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Interview : Pascal Zaïda, secrétaire exécutif national du MPJ «Si le président Compaoré refuse le référendum, il s’est tiré une balle dans le pied»

| 08.07.2014
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Interview : Pascal Zaïda, secrétaire exécutif national du MPJ «Si le président Compaoré refuse le référendum, il s’est tiré une balle dans le pied»
© DR / Autre Presse
Interview : Pascal Zaïda, secrétaire exécutif national du MPJ «Si le président Compaoré refuse le référendum, il s’est tiré une balle dans le pied»
Pascal Zaïda, secrétaire exécutif national du Mouvement populaire des jeunes (MPJ), une organisation de la société civile, contrairement à d'autres organisations de la société civile burkinabè, trouve la nécessité de la tenue d'un référendum pour trancher la question de l'article 37. Il a animé une conférence de presse le 5 juillet passé, pour réitérer sa position sur cette question. Nous l'avons approché pour savoir les raisons qui l'amènent à être pour la tenue d'un référendum. Lisez donc !

En quoi l'article 37 dans sa formulation actuelle gène-t-il quelqu'un ?

Il faut situer les choses dans leur contexte exact. L'article 37 fait partie des articles de la Constitution du Burkina Faso mais, malheureusement, nous assistons aujourd'hui à un dilemme. Je le dis parce que dans sa formulation, il dit que le président du Faso est élu pour un mandat de cinq (5) ans, renouvelable une seule fois. Or, vous avez des éléments de la constitution, notamment l'article 165, qui définissent des articles auxquels on ne peut pas toucher. Vous vous rendez compte que l'article 37 ne fait pas partie de la clause limitative dont la révision est interdite par la constitution. Dans notre situation actuelle, on a à faire à deux protagonistes. L'opposition politique d'un côté, qui estime qu'il faut respecter la limitation des mandats présidentiels. De l'autre côté, il y a la majorité présidentielle qui estime que, du fait que l'article 37 n'est pas interdit de modification, il faut se baser sur des dispositions constitutionnelles pour le réviser. C'est ainsi que nous, en tant qu'acteurs de la société civile, lorsque vous avez des acteurs politiques qui s'opposent sur un élément donné qui engage la responsabilité collective, avons visité la constitution qui donne des prérogatives sur lesquelles on peut se baser pour résoudre la question, une bonne fois pour toutes. Compte tenu de l'ampleur du débat, nous avons donc estimé qu'il est important qu'on fasse recours au peuple. Il n'y a que le peuple souverain qui peut décider du verrouillage de l'article 37 ou d'en faire un boulevard. Aujourd'hui, le débat n'est pas pour un homme ou pour un clan politique. Il engage la responsabilité de tous les Burkinabè. Aucun Burkinabè ne peut aussi, parler à notre place. C'est pourquoi, nous demandons de laisser les citoyens s'exprimer.

Est-ce que vous poursuivez actuellement un intérêt national, parce que, pour modifier une constitution, il faut prendre en compte cet aspect ?

Du moment où le peuple burkinabè sera appelé à s'exprimer de façon individuelle, je crois qu'au sortir de tout cela, c'est ce que le peuple aura décidé qui va primer. Cela relève effectivement, d'un intérêt national. Autrement dit, c'est faire un coup d'Etat à la démocratie. Si nous sommes en démocratie, il faut aussi accepter que le peuple se prononce sur une question qui le divise. Certains diront que c'est une question individuelle, mais je dirais le contraire. C'est une question qui dépasse les frontières du Burkina Faso. En France, aux Etats-unis d'Amérique, un peu partout, les gens ont marché. Au Burkina Faso, les gens ont rempli les stades «recto-verso». Cela veut dire que la responsabilité collective est engagée. Il faut donc laisser le libre choix au peuple sur cette question.

Lors de votre conférence de presse du samedi 5 juillet 2014, vous avez affirmé que "le référendum demeure la seule voie pour préserver la paix". Le pensez- vous vraiment ?

Dites-moi ! En démocratie, quelle est la meilleure façon de trancher, lorsqu'il y a un litige, si ce n'est pas la voie des urnes. Sur cette question de l'article 37, personne ne peut nous dire au Burkina Faso qu'il a une solution au-delà de ce que le peuple pourra éventuellement décidé. Si nous sommes en démocratie, il faut ses principes. Il n'y a que le référendum qui soit la meilleure façon de trancher ce débat. Nous l'avons maintenant dit aux gens. Si le "oui" l'emporte, on s'en tient au résultat. Il en est de même du "non". Pour nous, ce qui est important est que l'ensemble de la classe politique puisse légitimer le choix du peuple. Si le "non" l'emporte aux élections, il faut que la majorité présidentielle accepte et reconnaisse sa défaite. Si le "oui" également l'emporte, que l'opposition politique l'accepte. C'est ça le Burkina Faso. Mais, il n'y a pas de super citoyen ! Aucun camp ne va brandir sa colère ou du moins, ses intérêts pour mettre la jeunesse dans la rue pour semer le chaos. C'est pourquoi nous avons interpellé même la communauté internationale que même, avant, pendant et après les élections, elle puisse nous envoyer des observateurs, afin qu'on puisse garantir des élections transparentes. Pour cela, il faut aussi doter la CENI de moyens conséquents pour que son travail soit transparent. C'est pour cela qu'il faut que les gens, au lieu de remplir les stades, aillent d'abord sensibiliser les populations. La preuve en est que la liste électorale a été révisée. Au lieu qu'on organise des rencontres et des meetings, allons de porte en porte, pour que les populations aillent prendre leurs cartes d'électeur. C'est ça qui est très important en démocratie. Autrement dit, ceux que vous voyez dans la rue ne sont pas ceux qui ont des cartes d'électeur. Le jour du vote, ils seront où ? C'est toujours ceux qui ont mobilisé leurs militants qui vont toujours gagner.

Est-ce qu'il n'y a pas un suspens ? Si le CDP était sûr que le "non" l'emporterait, il n'allait pas prendre le risque d'aller à un référendum, après avoir dirigé le pays pendant 28 ans.

C'est comme nous l'avons toujours dit. Quand on regarde un peu l'évolution du débat et notre (MPJ) position depuis 2009, qui a connu une évolution en 2013 et aujourd'hui, on n'a pas besoin de regarder la couleur d'un homme ou parti politique pour poser le débat. Ce que nous savons est que depuis 1991, c'est à l'Assemblée nationale que le débat est toujours posé. Vous en avez aussi qui brandissent le rapport du Collège de sages. Est-ce qu'il a été choisi par le peuple burkinabè ? D'autres se basent aussi sur le Centre pour la gouvernance démocratique qui, d'ailleurs selon son sondage, dit que 52% des Burkinabè sont contre le référendum. Si c'est le cas, je ne vois pas en quoi on va avoir peur d'aller au référendum. Nous estimons que le peuple est mature et c'est l'occasion pour en finir avec ce débat. Il n'y a pas à tergiverser là-dessus. Ils sont tous des acteurs politiques. On les connaît tous. En réalité, si vous regardez les manifestations de rue et ce qui se passe dans les stades, ce ne sont que des intimidations. Ils iront tous dans les urnes.

Au cas où le Président du Faso ne suive pas la voie du référendum préconisée par le CDP et ses soutiens, que feriez-vous alors ?

Nous ne sommes pas dans les secrets des dieux et nous ne savons ce que le Président du Faso pense de cette question. Nous ne savons pas non plus le calendrier de son parti. En 2013, nous avions lancé une pétition qui, à un moment donné, a eu un blocage constitutionnel, parce que sans le sénat, l'Assemblée nationale seule n'avait pas les prérogatives pour légiférer. Nous avons estimé que compte tenu de ce blocage, quelles peuvent être les voies nécessaires que notre constitution offre pour qu'on puisse organiser un référendum ? Dans les dispositions que nous voyons, l'article 161 donne la pétition au Président du Fao et le parlement, l'article 49 également, qui dit que le Président du Faso peut directement lancer tout projet de révision de la constitution. A l'heure où nous sommes, chacun des deux camps a montré ce dont il est capable : la rue, les stades, la démagogie, les injures. Comme on ne sait pas si c'est le parti au pouvoir ou c'est l'opposition qui a le peuple avec lui, la solution est de convoquer le corps électoral, pour que ce débat soit tranché

Et si le Président du Faso refuse le référendum ?

Si le président refuse la tenue du référendum, il s'est tiré une balle dans le pied. Il ne peut pas décider à la place du peuple. Il a deux parties qui s'opposent. Son parti au pouvoir dit d'aller au référendum. L'opposition rejette la tenue du référendum. Qu'est-ce qu'il va décider ? Il faut consulter le peuple. Si le président Compaoré refuse d'aller au référendum, Il s'est tiré une balle dans le pied.

Que répondriez-vous à ceux qui disent que vous êtes en mission-commando pour le référendum ?

Au Burkina Faso, il est normal que chacun dise ce qu'il pense. Vous les journalistes êtes mieux outillés pour savoir ce que nous faisons et quelle est notre vision. Le débat que nous menons est que le Burkina Faso puisse transcender et se bâtir sur la paix sociale et que chacun puisse dire ce qu'il pense et ce qu'il veut. Nous attendons le jour où on va nous montrer les preuves qu'on est soutenu par un quelconque parti politique ou qu'on est financé par qui que ce soit. Cette personne n'existe pas au Burkina Faso. Nous menons un débat franc et républicain, dans le cadre du renforcement de la démocratie. Nous jouons un rôle d'interface entre la majorité et l'opposition, en tant que société civile Nous cultivons l'impartialité. Dire que je suis en mission-commando, je réponds que je ne suis pas militaire et qui va d'ailleurs m'envoyer en mission ?

Vous pouvez être envoyé en mission par les pro-référendum ?

Ce n'est pas vrai ! Il n'y a pas quelqu'un qui a lancé le référendum ! Les premiers à lancer le référendum, c'est bien nous ! Vous auriez dû me poser la question en son temps. Nous l'avions dit à notre conférence de presse. Ce qu'ils sont en train de faire, nous l'avons balayé depuis. A cette étape, chacun a démontré ses forces et il ne reste que le référendum. Il doit avoir lieu. Cela est une réalité objective.

L'ambassadeur des USA au Burkina Faso a affirmé, devant un parterre d'autorités du pays, que le Burkina n'a jamais connu une transition pacifique et démocratique, de toute son histoire. Qu'en pensez-vous?

Si l'ambassadeur s'exprime ainsi, je m'inscris en faux. D'abord, lorsque Maurice Yaméogo partait du pouvoir, ça été d'une manière pacifique. Il n'y a pas eu mort d'homme.

C'est un soulèvement populaire qui l'a chassé !

Mais, il n'y a pas eu mort d'homme ! Je crois que quand on parle de pacifisme, il y a absence d'affrontement. Le soulèvement populaire a été la volonté du peuple, appuyé par les syndicats et récupéré par les hommes politiques. Il a été contraint de partir, mais est-ce que ça été par la force ? Est-ce que c'est comme ce qu'on a vécu ailleurs comme en Libye, en Egypte et autres ? Non ! Tout ce que nous souhaitons aujourd'hui est qu'il n'y ait pas mort d'homme dans ce qui va arriver au Burkina Faso. Dieu merci, les syndicalistes ont compris que les politiciens ne font que défendre leurs intérêts. Pour revenir un peu à la question de l'ambassadeur, le Burkina Faso d'aujourd'hui et celui d'hier sont différents. Le pays a évolué, de même que les esprits. Je crois que les USA, défendant les fondements de la démocratie, ne s'inscrivent pas en porte-à-faux avec le débat que nous menons. Le respect de la constitution nous montre la voie. Aucun pays dans le monde ne peut nous démontrer le contraire.

Le même ambassadeur a dit qu'il est persuadé que le peuple burkinabè possède la résilience nécessaire pour emprunter la voie qui est celle des Etats-Unis, c'est-à-dire la limitation des mandats présidentiels à 2. Venant d'un ambassadeur de la nation la plus puissante du monde, qu'en pensez-vous ?

Mais est-ce que les Etats-Unis peuvent parler, au nom des Burkinabè. Je dis non, la voie démocratique, c'est quoi ? C'est la volonté du peuple et la volonté du peuple se trouve dans les urnes. Les Etats-Unis ne peuvent pas se mettre au-delà de ce principe démocratique. Il n'y a que le peuple burkinabè qui pourrait éventuellement, décider de son devenir et de son destin. Ce n'est pas un homme politique ou un chef d'Etat ou encore moins, une autre personne. Non ! Ce sont des règles qui sont décrites par notre constitution, respectons-les. C'est lorsqu'il y a violation de ces règles qu'il y a problème. La volonté et le dernier choix reviendront au peuple burkinabè.

Pensez-vous que c'est le référendum qui est la meilleure voie, au regard de tout ce mouvement entre anti et pro-référendum ?

C'est de la diversion qu'ils sont en train de faire. Aucun politicien ne peut refuser une élection dans un pays donné. Si le référendum est lancé, tous les acteurs politiques iront battre campagne pour le "oui" ou pour le "non". Il n'y aura pas la rue, ici. Ils sont tous conscients de cela.

Quand vous parlez de l'ambassadeur des Etats-Unis, pensez-vous à une ingérence ?

Non ! Les Etats-Unis sont comme la France. D'abord, quand vous prenez l'ambassadeur des Etats-Unis, il a parcouru les treize régions du Burkina Faso, je crois très bien, pour toucher du doigt les réalités du terrain et parler d'ingérence, c'est trop dire. Il n'a pas parlé, au nom des Etats-Unis, mais plutôt en son nom.

Oui, mais l'ambassadeur est tout de même un diplomate accrédité. Sa voie est prépondérante, surtout qu'elle est celle d'un diplomate d'un aussi puissant pays que les USA.

Ce n'est dans ce contexte qu'on lance ce débat. Je vous ai dit que les Etats-Unis ne peuvent pas s'ingérer dans les affaires intérieures du Burkina Faso. Ce n'est pas possible. Ils ne peuvent pas venir se substituer au peuple burkinabè. C'est le peuple burkinabè qui décide. Est-ce que nous pouvons à l'avance, dire qu'aux Etats-Unis, il y a ceci ou cela ? Lorsqu'un pays comme les Etats-Unis qui ne jurent que sur la démocratie et lorsque dans un pays donné, la population est divisée sur un sujet donné et qu'il y a des recours et ici, le recours c'est le peuple, il ne peut pas se mettre en marge de cela. Autrement, cela sera une violation grave des principes diplomatiques.

Vous et le CDP demandez donc, le référendum ?

Nous ne parlons pas du CDP ou de qui que ce soit. Il y a un débat qui est lancé et tout le monde le sait. C'est le peuple souverain qui peut trancher. Personne au Burkina Faso ne peut dire qu'il a la solution à cette affaire. Nous, nous avons devancé tous les acteurs politiques dans ce domaine. C'est pourquoi nous les appelons les ingénieurs des chantiers finis. Le CDP s'est réveillé en retard. Je crois très bien, lorsque je lis les déclarations du CDP, qu'il dit vouloir du référendum pour que Blaise Compaoré ''rebelote''. Nous disons d'aller au référendum, peu importe le résultat

Votre voie est-elle celle de la société civile ou du MPJ?

Mais, le MPJ, c'est une organisation de la société civile. Il n'est pas un parti politique. Regardez nos textes. On s'en fout des partis politiques et bien au contraire, on les mâte, quand ils déconnent. Je parle, au nom de ma structure, je ne parle pas, au nom de la société civile.

Il y a des structures de la société civile qui sont contre le référendum. Vous ne trouvez pas que vous êtes en contradiction entre vous acteurs d'un même secteur?

C'est ça aussi la démocratie. La démocratie d'une part, est un jeu et d'autre part, une réalité. Parler d'une même voix, c'est être impartial, en interpellant les deux camps et leur indiquant le vrai chemin. Nous avons décidé qu'il y ait un référendum pour départager le peuple burkinabè. Si c'est le ''non'' qui l'emporte, il n'y a pas de problème. Si c'est le ''oui'', il n'y a pas de problème. En quoi est-ce que c'est partisan ? Bien au contraire, il faut applaudir, parce que ce sont des gens qui vont amener le peuple vers un choix judicieux. On n'a pas à vous imposer d'aller choisir le "oui" ou le "non". Ce n'est pas le rôle de la société civile. Son rôle, c'est d'interpeller les gens sur le vrai chemin. Face à cette question qui divise, il faut aller au référendum, pour que la majorité décide.

Interview réalisée par

W. Emmanuel SAWADOGO et P. Asizi OUERMI

Aujourd8 au Faso

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