Blaise COMPAORE parti du pouvoir dans les conditions que l'on sait, les Sankaristes de tous horizons boivent du petit lait. Ils sont passés de l'aigreur du désespoir à l'euphorie de la victoire en attendant l'hypothétique triomphe d'un sankarisme en total contrôle de l'appareil d'Etat. Ce rêve est permis et ils s'efforcent de le traduire en réalité, même s'ils doivent pour cela pousser la veuve SANKARA à mettre le pied dans le cambouis de la politique politicienne.
Mariam SANKARA, un charisme surévalué
Mariam SANKARA peut-elle être le ciment d'une unité d'action des partis sankaristes ? C'est le pari qu'a pris Maître Benewendé SANKARA en faisant d'elle l'invité vedette de la convention qui l'a investi candidat unique des sankaristes à la prochaine présidentielle. En fait de candidat unique des sankaristes, on devrait dire que Benewendé SANKARA a su manœuvrer pour être le présidentiable naturel des deux fronts sankaristes les plus en vue du moment. Il s'agit d'une part, du Front progressiste sankariste (FPS) né de la fusion entre son parti originel, l'Union pour la renaissance/parti sankariste (UNIR /PS) et le Front des forces sociales (FFS) de Norbert TIENDREBEOGO et d'autre part de l'Union des révolutionnaires du Faso(UREFA), résultante de la fusion entre la Convergence pour l'Espoir de Jean Hubert BAZIE et l'Union des partis sankaristes(UPS) d'Alphonse OUEDRAOGO. Candidat donc du FPS et de l'UREFA, sans oublier d'autres petits partis qui gravitent autour, Benewendé SANKARA peut se targuer de ratisser large autour de sa personne mais il n'a pas encore réussi le pari d'unir tous les courants sankaristes dans un même élan d'action pour les échéances électorales à venir. La mise en avant de la veuve SANKARA dans une opération de marketing politique n'y aura rien fait. L'épouvantail Mariam SANKARA pouvait-il mieux faire que l'icône Thomas SANKARA lui-même ? Il faut croire que non ! Malgré les bonnes intentions et les orchestrations médiatiques sur le retour de la veuve, les Sankaristes restent divisés dans leur action politique et plus d'un observateur reste sceptique qu'un jour, ils puissent se retrouver dans un seul et même parti politique. Les griefs personnels que nourrissent les responsables des partis sankaristes, entre eux, l'emportent sur leur volonté de défendre ensemble l'idéal politique du chantre de la révolution d'août 1983.
Ces querelles subjectives expliquent les rebuffades de Boukary KABORE dit le Lion à cautionner Benewendé SANKARA comme le candidat unique de tous les sankaristes. C'est connu, Le Lion ne veut pas sentir Benewendé SANKARA qu'il considère comme un ouvrier de la 25e heure du Sankarisme. Il n'a pas si tort dans la mesure où, lui, Boukary KABORE, fut le premier dès le coup d'Etat qui a coûté la vie à Thomas SANKARA, à entrer en résistance voire en rébellion ouverte contre le pouvoir de Blaise COMPAORE. On se souvient de sa déclaration fracassante sur les ondes d'une radio internationale, au lendemain du 15 octobre 1987 arguant qu' « on ne pouvait pas pleurer Thomas SANKARA et soutenir le Front populaire » de Blaise COMPAORE. En ces moments chauds d'octobre 1987 où Boukary KABORE faisait preuve de bravoure, les Benewendé SANKARA, Jean Hubert BAZIE et autre Nestor BASSIERE, se terraient dans un silence de poltron. Le Lion, tout comme Jean Baptiste NATAMA, se serait donc vu à la place de Benewendé SANKARA, candidat unique des sankaristes à la présidentielle d'octobre prochain. Au lieu de cela, ils ont été mis devant le fait accompli de Benewendé SANKARA qui, par des intrigues, a grenouillé pour les coiffer au poteau de la candidature unique.
Mais le Lion et Jean Baptiste NATAMA au moins auront-ils, eux, été invités à faire valoir leurs droits de Sankaristes à la convention du weekend dernier ? D'autres sankaristes ou qui se proclamaient tels, comme les Fidèle KIETHGA, Djezouma SANOU et Nana THIBAUT n'y ont pas été conviés pour s'être convertis à l'évangile du MPP et de la NAFA. On voit mal ces dissidents du Sankarisme qui sont allés monnayer leurs talents d'engagement politique ailleurs, faire volte-face pour revenir à leurs premiers amours. Mariam SANKARA n'y peut rien. Tout juste a-t-elle pu créer le rapprochement entre Valère Dieudonné SOME, un des dinosaures du Sankarisme et le jeune loup Benewendé SANKARA. Rapprochement constaté à l'aéroport et aux assises de la convention. Mais dans quelle mesure ce rapprochement n'est pas éphémère quand on sait que ces têtes pensantes du Sankarisme se détestent cordialement, le premier reprochant au second son manque de considération envers les aînés dans la politique et la défense de l'idéal sankariste et le second reprochant au premier, son manque de réalisme politique et sa faible représentativité sur l'échiquier électoral.
En réalité, Benewendé SANKARA se sert de l'émotion que peut susciter l'image de la veuve éplorée auprès des sankaristes pour mousser sa candidature aux prochaines élections. C'est de bonne guerre, dira-t-on. Mais du salon VIP de l'aéroport à la salle d'audience sous les lambris de la primature, Mariam SANKARA n'a plus rien d'une veuve éplorée. Le petit public qui s'est déplacé à son accueil à l'aéroport et au Palais des sports à la convention, indique bien que son charisme est surestimé par ceux qui s'époumonent à lui construire un piédestal d'héroïne nationale. Au demeurant, à vouloir l'exposer comme une héroïne d'on ne sait quel combat, les thuriféraires du Sankarisme pourraient rappeler des souvenirs douloureux à bien de familles burkinabè. C'est connu, Thomas SANKARA a aussi fait des veuves et des orphelins et parlant de dictature, il est évident que le régime de Thomas SANKARA fut plus répressif des libertés individuelles et collectives que ne l'aura été celui de Blaise COMPAORE. C'est pourquoi, Mariam SANKARA devrait se contenter de jouer le rôle d'instrument de marketing politique que lui a assigné Benewendé SANKARA au lieu de vouloir s'ériger en juge de Blaise COMPAORE.
Gare à la désillusion des élections !
Bien de Sankaristes sont convaincus que la chute du régime de Blaise COMPAORE est pour eux un boulevard pour un retour aux affaires de l'Etat. Il est vrai que Blaise COMPAORE par sa politique d'ouverture et les acquis économiques de son régime ratissait très large dans l'électorat burkinabè. Il était même un candidat imbattable pour les Sankaristes. C'est donc un poids lourd de la scène politique qui sera absent de la présidentielle à venir. Une élection qui apparait alors des plus ouvertes et indécises. Tous les partis politiques, notamment les Sankaristes, se mettent alors à bâtir des châteaux en Espagne en parlant « d'insurrection électorale après l'insurrection populaire ».
Mais si l'on doit garder les pieds sur terre et prendre en considération les scrutins antérieurs, personne ne pariera un kopek que les Sankaristes même totalement unis remporteront la prochaine présidentielle ou les législatives. De fait, ils n'ont jamais réalisé un score électoral à deux chiffres, plafonnant toujours à un résultat de moins de 9% des suffrages exprimés. Dès lors, s'unir derrière un candidat à la présidentielle, faire des listes communes aux législatives et aux municipales, c'est d'abord espérer atteindre le seuil symbolique de 10% des suffrages exprimés. Pour ce qui est de la victoire, nos Sankaristes bon gré mal gré, devront compter sur des alliances avec d'autres partis. Même dans ce cas de figure, il n'est pas évident qu'ils seront en pôle position, c'est-à-dire en première, deuxième ou troisième place pour espérer jouer un rôle prépondérant dans les jeux d'alliance. L'un dans l'autre, les scrutins à venir pourraient être une source de désillusion pour les Sankaristes toute à leur euphorie sur la démission de Blaise COMPAORE et à la manipulation de la veuve SANKARA.
Djibril TOURE