Election de Eddie Komboïgo à la tête du CDP : Un homme sans «coloration politique» pour relancer l’ex-parti majoritaire

| 11.05.2015
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Election de Eddie Komboïgo à la tête du CDP : Un homme sans «coloration politique» pour relancer l’ex-parti majoritaire
© DR / Autre Presse
Election de Eddie Komboïgo à la tête du CDP : Un homme sans «coloration politique» pour relancer l’ex-parti majoritaire
L'expert-comptable Eddie Komboïgo a été désigné nouveau président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le dimanche 10 mai 2015 à Ouagadougou, au terme de la réunion de la plus haute instance du parti. A défaut de consensus, c'est au terme d'une bataille entre factions que l'ancien député CDP du Passoré et candidat de la jeunesse a été choisi par les congressistes. De quel CDP héritera-t-il ? C'est la grande question qui ne tardera pas à avoir de réponse.


C'est l'image forte du congrès. Un Eddie Komboïgo, nouvellement élu président du CDP porté en triomphe par de jeunes militants, à travers la cuvette d'un palais des sports de Ouaga 2000 acquise à sa cause. Ils l'ont réclamé, parfois même de façon menaçante, se réservant le droit de craquer, ils l'ont eu et ils l'ont célébré. A la recherche d'un autre souffle après avoir perdu le pouvoir suite à l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le parti de Blaise Compaoré a jeté son dévolu sur un homme à qui on ne reconnaît pas de passé militant, au-delà d'un éphémère poste de député CDP de sa province natale (le Passoré) à l'issue des élections législatives et municipales couplées de décembre 2012. Dès son élection, le nouveau président du CDP s'est posé en homme de rupture. La première rupture conséquente du nouvel homme fort du parti est de reconnaître, au moins «une coresponsabilité» du parti dans la situation de crise qui est survenue en 2014. Rupture aussi avec la pratique jusque-là, admise dans le parti qui consiste à rendre hommage uniquement aux militants CDP, tombés lors de l'insurrection. Eddie Komboïgo qui a dit avoir compris le message de la jeunesse, a demandé une minute de silence pour tous les Burkinabè qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés, physiquement et moralement, lors des événements. Il a surtout rendu hommage aux jeunes qui l'ont soutenu, en promettant en anglais «CDP is back» comme pour dire que le l'ancien parti majoritaire est de retour et que «plus rien n'entravera sa marche». Hommage a aussi été rendu à l'ancien président Blaise Compaoré, fondateur du parti et qui a consacré, de l'avis de M. Komboïgo, une grande partie de sa vie au développement du Burkina avec cependant des insuffisances. «Que ses erreurs nous servent d'expérience pour que nous n'en commettions jamais», a t-il espéré. Cela dit, Eddie Komboïgo a tout de suite enfilé sa tenue de premier leader de la formation politique pour lancer aux autorités de la transition un appel à l'application effective de la loi dans le cadre de l'interpellation et de la détention de certains responsables CDP, la relecture du nouveau code électoral. Sa conviction est que tout le peuple doit pouvoir choisir ses dirigeants. Côté ambition, «Eddie» a placé la barre très haut. Il n'attend du parti rien moins que la reconquête du fauteuil présidentiel, le 11 octobre prochain, la victoire aux élections législatives, ainsi qu'aux municipales.

Un choix difficile

C'est véritablement à la veille de l'ouverture du 6e congrès que les tractations ont atteint leur paroxysme. L'enjeu principal de ce raout devrait être la relance et la reconstruction du parti qui a perdu le pouvoir d'Etat après les événements des 30 31 octobre 2014 et qui entend conserver sa place sur l'échiquier politique national. Mais c'est autour de la succession de Assimi Kouanda à la tête du parti que tout s'est joué. Craignant que le CDP ne sorte encore plus affaibli des querelles fratricides de positionnement, le directoire a proposé la mise en place d'un comité de sages de 10 à 20 membres issus des sensibilités politiques ayant concouru à la création du parti. Ce comité serait chargé de repérer l'oiseau rare, l'homme consensuel. Le général Gilbert Diendéré (il fait partie des membres fondateurs du CDP), Mélégué Maurice Traoré, Alain Yoda, Thomas Sanon, Luc Adolphe Tiao....entre autres, ont été contactés dans ce sens. Le nom de l'ex-député du Passoré, expert comptable, a commencé à circuler, y compris sur les réseaux sociaux.

Procès en légitimé du directoire

Contre l'attente du directoire, l'ex-secrétariat exécutif national et des jeunes frondeurs du parti a vigoureusement récusé le travail effectué par le directoire. Cet instance transitoire n'aurait aucune légitimité à leurs yeux pour mettre en place un comité de sages, et si comité de sages, il devrait y avoir, cela relèverait des prérogatives du SEN. D'autres membres du SEN s'offusquent aussi de n'avoir pas été contactés pour la mise en place du fameux comité. Les esprits s'échauffent entre les tenants de cette ligne et le directoire. En l'absence de consensus, une solution de continuité avec le maintien de Léonce Koné lui-même à la tête du parti. Le directoire est du coup, soupçonné de vouloir faire la passe à lui-même. Contre Eddie Komboïgo, il fallait compter avec Léonce Koné, Achille Tapsoba, Jérôme Bougouma, Juliette Bonkoungou... La défiance est à son comble, les positions tranchées et c'est dans cette ambiance qu'intervient l'ouverture officielle du congrès, le samedi 9 mai 2015.

Léonce privé de parole

Les tractations de la veille ont fortement déteint l'ambiance d'ouverture du congrès. Il a plus du retard à l'allumage des travaux dû, semble-t-il, à «quelques défaillances», il y avait les menaces du Comité de réflexion et d'action pour le renouveau du CDP (CRAC) qui tient à son candidat Eddie Komboïgo. Le discours de Léonce Koné a été finalement lu par Naboho Kanidoua pour le compte du secrétariat exécutif national sortant. Durant le congrès, les pronostics se sont resserrés autour de deux «sérieux prétendants», Eddie Komboïgo et Achille Tapsoba. Juliette Bonkoungou a, elle-même, confié à la presse que sa candidature n'était à l'ordre du jour et Léonce Koné et son directoire ont été félicités d'avoir accompli avec «courage et détermination» leur mission de relance du parti. Dans une allocution plus réaliste que militante, M. Kanidoua reconnaît que le CDP est, à «un moment critique» de son évolution, après avoir perdu le pouvoir. Pour lui, le Burkina Faso de Blaise Compaoré a connu des transformations radicales reconnues par tous avec des «insuffisances» que le congrès doit travailler à corriger.

Au terme d'un week-end hautement politique, c'est un expert-comptable plutôt qu'un politique pur jus, ancien député du Passoré dans le Nord, que le CDP a choisi pour présider à ses destinées. Peut-être par souci de cohésion, pratiquement tous les candidats malheureux contre Eddie Komboïgo ont été retenus dans le bureau. C'est ainsi que le poste de premier vice-président a échu à Achille Tapsoba, celui de 2e vice-président à Léonce Koné, de 3e vice- président à André Moïse Nignan Traoré et le poste de 4e vice-président à Salifou Sawadogo. Le parti fera-t-il de Eddie Komboïgo son candidat naturel à l'élection présidentielle du 11 octobre prochain ? La question est loin d'être tranchée.

Karim TAGNAN
Alexandre TRAORE
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Vus et entendus à la rencontre

De grands retours à la première loge de l'ex-SEN

La première rangée de la place réservée aux membres du Secrétariat exécutif national (SEN) sortant, lors de la cérémonie d'ouverture, était occupée par certaines figures de proue qui avaient momentanément disparu. Parmi eux, l'ex-Premier ministre, Beyon Luc Adolphe Tiao, son ex-ministre en charge des réformes politiques, Bongnessan Arsène Yé, l'ex-député Mélégué Maurice Traoré, etc. A leur vue, beaucoup de confrères ont accouru pour des prises d'images. Pour la plupart des journalistes, c'est la première fois qu'ils revoyaient ces personnalités, après l'insurrection populaire de fin octobre dernier.

Des absents de marque

S'il y a eu des «grands retours» lors du Congrès, il a été également enregistré de «grands absents». Au nombre de ceux-ci, l'ex-président de l'Assemblée nationale, Soungalo Apollinaire Ouattara et le patron (SEN) sortant du CDP, Assimi Kouanda. L'on n'a pas vu, non plus, certains grands opérateurs économiques. Il s'agit bien attendu, de ceux supposés être au pays et non de ceux en exil ou en prison. Pourquoi ces absences à une rencontre aussi cruciale du parti dans lequel ils ont toujours milité et au sein duquel leur voix ont toujours compté. Ont-ils décidé d'eux-mes de ne pas venir ou en ont-ils été empêchés. En tous les cas, leur absence n'a pas été anodine.

Ambiance surchauffée à l'intérieur du palais des sports

Le moins que l'on puisse dire est qu'à l'attente de la cérémonie d'ouverture de leur congrès, les militants du CDP, la frange jeune surtout, n'étaient pas silencieux dans les tribunes, le samedi. Il y avait suffisamment de bruit pour égayer l'assistance. Ces jeunes munis de vuvuzelas ou autres instruments (sifflets, sceaux, tam-tams...), se faisaient entendre par tous les moyens. A telle enseigne que le maître de cérémonie pour faire passer un message, était amené à réclamer chaque fois «moins de bruit». L'ambiance était surchauffée à l'intérieur du palais. Comme pour dire que «Nous sommes là !».

Le CRAC prêt à craquer

Au nombre de la multitude de banderoles qui étaient à l'intérieur du palais des sports, une se distinguait par son message assez particulier. En effet, l'on pouvait y lire : «Si ce n'est pas droit, le CRAC se réserve le droit de craquer». Il s'agit d'une banderole du Comité de réflexion et d'action pour le renouveau du Congrès pour la démocratie et le progrès (CRAC). Un tel message prouvait à tel point le ou les auteur(s) avait(ent) gros sur le cœur. A la sortie du congrès, l'on a appris que des membres de ce comité ont manifesté, hors de la salle, leur désapprobation concernant le choix de certains membres du Bureau exécutif national (BEN). Ceux-ci, a-t-on appris, s'attendaient à la désignation du coordonnateur du CRAC, Aly Badra, au BEN. Vrai ou faux ? Toujours est-il que ces jeunes mécontents auraient manifesté leur volonté de craquer la porte du CDP. L'avenir nous situera davantage.

Eddie porté en triomphe par des jeunes

Quand est venu le moment pour le nouveau SEN, Eddie Komboïgo, de prendre la parole, il a été porté en triomphe par des jeunes militants du parti. Il a été ainsi porté pour faire le tour de la salle. Avant d'être porté en triomphe, Eddie est allé faire allégeance aux autorités coutumières. En effet, il s'est agenouillé, coudes à terre, devant les chefs coutumiers, quelques secondes avant de se relever. Certainement, pour être bénéficié des bénédictions des dépositaires de la tradition pour bien accomplir la mission qui venait de lui être confiée.

Le nouveau SEN n'a pas été le seul à avoir été porté en triomphe. L'autre personne que les jeunes ont soulevée pour faire le tour de la salle est Mathias N. Ouédraogo, désigné 1er secrétaire chargé de la mobilisation des jeunes.

La pluie vue comme signe de bénédiction

L'autre fait marquant à la clôture du congrès, est cette pluie qui est venue, juste après les travaux. Pour beaucoup de militants du CDP, cette pluie n'est pas fortuite. «C'est un signe de bénédiction. Il a fallu qu'on tienne notre congrès pour que la pluie vienne», s'est réjoui un militant, au moment où le ciel ouvrait ses vannes pour laisser tomber le liquide, empêchant plusieurs personnes dans la salle ou sous le hall du palais des sports de Ouaga 2000 de sortir.

Rassemblés par A.T. et K.T.
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Vus et entendus au 6e congrès du CDP

Affaire Obouf

Un jugement qui ne passe pas

Je l'ai en travers de la gorge.

Pour avoir sciemment tenté de vendre des boissons techniquement périmées en changeant les dates de péremption, Boureima Ouédraogo, patron du groupe Obouf, son frère Noufou Ouédraogo, du groupe Obouf, écopent chacun de la peine de 1 an de prison ferme et d'une amende de dix millions de FCFA, tandis que le groupe Obouf, personne morale, est seulement astreint à verser 10 millions de FCFA d'amende. De prime abord, je me demande quel est le but de la distinction faite entre les trois acteurs en présence, à savoir Boureima Ouédraogo, son frère Noufou Ouédraogo et le groupe Obouf.

Je cherche, et je ne trouve aucune raison technique et valable qui ait pu justifier telle distinction dans cette affaire.

Mais à l'analyse des faits, une chose est évidente, les 3 acteurs ne sont pas sanctionnés à la même hauteur face à la justice.

Or, cela saute à l'œil que l'enjeu ici pour les deux hommes d'affaires est justement leur affaire. Sans le groupe Obouf, Boureima et Noufou Ouédraogo deviennent des citoyens moyens, voire ordinaires. Frapper le groupe Obouf (par exemple, l'empêcher d'exercer), c'est taper là où ça fera le plus mal. Aussi, frapper Boureima et Noufou Ouédraogo sans le groupe Obouf, c'est une grâce pour le groupe. Or, le groupe et les deux frères sont reconnus coupables devant la justice. Si les responsabilités sont équitablement partagées, alors, les sanctions aussi doivent l'être. Sinon, il y a injustice.

J'en reviens à la question que je me posais au début de cette réflexion: que vise la distinction faite entre les trois supposés acteurs ?

Surtout que le groupe Obouf est reconnu coupable, au même titre que les frères Boureima et Noufou Ouédraogo.

En toute logique, le groupe Obouf devait aussi être astreint à l'année d'emprisonnement, sans quoi, ce jugement n'est pas équitable.

Si Obouf, personne non physique, ne peut aller en tôle du fait de son absence de corps, alors, il faut imaginer pour lui, une sanction spécifique à son état.

Fermer totalement une personne morale est, à mon avis, l'équivalent d'enfermer une personne physique. En bon français, interdire d'exercer est l'équivalent de la prison ferme. Pourquoi le groupe Obouf, bien que reconnu coupable au même titre que les frères Boureima et Noufou Ouédraogo, échappe lui à la peine d'emprisonnement ou plus spécifiquement, à la peine d'interdiction d'exercer ?

Ce constat me fait penser que justice n'a pas été rendue dans l'affaire des boissons périmées.

Aussi, j'en reviens à la méthode des hypothèses.

Hypothèse un: le jugement rendu dans l'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est juste

Hypothèse deux: le jugement rendu dans l'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est injuste

Hypothèse un: le jugement rendu dans l'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est juste.

Toutes les conditions sont réunies pour dire le droit dans cette affaire.

Michel Kafando, président de la transition, s'était enflammé face aux médias, suite à l'ébruitement de l'affaire. Mieux, Michel Kafando avait même enjoint le patron du groupe, en l'occurrence Boureima Ouédraogo en déplacement hors du pays, de rejoindre au plus tôt, le Burkina pour répondre devant la justice.

L'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est une aubaine pour le gouvernement de la transition qui, dès les premiers moments, a laissé entendre de la bouche du président, son ambition de faire de la justice, son cheval de bataille. En particulier, Michel Kafando avait brandi les célèbres dossiers Norbert Zongo et Thomas Sankara.

Le département de la justice compte en ce moment, le nécessaire, aussi bien en termes de loi et de compétences requises pour étudier de tels cas.

Les preuves ne font pas défaut dans l'affaire.

Hypothèse n° 2: le jugement rendu dans l'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est injuste

Toutes les conditions sont réunies pour dire le droit. Mais au final, les trois personnes (physiques et morales) n'ont pas écopé de la même peine. Et cela de façon inexpliquée, donc suspecte.

Michel Kafando, président de la transition, s'était enflammé face aux médias, suite à l'ébruitement de l'affaire. Mieux, Michel avait même enjoint le patron du groupe Obouf de rejoindre au plus tôt, le Burkina pour répondre devant la justice: c'était donc de la poudre aux yeux de ceux qui observent.

L'affaire Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf est une aubaine pour le gouvernement de la transition : Obouf pèse des milliards de FCFA. Et donc Obouf a pu payer pour ne pas aller en prison comme Boureima et Noufou Ouédraogo .

Le département de la justice compte en ce moment le nécessaire aussi bien en termes de loi et de compétences pour pousser Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf entre les mailles du filet. Et effectivement, le jugement rendu fait plus penser à un passage entre les mailles du filet.

Et donc, si ma deuxième hypothèse est confirmée, cela revient à dire que:

- Boureima Ouédraogo, Noufou Ouédraogo et Obouf sont coupables, mais le régime de la transition est volontairement passé à côté de la justice, en n'appliquant pas les mêmes sanctions aux trois personnes (physiques et morale) dont la culpabilité est cependant, reconnue.

J'aime beaucoup cette pensée qui soutient que quiconque connaît la vérité et ne la proclame pas est complice du mensonge et donc, devient menteur.

Personnellement, j'ai autant de haine pour le complice du mensonge que le menteur lui-même.

Caroline OUANRE
Libre penseur

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