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Interview : Maxime Kaboré, président du PIB, membre du Front républicain «On veut décider ou parler au nom du peuple alors qu’on ne veut pas qu’il soit consulté !»

| 30.05.2014
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Interview : Maxime Kaboré, président du PIB, membre du Front républicain «On veut décider ou parler au nom du peuple alors qu’on ne veut pas qu’il soit consulté !»
© DR / Autre Presse
Interview : Maxime Kaboré, président du PIB, membre du Front républicain «On veut décider ou parler au nom du peuple alors qu’on ne veut pas qu’il soit consulté !»
''L'amiral'', comme on le sait bien, en plus d'avoir la verve, n'a pas sa langue dans la poche. Dans les lignes qui suivent, il aborde des questions d'actualité telle que son parti le Parti indépendant du Burkina (PIB) la dynamique au sein du Front républicain dont il est membre de la coordination nationale, le sens de l'adhésion des douze partis nouvellement membres dudit cadre, les questions des passeports diplomatiques ainsi que de la révocation du consul du Burkina à Maradi au Niger, son point de vue sur la situation politique nationale et le niveau du débat, son avis sur la secte Boko Haram... Du Maxime KABORE tout cru. Lisez plutôt !

Comment se porte Maxime KABORE et le PIB ?

Par la grâce de Dieu, je suis en pleine forme. Le PIB se porte bien et nous renouvelons progressivement nos structures. Nous enregistrons chaque jour de nouvelles adhésions. Beaucoup de gens ont compris le sens de notre lutte et décident de se joindre à nous pour réussir ensemble l'ancrage démocratique et le progrès pour tous. Je me réjouis surtout de la saine motivation et du dévouement des jeunes militants qui ont une bonne lucidité sur la situation nationale. Le PIB est un parti responsable qui ne laissera personne au bord du chemin. C'est vraiment le meilleur choix pour l'avenir ! Nous organisons le congrès du parti le 7 et 8 juin 2014. Le parti est en ordre de marche. J'invite nos compatriotes à s'engager massivement au PIB pour vivre l'intégrité, la prospérité et l'équité au Burkina Faso.

Le 21 mai dernier 2014 le Front républicain a présenté les 12 partis adhérant audit cadre. Comment appréhendez-vous ces adhésions ?

Nous accueillons les nouvelles adhésions au Front avec sérénité et confiance. C'est toujours une joie lorsqu'une famille s'agrandit ! C'est une bonne chose que de nouvelles formations politiques se joignent à nous pour poursuivre les objectifs de paix. Nous sommes très heureux lorsque les idéaux de paix et la recherche constante du dialogue prévalent sur le rejet et la haine de l'autre. Le FR n'est pas une secte et nous sommes ouverts à toute formation politique qui respecte les objectifs du front.

Quel est «l'argument convaincant» qui explique ce succès actuel du Front républicain ?

L'argument convaincant, c'est avant tout l'authenticité, ensuite le souci de préserver la paix sociale et enfin la défense des valeurs républicaines. Les partis et formations politiques membres du Front gardent leur autonomie d'organisation, d'action et d'expression. Nous ne sommes pas adeptes au FR de la démagogie et de la manipulation des gens. Le peuple mérite respect et considération. Nous ne sommes pas des vendeurs d'illusions !

Voulez- vous lever le voile sur la suite, avec pour commencer, les pourparlers avec les autres partis politiques ?

Le FR n'est pas un parti politique. C'est un cadre de dialogue, de concertation et d'actions des partis politiques dans le seul but de renforcer la démocratie de défendre les principes républicains et de préserver la paix sociale. Dans cette optique, nous cultivons le dialogue républicain comme mode de résolution de nos contradictions et des divergences internes dans notre pays.

Quelles sont les actions du Front républicain à venir ?

Nous envisageons d'organiser très prochainement une caravane dans une région pour mieux expliquer les raisons d'être du FR et les objectifs poursuivis, nous voulons une approche de proximité avec les populations, nous donnerons des conférences et organiserons des meetings. Nos moyens d'actions sont diverses.

Vous êtes membre de la coordination nationale du Front républicain, dites nous en quelques mots, quel est le quotidien au Front républicain ?

La Coordination Nationale a pour missions de produire les réflexions et de mettre en œuvre les activités et actions délibérées par l'Assemblée Générale des partis et formations politiques du FR

En tant que membre de la coordination, nous avons des réunions de concertation, nous recevons les autres membres pour des échanges, nous assistons aux activités organisées par les partis membres. Nous planifions et supervisons en collaboration avec les coordinations régionales les activités ou manifestations du FR.

Apparemment le Front républicain est populaire sans être connu dans le fond ! Dites nous, en un mot quels sont les sujets qui y sont discutés hormis les pourparlers et les échanges autour de sujets tels que le référendum, le sénat, l'article 37 ?

Le Front s'occupe également des questions de développement, de l'emploi des jeunes, du renforcement de la bonne gouvernance sur le plan national et local. La lutte contre la corruption fait partie intégrante dans nos engagements. Notre quotidien s'articule autour des concertations et une présence effective sur le terrain par des actions concrètes en faveur des populations

Est-ce à dire que l'ambiance est bonne et le climat serein au Front républicain malgré les ''mises en garde'' de certains opposants qui voient toujours au Front républicain un moyen de légitimation de la mise en place du Sénat et de la révision de l'article 37 ?

Nous sommes droits dans nos bottes et la cause que nous défendons est juste. Pourquoi doit-on nous empêcher de rechercher le bien commun ? Les accusations de certains opposants ne nous affectent pas du tout. Nous sommes pour le respect de la constitution, de toute la constitution. L'article 78 est dans la Constitution alors nous sommes pour la mise en place du sénat. L'article 37 ne fait pas partie des clauses non révisables de l'article 165. Que des partis comme le CDP demandent la modification, ça ne me choque pas. Des membres du FR comme le PIB ne partagent pas ce point de vue car nous sommes pour son maintien en l'état. Face à cette situation de divergence, nous disons que seul le peuple souverain (article 32) peut nous départager. Le référendum est une prérogative du Président du Faso. L'article 49 est aussi dans la Constitution. Je n'invente rien du tout. Si le Président décide de soumettre cette question d'importance à la volonté du peuple nous allons faire campagne pour son maintien en l'état. C'est ça la démocratie.

Le Front républicain a des défis à relever d'ici à 2015, cependant il n'est pas vraiment connu dans les confins du Burkina. Voulez-vous nous parler de votre agenda à moyen terme pour l'y amener ?

Le FR est déjà connu sur le plan national et continuera de se faire connaitre à travers les coordinations régionales. Les différents partis qui composent le FR ont des activités dans toutes les régions et je reste convaincu que ce travail de terrain qui se fait sera porteur d'espérance. En si peu de temps le FR a réussi à s'imposer comme un véritable cadre de dialogue démocratique entre l'opposition et la majorité. Il me semble important que les questions essentielles de la nation soient discutées sans passion et dans le respect mutuel entre la majorité et l'opposition. L'intérêt de la nation doit transcender les clivages partisans.

Envisagez-vous d'établir un pont avec l'autre opposition réunie autour du Chef de file de l'opposition politique dans l'immédiat, ou à moyen terme, au regard des tensions et des chocs que les uns et les autres promettent ?

Il est difficile de discuter avec des gens qui refusent le débat contradictoire, qui ont des points de vue figés et qui estiment détenir la vérité. Personne n'a pourtant le monopole de la vérité ou du patriotisme. Le FR est disposé à dialoguer avec tous ceux qui le veulent. Nous avons fait le choix du dialogue et de la concertation comme mode de renforcement de la cohésion nationale. Le FR n'exclut personne. Nous nous sommes engagés à encourager et à promouvoir un cadre permanent de dialogue politique avec les partis politiques non membres du FR.

Pensez-vous que le Burkina Faso soit à une étape cruciale de son évolution politique au regard de l'intérêt vif manifesté çà et là ?

C'est une étape certes importante dans l'évolution socio politique du pays mais je ne pense pas que la situation soit à un niveau crucial. Je ne suis pas catastrophiste et je pense que toute cette agitation est une sorte de précampagne pour les élections de 2015. C'est normal que la tension monte à l'approche de cette échéance mais le mercure va baisser une fois l'élection passée.

Comment appréciez- vous justement la manière dont les Burkinabè (les citoyens, l'opinion, les réseaux sociaux, comme les hommes politiques) animent le débat politique de façon générale ?

Je déplore souvent le manque de recul et surtout l'absence de culture démocratique. Nous sommes dans un débat qui doit concerner les idées et les projets de société. Je constate malheureusement que certains s'adonnent à des attaques personnelles ou ne supportent pas la contradiction. Il faut accepter la différence et faire preuve de tolérance. Il y aussi le manque de formation politique ce qui fait souvent que le débat politique n'est pas de haut vol. Pour combattre les idées de quelqu'un il faut d'abord les connaître. Alors que beaucoup de gens critiquent sans connaître vraiment les positions défendues par ceux qu'ils vilipendent. Dès qu'un homme politique prend position sur un sujet qui divise, on l'accuse de tous les péchés d'Israël et on l'insulte de tous les noms d'oiseaux. C'est très facile de se cacher derrière un pseudo ou dans l'anonymat pour diffamer, calomnier, mentir ou salir quelqu'un qui a le courage de défendre ses idées. Chacun doit être libre de s'exprimer. Le débat doit porter sur les idées et non sur les personnes. Les réseaux sociaux doivent être un facteur de rapprochement, un espace de dialogue, de respect et de tolérance. Malheureusement c'est devenu pour beaucoup un lieu pour se défouler et proférer toutes sortes d'insanités en toute impunité!

Vous êtes pour le référendum, mais contre la révision de l'article 37, alors que pour les antis référendum, sa tenue donne systématiquement un passeport au président actuel, Blaise COMPAORE, pour un nouveau mandat. Quel est votre point de vue ?

Ce qui me semble paradoxal, c'est de vouloir défendre la Constitution et de refuser que le peuple souverain s'exprime sur une question d'importance nationale. Le référendum est dans la Constitution et le Président Blaise COMPAORE ne viole pas la Constitution s'il use de cette prérogative constitutionnelle. Si la question est posée et ceux qui ne veulent pas que le Président COMPAORE ait son passeport pour un nouveau mandat qu'ils fassent campagne pour le non au lieu de refuser la tenue du référendum. C'est déjà un aveu d'échec ou d'impuissance que de refuser le référendum. Chaque jour on entend des hommes politiques claironner : «le référendum, le peuple n'en veut pas !». Mais de quel peuple s'agit-il? On veut décider ou parler au nom du peuple alors qu'on ne veut pas qu'il soit consulté ? C'est véritablement lui priver de son droit de se prononcer sur cette question qui le concerne en premier lieu. C'est une drôle de façon de concevoir la démocratie. La meilleure arme, c'est le bulletin de vote. Il faut donc s'enrôler pour pouvoir voter en temps opportun! Seule l'élection confère la légitimité en démocratie.

Le retrait des passeports diplomatiques qui a fait des gorges chaudes, ainsi que la relève du consul du Burkina à Maradi, Nathanaël OUEDRAOGO en conseil des ministres. Normal ou pure coups médiatiques en procès de victimisation des intéressés ?

Je pense que certains auraient dû remettre leurs passeports diplomatiques avant d'en être privés ! Je ne comprends pas cette façon de jouer à la victime. Dans la vie il faut faire des choix et les assumer. Les choix ont des conséquences positives ou négatives. Les amis d'hier sont aujourd'hui adversaires politiques. Ils savent comment les choses fonctionnent au sommet de l'Etat pour avoir occupé de hautes fonctions. Ils en sont pleinement conscients. Ils ne devraient pas être surpris de ce qui leur arrive car ce sont des méthodes qu'ils connaissent si bien pour les avoir eux-mêmes appliquées à d'autres. Si c'était un droit alors ils doivent le revendiquer. Dans un Etat de droit on ne doit pas léser un citoyen quel que soit son bord politique. Je suis très attaché aux principes de l'Etat de droit. Chacun doit être libre d'adhérer ou de militer dans tout parti légalement reconnu de son choix. Toute discrimination fondée sur l'appartenance politique doit être proscrite. Mais si l'octroi du passeport diplomatique était un privilège, je ne vois pas l'intérêt de s'émouvoir comme s'ils subissaient une injustice.

Quant à la révocation de Monsieur Nathanaël OUEDRAOGO comme consul honoraire du Burkina Faso à Maradi (République du Niger), le gouvernement est souverain dans sa décision donc nous devons la respecter. M. OUEDRAOGO est un honnête Burkinabè qui s'est beaucoup investi avec abnégation pour défendre nos compatriotes au Niger et cela mérite d'être souligné. Je pense qu'il a accompli sa mission de consul honoraire avec rigueur et sens des responsabilités. Je ne crois pas que cela soit contesté. Mais à partir du moment où la décision est prise, et que le décret est conforme aux prérogatives du gouvernement, il n'y a pas lieu de polémiquer. Je dirai simplement que «Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu.»

Comment appréciez-vous la situation politique nationale d'une manière générale ?

La situation nationale est certes tendue mais les institutions fonctionnent normalement. Il n'y a pas lieu de s'alarmer ou de perdre espoir. Le débat politique montre la vitalité de notre jeune démocratie même s'il faut avoir toujours à l'esprit de préserver la cohésion sociale et d'éviter tout propos pouvant susciter la haine ou la violence. Chaque acteur doit avoir conscience de sa responsabilité et doit agir en conséquence pour que triomphent la paix sociale et l'unité nationale

Que pensez-vous de la situation au Mali qui a connu des affrontements récents ?

Le Mali est un pays frère et tout ce qui se passe là-bas nous concerne. Il faut privilégier la voie pacifique pour résoudre les désaccords. La solution militaire ne va pas amener la paix. Seul un accord politique qui se fera dans le dialogue et le respect de l'autre pourra amener une paix durable au Mali. La guerre n'est pas une option qui apaise les cœurs. Un véritable dialogue inclusif est la solution qui me semble indiquée au problème du Mali.

Par quel moyen peut-on venir à bout des velléités de la secte Boko Haram selon vous ?

C'est la honte de toute l'Afrique et du monde civilisé. Comment au 21e siècle peut-on être dans un tel obscurantisme religieux ? La priorité du moment, c'est de tout mettre en œuvre pour retrouver les jeunes filles enlevées. Ce qui se passe dans cette partie du continent nous interpelle tous et nous oblige à toujours cultiver les valeurs de tolérance. Nous devons veiller au strict respect du principe de la laïcité et lutter contre toutes les formes d'extrémismes et d'intolérance.

Il faut aussi véritablement s'occuper des problèmes sociaux pour éviter que les groupes terroristes ne se servent de la misère et de la pauvreté des populations pour recruter des adeptes.

Avez-vous un appel à lancer ?

J'exhorte chacun à cultiver les valeurs de tolérance et de paix. Nous sommes tous des Burkinabè même si nous ne partageons pas les mêmes idées. Accepter l'autre dans sa différence, c'est faire preuve de grandeur d'esprit. Que tout ce qui participe à la paix sociale et à l'enracinement de la démocratie fasse l'objet de nos pensées et de nos actions au quotidien. Méditons cette pensée d'Eleanor Roosevelt «les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens discutent des évènements. Les petits esprits discutent des personnes». Soyons donc de grands esprits ! Que Dieu bénisse chaque Burkinabè où qu'il soit.

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