Eléphant égaré bat... sa trompe

| 08.12.2014
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Eléphant égaré bat... sa trompe
© DR / Autre Presse
Eléphant égaré bat... sa trompe
Et revoilà l'Eléphant !


Réduite au silence, à l'instar des autres partis de la mouvance présidentielle, depuis le 30 octobre 2014, date de l'insurrection populaire qui a mis fin au régime de Blaise Compaoré, l'ADF/RDA est de retour sur la scène politique nationale.

Cette première apparition du pachyderme après quelques semaines de clandestinité dans la faune politique a attiré, samedi 6 novembre dernier au CENASA, un bataillon d'hommes de média curieux d'entendre son barrissement de repentance.

«En décidant finalement de soutenir le projet de modification de l'article 37 de notre Constitution, l'ADF/RDA a commis une erreur politique. En toute humilité et en tant qu'acteur de la vie politique nationale, nous reconnaissons et assumons notre part de responsabilité».

A la manœuvre, des figures moins répulsives, car les conférenciers du jour, même s'ils sont tous issus du premier cercle du parti, restent peu connus du grand public. Tous affichaient une tête de naufragé. Pouvait-il en être autrement pour des hommes qui traînent, depuis, l'infamante réputation de traîtres politiques ?

Depuis les « Quatre Glorieuses », on a lu ici et là, par voie de presse ou à travers les réseaux sociaux, des actes de contrition, sincères ou feints, du régime déchu et de ses alliés :

ainsi par exemple de cette déclaration du CDP du 13 novembre signé du premier secrétaire exécutif national adjoint, Naboho Kanidoua, ou de celle de Toussaint Abel Coulibaly, président de l'Union pour la république (UPR).

Mais s'il y a un cri de remords qui mérite que l'on y tende une oreille attentive, c'est bien, selon nous, celui de l'ADF/RDA.

Nous le pensons au regard de la responsabilité historique qui est celle de ce parti dans le déclenchement de l'insurrection populaire.

En serait-on en effet arrivé là si, dans les contorsions pachydermiques dont il a le secret, l'éléphant de cirque ne s'était pas rallié, à la surprise générale, au CDP dans son projet tant décrié de modification de l'article 37 ?

C'est vrai qu'avec si on pourrait mettre un éléphant dans une bouteille.

Mais n'eût été cet énième retournement de trompe du proboscidien, l'ancien parti au pouvoir n'aurait pas pris le risque de passer par la voie parlementaire pour faire sauter le verrou constitutionnel. Car, avec l'apport des 18 voix des députés ADF/RDA, l'affaire était pliée sans qu'on eût besoin de recourir à un référendum pour trancher la question de la limitation ou non du nombre de mandats présidentiels. Avec cette félonie de Gilbert et de ses ouailles, l'Assemblée nationale est apparue plus que jamais comme le haut lieu de la conspiration contre l'alternance ; d'où cette farouche détermination des insurgés d'en finir une bonne fois pour toutes avec une institution qui, depuis son existence, s'est révélée n'être qu'un instrument de tripatouillage au service de l'ex-locataire de Kosyam.

Que le CDP se soit entêté, jusqu'au suicide, à offrir à son champion un règne non-stop peut se comprendre dans une certaine limite. On peut même affirmer qu'il était dans son rôle, lui qui, depuis bien longtemps, n'a pas fait mystère de son intention de modifier ad hominem la loi fondamentale.

En revanche, l'attitude de Gilbert et de sa bande défie toute logique politique. N'ont-ils pas, jusqu'à une date récente, proclamé urbi et orbi leur opposition à toute tentative de tripatouillage constitutionnel ?

Existait-il une obligation morale ou politique qui liait l'ADF/RDA à l'ancien président Blaise Compaoré au point de transformer le pachyderme en caniche docile prêt à remuer la queue chaque fois qu'on lui jette un os ?

C'est vrai que ce parti, depuis qu'il a été confié au fils du «duc du Yatenga», a été biberonné par le pouvoir. Mais le devoir de reconnaissance du ventre n'est pas opposable à la rectitude morale et politique.

Si on devait être cruel, on rappellerait que tout chef de file de l'opposition qu'il fût, Gilbert Ouédraogo, lors de la présidentielle 2010, ne s'était pas gêné outre mesure de battre campagne pour le candidat du pouvoir d'antan, Blaise Compaoré.

En revenant sur quelques errements du pachyderme, nous ne cherchons pas à remuer la plume dans la plaie. Mais plutôt à aider les repentis à crever davantage l'abcès pour mieux guérir la blessure.

Maintenant que la faute, du moins « l'erreur politique », comme l'ont dit les conférenciers, a été reconnue, espérons que le peuple en prendra acte et accueillera l'Eléphant égaré dans la faune politique nationale. Car il n'y a que ceux qui n'agissent pas qui ne se trompent pas.

Cet acte de rémission est d'autant nécessaire qu'il participe à la réconciliation nationale et à l'inclusion telles que prévues par la Charte de la transition.

C'est sans nul doute dans cet esprit d'apaisement que les nouvelles autorités ont procédé, jeudi dernier, à la libération du secrétaire exécutif national du CDP, Assimi Kouanda, et du président de la FEDAP/BC, Adama Zongo, détenus à la gendarmerie sans inculpation et sans mandat de dépôt.

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