Demande de pardon de partis politiques de l'ex-majorité : Le printemps des mea culpa nauséeux

| 14.11.2014
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Demande de pardon de partis politiques de l'ex-majorité : Le printemps des mea culpa nauséeux
© DR / Autre Presse
Demande de pardon de partis politiques de l'ex-majorité : Le printemps des mea culpa nauséeux
Pendant que la transition politique est en train de se mettre laborieusement en place, suite au soulèvement populaire du 30 octobre dernier qui a mis brutalement fin au régime de Blaise Compaoré avec les conséquences que l'on sait, des partis politiques qui avaient, en toute conscience, choisi de jouer la carte de la modification de l'article 37 de la Constitution, s'illustrent ces derniers jours, les uns à la suite des autres, par des appels au pardon. A priori, cette demande est une bonne chose. Et la société burkinabè est une société qui sait pardonner, mais pas à n'importe quel prix. De ce point de vue, l'on peut avoir envie de demander à tous ces partis qui sollicitent aujourd'hui le pardon du peuple burkinabè, ce qu'ils ont fait hier, pour demander l'absolution de leurs péchés. Cette question est d'autant plus justifiée que demander pardon suppose que l'on reconnaît avoir commis une faute pour laquelle on sollicite l'indulgence de la partie qui a été offensée. La réponse à cette question pourrait mettre dans l'embarras les demandeurs de pardon de l'ex-majorité. En effet, le peuple burkinabè, qui a payé un lourd tribut pour s'affranchir du système Compaoré, n'est pas si amnésique au point d'oublier que les gens qui sont en train de battre à tout rompre leur coulpe, sont aussi les mêmes qui s'étaient installés confortablement dans une logique de défiance, d'arrogance et de mépris vis-à-vis de tous ceux qui avaient été suffisamment patriotes et lucides pour leur dire que leur combat était dirigé contre l'intérêt général et la démocratie. Malgré tout, ils ont persisté jusqu'aux derniers instants du pouvoir de Blaise Compaoré, dans leur choix dont ils savaient, puisqu'ils sont adultes, qu'il était susceptible de mettre en péril la paix sociale. Ils n'ont pas reculé d'un iota jusqu'à ce que l'irréparable se produise. Et l'irréparable ici, ce n'est pas la fuite de Blaise Compaoré, leur mentor, ce sont toutes ces vies qui ont été fauchées et dont la plupart était dans la fleur de l'âge.


Quelle aurait été leur attitude, si leur forfaiture avait pu passer ?

De ce point de vue, l'on peut se poser la question de savoir s'ils méritent le pardon. C'est d'ailleurs pour cette raison que d'aucuns estiment que ces demandeurs de pardon sont moralement et politiquement disqualifiés pour gérer la transition politique aux côtés des forces vives qui ont eu la témérité de défier, les mains nues, le pouvoir de Blaise Compaoré, jusqu'à le terrasser. Et on peut les comprendre. Car, ce serait une insulte suprême à la mémoire des Burkinabè qui ont trouvé la mort dans le cadre des manifestations du 30 octobre dernier.

L'autre question que l'on pourrait poser aux demandeurs de pardon de l'ex-majorité est la suivante : quelle aurait été leur attitude aujourd'hui, si leur forfaiture avait pu passer à l'Assemblée nationale le 30 octobre et ce, au prix de nombreux morts et blessés ? Cette question est d'autant plus pertinente que l'on pouvait s'attendre à un tel scénario, si les forces de l'ordre avaient, sans état d'âme, réprimé par tous les moyens, les manifestants du 30 octobre. Cette question pourrait davantage embarrasser les demandeurs de pardon de l'ex-majorité au regard de la conviction et de la passion avec lesquelles ils défendaient les intérêts de la personne de Blaise Compaoré. De ce fait, l'on ne doit pas craindre de dire qu'ils auraient attribué la responsabilité de ces morts et blessés à l'intolérance et à l'activisme de l'opposition politique et de certaines associations de la société civile. Et leurs principaux responsables auraient été vite rasés et embastillés dans l'attente de leur procès pour atteinte à la sûreté de l'Etat, incitation à la violence, homicide involontaire, saccages et pillages de biens, etc. Pour toutes ces raisons, l'on a envie de leur dire que leur mea culpa n'est pas sain. Il est au contraire opportuniste et nauséeux. En réalité, en fins et froids calculateurs, ils veulent simplement accrocher leurs habits là où le soleil brille. En effet, après leur facile et rapide demande de pardon, ils pourraient être intéressés par les postes alloués à l'ex-majorité, au sein des organes de la transition en gestation. Ils le feront d'autant plus allègrement que l'idée du lieutenant-colonel Isaac Yacouba Zida, selon laquelle « on ne peut pas avancer en laissant des fils du pays dernière », a tendance à les absoudre.

C'est pourquoi l'on peut se risquer à apporter cette antithèse à l'idée du lieutenant-colonel. On ne peut pas avancer non plus en faisant table rase du passé. Surtout que dans le cas d'espèce, il est encore récent.

Poudem PICKOU

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