Djibrill Bassolé : Un apprenti politicien à l'épreuve du terrain

| 10.04.2015
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Djibrill Bassolé : Un apprenti politicien à l'épreuve du terrain
© DR / Autre Presse
Djibrill Bassolé : Un apprenti politicien à l'épreuve du terrain
Ainsi le Général de gendarmerie Djibrill Bassolé (en disponibilité et non pas démissionnaire, encore moins à la retraite de l'armée) veut briguer la magistrature suprême lors de la présidentielle-législatives couplées d'octobre 2015 au Burkina. Et pourtant l'ancien ministre des Affaires étrangères du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, celui-là même qui avait acté la modification de l'article 37 de la Constitution dans les conditions que le monde entier connaît désormais, sait qu'il n'aura pas la tâche facile. A commencer par son discours et sa stratégie de positionnement qui, pour l'instant, ne brillent pas forcément par leur clarté.


Djibrill Bassolé apprend manifestement à faire de la politique chez lui au Faso. C'est le moins que l'on puisse dire, au regard des premiers pas du Général de gendarmerie dans l'arène politique locale.
Un jour, il affirme répondre favorablement à l'appel de la Nafa, la Nouvelle alliance Faso, un parti politique récemment créé par des formations de l'ancienne majorité présidentielle, ancienne majorité dans laquelle on retrouvait le Congrès pour la démocratie et le progrès, le CDP d'Assimi Kouanda, l'Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain, l'ADF-RDA de Gilbert Noël Ouédraogo (qu'on croyait en congés de la politique mais qui continue de mettre en scène son affaire de demande de pardon), l'Union nationale pour la démocratie et le développement, l'UNDD d'Hermann Yaméogo (celui-là même qui avait été évincé de l'ADF-RDA au profit de GNO), l'Union pour la République, l'UPR, de Toussaint Abel Coulibaly...

Un autre jour il affirme, au contraire, n'être mêlé ni de près ni de loin au projet des nafaïstes. Au point de vouloir rallier à sa cause des jeunes des autres partis politiques. Notamment ceux de l'UPC, l'Union pour le progrès et le changement, et du MPP, le Mouvement du peuple pour le progrès. Or il est bien connu, l'adage selon lequel «qui trop embrasse mal étreint». Surtout en politique où les militants ont besoin d'avoir une ligne directrice claire et précise. A moins que tout soit redevenu comme avant dans ce Burkina de l'après-insurrection...

Un jour D.B. affirme, à travers les colonnes de la presse nationale et internationale, avoir (de manière diplomatique, selon lui) conseillé à Blaise Compaoré, son ancien patron, de ne pas tenter de modifier la Constitution. Un autre jour il annonce, non sans fierté, être allé rencontrer l'ancien chef de l'Etat déchu en Côte d'Ivoire sans toutefois révéler la teneur exacte de leurs échanges.

Bref, chez Djibrill Bassolé, la cohérence n'est pas encore à l'ordre du jour, aussi bien dans le positionnement que dans le discours. Ce qui n'est pas forcément un avantage à ce niveau de la compétition et plus encore pour une personnalité qui se targue d'avoir l'étoffe nécessaire pour diriger tout un pays.

Du reste, au Mali, l'exemple d'Amadou Toumani Touré (ATT), l'ancien président, Général à la retraite de son état et qui se voulait être un candidat sans parti et donc au-dessus de la mêlée, aura montré toutes ses limites objectives dans la suite des événements. En effet, à force de louvoiement et de tâtonnement, il a finalement poussé (consciemment ou inconsciemment) son pays dans le précipice.

Longtemps hésitant à se lancer dans le débat politique avec tout ce que cela implique sur le plan administratif et de la réserve militaire, en retard d'une bataille par rapport aux grosses cylindrées électorales qui se sont lancées à grande vitesse sur l'ensemble du territoire national, sans base électorale précise, sans programme connu, Djibrill Bassolé peine encore et toujours à assumer sa rupture avec l'ancien système dont il a été l'un des plus fervents défenseurs. Mais justement, comment rompre avec un système que l'on a soutenu durant des décennies, avec des mots souvent durs mais également avec la matraque, et qui vous a également apporté en retour sa caution au plan international? Assurément l'équation est difficile.

On se souvient encore qu'après les mutineries d'une partie de l'armée en 2011, c'est à Bassolé qu'avait été confiée la mission de remettre le régime Compaoré dans les bonnes grâces de la communauté internationale. Trois ans plus tard, le capitaine était chassé du pouvoir par des Burkinabè exaspérés par sa fourberie et par sa volonté de s'accrocher au fauteuil présidentiel. Un fauteuil que Djibrill lui-même convoite désormais. Et c'est bien là que le problème risque de se poser pour lui. A savoir, comment arriver à donner de lui une image autre que celle d'un profiteur de lutte qui veut se servir des événements actuels et du sacrifice des autres pour sa propre promotion? D'où, sans aucun doute, ses longues et interminables séances d'explications, pour ne pas dire de justifications. Au point qu'on oublierait presque la question du projet de société qu'il entend incarner, à l'image de tous les autres prétendants, d'ailleurs. Et ce dans un contexte national marqué par une montée vertigineuse de la demande sociale et des mouvements de revendication.

A. Traoré

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