Gilbert chez le Mogho Naaba : Normal pour les uns, une provocation pour les autres

| 12.02.2015
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Gilbert chez le Mogho Naaba : Normal pour les uns, une provocation pour les autres
© DR / Autre Presse
Gilbert chez le Mogho Naaba : Normal pour les uns, une provocation pour les autres
Le lundi 9 février 2015, le président de l'ADF/RDA était chez le chef des Mossé, sa Majesté le Mogho Naaba. L'objectif de cette visite : solliciter son aide pour une réconciliation nationale. Mais les avis sont partagés sur cette démarche du président de l'ADF/RDA, Me Gilbert Noël Ouédraogo. Beaucoup digèrent encore mal sa fameuse phrase : «l'ADF/RDA n'a de leçon à recevoir de personne». Lisez plutôt, les propos que nous avons recueillis pour vous.

 

Youmali Lompo

«C'est son droit le plus absolu»

De mon point de vue, je crois que c'est une démarche qui est normale et logique. En tous les cas, si les uns et les autres ont posé des actes et qu'ils reconnaissent réellement qu'ils ont été à l'origine de ce qui s'est passé dans ce pays, qu'ils le regrettent fortement et qu'ils l'expriment, de façon volontariste, aussi. Mais, je crois savoir que c'est le même Gilbert Noël Ouédraogo qui a dit qu'il n'a de leçon à recevoir de personne. Si effectivement, il a fait son choix politique de soutenir un régime qui, à la limite, était décrié, nous pensons qu'il a fait son choix. Maintenant, où est-ce que cela nous a amenés ? Qui lui a dit de quitter le pays ? Si aujourd'hui, il revient demander pardon, je crois que c'est son droit le plus absolu. Mais, le peuple garde toujours un souvenir amer de ses prises de position. Nous pensons qu'il a toujours soutenu le régime de Blaise Compaoré et composé avec lui. Il était même censé être le chef de file de l'opposition en son temps, avec une forte majorité de députés à l'hémicycle et il a choisi de vendre à la fois son honneur et celui de son parti. C'est le peuple qui doit apprécier.

Hervé Ouattara, du CAR

«C'est facile de faire du mal à autrui et demander pardon»

Aujourd'hui, notre pays a besoin de se réconcilier avec lui-même, de rassembler ses fils et filles. Nous sommes dans une action d'inclusion comme on le dit. Je crois qu'il est important qu'on puisse s'asseoir et analyser et voir ce qui a marché et ce qui n'a pas marché. Je crois que si réellement, les gens avancent de façon sincère, dans ce qu'ils font, ça ne peut que renforcer la cohésion sociale, les liens de solidarité qui les unissent. Mais, ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est le fait qu'aujourd'hui, on a l'impression que certaines personnes pensent que c'est facile de faire du mal à autrui et demander pardon, pour que le peuple accepte. C'est vrai que le peuple burkinabè est véritablement tolérant et accepte le pardon. Mais, je crois aussi qu'on ne peut pas berner le peuple, aussi longtemps avec ce pardon. On a vu des gens qui ont demandé pardon, après l'assassinat de Norbert Zongo en 1998 et qui sont revenus avec Blaise Compaoré dans la forfaiture qu'on a connue sur la modification de l'article 37 et qui reviennent aujourd'hui, pour demander pardon encore. L'erreur est humaine, mais persévérer dans l'erreur est diabolique. Moi je crois qu'on peut comprendre qu'à un moment donné, des gens effectivement, se soient trompés et qu'il était nécessaire de pardonner, de voir comment s'asseoir et voir comment redéfinir les priorités. Mais, il y a ceux-là qui ont véritablement besoin de faire face à la justice. Et s'ils sont condamnés, qu'ils payent pour cela et à la suite de cela, ils pourront demander pardon. Pour moi, il est plus que nécessaire que la justice et la vérité triomphent et ensuite, qu'il y ait la réconciliation.

Boukari Konombo, du Mouvement brassard noir

«Que l'on nous prenne au sérieux»

Il dit que c'est une sortie pour demander pardon, mais nous disons que c'est une provocation de plus. En son temps, il a dit qu'il n'avait pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. L'ADF/RDA n'avait pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. Pourtant, l'opinion nationale et internationale a averti les gens de l'ADF/RDA et il a été l'un des artisans qui ont contribué à brûler le pays et à tuer nos camarades. Parce que sans ses 18 députés, Blaise Compaoré n'osait pas demander la révision de l'article 37. Il a participé activement, à brûler le pays et quelque trois mois après, ce monsieur revient pour demander pardon. Le Burkinabè de nature, n'est pas béliqueux, il aime la paix, il y a des blessés qui sont toujours avec des balles qui ne sont pas encore guéris et il revient demander pardon. Que l'on nous prenne au sérieux. Nous profitons de votre micro pour attirer l'attention des autorités de la transition, parce que ce qui se passe, si elles ne prennent garde, on risque de basculer négativement dans un cycle qui n'est pas bien. Personne ne le souhaite, mais ces gens-là ont raison, ce n'est pas Gilbert seul, vous avez vu le Front républicain. Il dit qu'il est dans son droit, parce que personne n'a été inquiété, personne n'est en prison. Donc pour lui, pourquoi ne pas revenir avec des manières pour reprendre le pouvoir et nous disons non. Que tous sachent que le peuple les tient pour responsables et ne va jamais accepter. Leur forfaiture n'étant pas passée, ils reviennent avec des manigances et on tient à leur dire que cela ne va pas passer.

Claude Ouédraogo, président du MPC

«C'est aux Burkinabè d'accepter le pardon»

Par rapport à la sortie de Gilbert Ouédraogo, je pense que comme on l'avait dit, lors de l'adoption de la charte, c'est une politique inclusive de tous les hommes politiques du Burkina Faso et en commençant par l'ARD qui est représentée par les autres partis dont un député de l'ADF/RDA. Je pense que c'est une bonne chose, du moment que la personne reconnaît avoir failli. Au Burkina Faso, nous sommes un pays des hommes intègres. La première des choses, il a demandé pardon, c'est aux Burkinabè d'accepter le pardon, parce que celui qui refuse le pardon ne sera pas pardonné demain. Il reconnaît avoir failli et s'il vient vers les autorités coutumières pour demander pardon, je pense que c'est une bonne idée. On reconnaît qu'ils ont pris parti, lors des différents affrontements, mais comme ils sont venus s'excuser, je pense qu'on est tous concernés par ce pardon, car je peux être moi-même dans la même situation demain et sortir demander pardon.

Propos recueillis par
G. Lévi Constantin KONFE & Larissa KABORE

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