stade que dans les gradins. La population n’arrêtait pas de déferler au stade et pourtant des loges entières de gradins demeuraient désertes. Pendant ce temps, la tribune officielle, elle, affichait le plein ou presque, sauf les places réservées aux leaders et chefs de partis politiques. 15H, même si les leaders de l’opposition n’ont pas encore fait leur apparition dans le stade, le meeting peut démarrer avec l’animation. L’animateur du jour, aidé par une sonorisation bien en point, met de la vie dans les gradins et réveille le public avec des slogans. Il teste d’abord le public en scandant les noms de certains partis politiques même si sa langue semble ne connaitre que le MPP et l’UPC. Il va se rattraper en demandant à ceux qui le souhaitent de faire une liste de sigles de partis politiques et d’organisations de la société civile pour lui remettre afin qu’il puisse dire leurs noms également, car avoue-t-il, « je ne connais pas les noms de tous les partis ». Finalement, l’animateur va s’émanciper des partis politiques pour livrer son propre discours. « Blaise Compaoré a oublié que quand on donne une date, cette date finit par arriver », lance l’animateur avant d’ajouter : « la date est arrivée pour Blaise Compaoré». Puis prenant la devise du Burkina, « Unité Progrès Justice », il fait son diagnostic. Pour lui, Blaise même ne comprend pas le sens de sa devise et il n’applique surtout pas la devise qu’il a lui-même institué. Prenant chaque mot de la devise, il soutient que le Burkina ne connait ni l’Unité ni le Progrès et moins encore la Justice, car selon lui, les dossiers comme Dabo Boukary et Norbert Zongo en sont l’illustration. Jusque-là, l’animation remplit bien sa fonction de maintenir la population en haleine. Quelques prestations d’artistes de Bobo viennent en plus égayer le public. Pendant ce temps, le stade fait de petits bonds dans les gradins et comble beaucoup de vide. Entre 15H et 16H, plusieurs personnalités et responsables de partis politiques de l’opposition font leur arrivée au stade. 15H40, c’est l’heure du Laarlé Naba et son arrivée ne s’est pas faite dans la discrétion. Une équipe de tambouriniers attendaient le ministre du Mogho Naaba depuis le portail du stade où il a été accueilli et accompagné en fanfare jusqu’à l’entrée de la loge officielle du stade où son véhicule a stationné. Parmi ceux qui ont accompagné le Laarlé Naba, un jeune qui scandait « Arba Diallo » avant qu’un autre mieux informé ne le corrige.

A 17H, c’est enfin la bonne heure. Dans la tribune officielle, les leaders de l’opposition sont en place. Alors qu’au stade du 4 Août, c’est Mamadou Kabré du PRINT/LANAYA qui jouait le maître de cérémonie, à Bobo, c’est Jean Hubert Bazié qui le remplace aux côtés d’autres animateurs. L’homme politique a assuré sa part d’animation avant de rejoindre la tribune officielle pour occuper sa place de chef de parti.

Un seul discours pour être dans le temps

Sarah Séré Sérémé était le chef d’orchestre du meeting de Bobo. Le CFOP a placé sa confiance en la seule femme qui dirige un parti politique pour présider l’organisation de ce grand meeting. Ce n’est pas une simple faveur et ce n’est surtout pas une parade de santé pour celle qu’on surnomme SSS. Le succès qu’elle a réalisé lors du meeting du PDC, son parti, le 17 mai dernier dans la même ville de Bobo-Dioulasso, peut expliquer qu’on lui ait placé à la tête de cette importance activité du CFOP. Ce 14 juin au stade Sangoulé Lamizana, c’est elle la première à être appelée à la tribune par le maitre de cérémonie pour donner le ton du meeting. Dans son discours essentiellement prononcé en Dioula, Sarah a mis en confiance son auditoire et balisé le terrain pour le chef de file de l’opposition politique. En effet, le meeting est allé très rapidement à partir de l’entame des discours. Après Sarah Sérémé, deux organisations de la société civile ont eu droit à la parole. Il s’agit du Collectif Anti Référendum et du Balai Citoyen. Pour le premier, « si nous sommes contre le référendum, ce n’est pas que nous ne sommes pas démocrates, c’est parce que le référendum n’est pas le meilleur moyen pour départager le peuple déjà divisé», affirme le porte-parole du Comité Anti Référendum (CAR) pour qui, «seul  le respect de la règle de droit » doit s’imposer à tous. Le coordonnateur régional du Balai Citoyen, Alexandre Diakité, a quant à lui réaffirmer l’engagement de son mouvement à s’opposer à la modification de l’article 37 et à s’engager avec toutes les forces dans ce sens. Il a en outre annoncé une marche pour la date du 28 juin. Cette marche viserait à demander la démission du maire de la commune, Salia Sanou, principal instigateur pro-référendum dans la ville de Bobo-Dioulasso.

Après ces brèves interventions, Zépherin Dabré est invité à livrer le message majeur de la soirée. Malgré la course contre la nuit tombante, le chef de file a encore permis deux autres brèves interventions. C’est lui-même qui est désormais à la place du maître de cérémonie. Il  a invité à tour de rôle François Wendlassida Ouédraogo du RDS et Norbert Michel Tiendrebéogo du FFS à intervenir très brièvement. Le dernier intervenant, dans un  discours empreint d’une nostalgie révolutionnaire, arrache une salve d’applaudissements au stade. Le président du FFS a scandé des slogans révolutionnaires : « A bas l’impérialisme, à bas le néocolonialisme, à bas les présidents malades, à bas les maires incompétents». C’est le clin d’œil fait à Salia Sanou qui a soulevé le stade Omnisport visiblement bien remonté contre le maire Salia. Et quand Zéphirin prend enfin la parole, il ne ménage pas à son tour ni le bourgmestre ni le gouvernement. « Bobo est une capitale économique sans économie… Quand on regarde les routes et les caniveaux dans cette ville, on se demande s’il y a un maire à Bobo». Selon le chef de file, « s’il y a une ville qui a besoin de changement, c’est bien Bobo-Dioulasso». C’est pourquoi d’ailleurs, selon lui, « les Bobolais ont montré ce soir que l’honneur dépasse l’argent » (ndlr : lire 62 millions pour saboter l’opposition). Sur la question principale de l’article 37, le président de l’UPC dira qu’ « il n’y a qu’un seul Burkinabè qui est malade de l’article 37 ». Puis il avance le montant de 50 milliards comme étant le coût estimé du référendum avant de proposer de « reverser ces  milliards à l’hôpital Sanou Sourou pour réparer la radiologie, équiper la morgue, déboucher la tuyauterie». Le discours est en phase avec le public qui montre du coup son approbation. Invoquant le bras de fer qui se dessine avec le pouvoir, Zéphirin Diabré affirme : « nous utiliserons tous les moyens que nous offrent la loi, mais notre patience a des limites ». Pour terminer, le chef de file a mis en garde le CDP contre les « bandits armés » qui seraient suscités par le pouvoir et qui s’attaquent à des leaders de la société civile. Zéph a terminé son discours en invitant Bobo à procéder à la mise en place des Comités contre le référendum (CCR).

62 millions pour saboter l’opposition

Ce 14 juin, comme c’était le cas lors du meeting de Ouagadougou le 31 mai dernier, le CDP n’a pas laissé le terrain libre à l’opposition. De bonne ou de mauvaise guerre, le parti au pouvoir a joué au poseur de peaux de bananes en organisant concomitamment un meeting à la même heure que l’opposition. Ce meeting qui a eu lieu sur le plateau de Yéguéré aurait été organisé à coût de millions. Certains avancent la somme de 62 millions que Salia aurait demandé à François Compaoré pour organiser ce meeting ou contre meeting. Des membres du parti au pouvoir que nous avons contacté ont nié cette information. Ce qui est par contre indéniable n’a pas échappé à un seul observateur, ce sont les « facilités » offertes à tous ceux qui se sont rendus au plateau de Yéguéré. Ils ont été « gâtés ». D’abord, ils ont été servis en carburant aux frais du CDP. Des jeunes ont reçu de l’argent, au minimum 2000 FCFA par jeune plus un tee-shirt pour pouvoir se rendre au plateau de Yéguéré. Il s’agissait, selon les organisateurs, d’un meeting de la jeunesse du CDP et elle aurait mobilisée selon un élu du parti, environ 6 000 personnes. Si l’opposition n’a pas fait craquer le stade omnisport, certains sont convaincus que plusieurs certaines de personnes ont été détournées pour aller passer leur après-midi au plateau de Yéguéré. Malgré tout, la présidente du comité d’organisation, Saran Sérémé s’est dit satisfaite de la population de Bobo qui s’est mobilisée « en dépit de tous les obstacles ». Dans un stade estimé à 25 000 places, l’opposition a fait la moitié des gradins.

Le juge Nébié oublié au stade de Bobo

Le 31 mai au stade du 4 Août de Ouagadougou, la mort tragique du juge constitutionnel Salifou Nébié était dans tous les discours. Nous étions exactement une semaine après la découverte du corps de ce juge retrouvé mort sur la route départementale de Saponé. Le chef de file de l’opposition politique, dès l’entame du meeting, avait demandé une minute de silence qui a été observée à la mémoire du juge. A l’unanimité, l’opposition avait demandé que la lumière soit faite sur cette mort suspecte. A Bobo, ce 14 juin, le silence de l’opposition sur la suite de cette affaire toujours en suspens ne pouvait passer inaperçu. S’agit-il d’une omission volontaire ? Aucun des responsables politiques qui sont intervenus à la tribune n’a évoqué la mort du juge. Or au moment même où se déroulait le meeting, selon un article de Jeune Afrique, l’autopsie réalisée par le médecin légiste français aurait abouti à la conclusion d’une « mort accidentelle ». Interrogée à la fin du meeting sur les résultats de l’autopsie, Saran Sérémé a affirmé que rien ne les étonnerait dans ces conclusions, puis d’ajouter que la lumière sera fera sur cette mort dont le mystère reste entier.

CK
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