Un ancien président et trois leaders religieux ont décidé de sonner le tocsin et de proposer une médiation pour une transition apaisée
Chaque jour qui passe se vit désormais comme un moment d'angoisses et de frayeurs pour les populations. Celles-ci, légitimement, se posent certaines questions. Blaise Compaoré va-t-il, contre vents et marées, traduire en actes sa volonté de ne pas quitter le pouvoir en 2015 ? Dans ce cas de figure, quelle sera l'issue du bras de fer, qu'il va certainement avoir avec l'opposition qui vient de voir ses rangs renforcés de manière significative par les démissions de certains pachydermes du CDP ?
Le moins que l'on puisse dire est que chaque camp, sûr de ses forces, est déjà en ordre de bataille dans la perspective de la « guerre de Troie » qui, malheureusement, pourrait avoir lieu au Burkina, au regard de la radicalisation de la position des uns et des autres. C'est dans ce contexte, marqué par une tension qui va crescendo, qu'un ancien président et trois leaders religieux ont décidé de sonner le tocsin et de proposer une médiation pour une transition apaisée. La sortie de ces éminentes personnalités politiques et morales mérite quelques observations et interrogations.
D'abord, l'on peut se poser la question de savoir si le quatuor s'est auto-saisi au regard de la gravité de l'heure ou s'il a été simplement suscité par le pouvoir.
La première hypothèse constituerait un mérite qu'il faut saluer à sa juste valeur. En effet, quand les enfants d'une même patrie sont en train d'aiguiser des couteaux pour s'entredéchirer, toute initiative allant dans le sens de l'apaisement est la bienvenue. Mieux, quand cette initiative émane de personnalités de cette envergure morale et politique, elle ne peut que davantage susciter un intérêt pour les populations. Par contre, si l'initiative a été suscitée par le pouvoir, pour remettre au goût du jour sa stratégie du dilatoire et de l'esquive, le temps de voir la crise s'estomper, pour immédiatement replonger dans ses vieux travers, il faut dire que la voix du quatuor risque de ne pas être audible pour tous les Burkinabè. En tous les cas, ces messieurs respectables, dont la probité a priori ne peut être mise en doute, doivent savoir qu'ils sont en train de jouer leur crédibilité. Ils doivent, par conséquent, se convaincre que plus rien ne sera comme avant au Burkina. En effet, l'on a l'impression, au regard de certains signes, que le pays est en train de tourner la dernière page de l'épopée de Blaise Compaoré.
D'abord, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui a occupé pratiquement à lui seul, depuis sa création, tout l'espace politique du pays, vit actuellement des moments d'agonie qui semblent le préparer à recevoir l'extrême onction. L'on peut d'ailleurs, dans ce registre, interpréter l'obstination des cadres de ce parti à pousser Blaise Compaoré à la faute comme une forme de cynisme qui, aujourd'hui, produit en lui le réflexe du naufragé.
Blaise Compaoré doit comprendre qu'il n'a aucun intérêt à ne pas saisir la proposition ultime que lui offrent ces quatre personnalités
La deuxième observation que l'on peut faire à propos de la sortie du quatuor porte sur le mot « transition » qu'ils ont utilisé dans leur déclaration.
En effet, le mot « transition » qui signifie le passage d'un état de chose à un autre, pourrait avoir été employé à dessein. Si tel est le cas, il faut dire que la transition apaisée à laquelle appelle le quatuor, pourrait se lire comme une manière d'inviter Blaise Compaoré à une sortie honorable. Toujours, en relation avec cette perspective que Blaise Compaoré a des raisons objectives de redouter, l'on pourrait dire que l'appel à la transition apaisée aurait été suscité par Blaise Compaoré, pour se donner toutes les garanties afin d'éviter toute épreuve douloureuse qui sanctionne le plus souvent la fin des longs règnes. L'on est tenté de dire à ce propos, que malgré le vote de la loi amnistiant les anciens présidents, Blaise Compaoré n'est toujours pas assuré de couler des moments tranquilles à Ziniaré, dès qu'il se serait retiré du pouvoir.
Il faut le dire, le pays traverse des moments délicats, qui imposent à tous ses fils et à toutes ses filles de ne pas en rajouter, en tenant des propos qui pourraient amener le régime à raidir la nuque. L'échafaud que certains opposants promettent à l'enfant terrible de Ziniaré peut amener celui-ci à opter pour la politique de la terre brûlée dont le grand perdant sera le peuple innocent.
En attendant, Blaise Compaoré doit comprendre qu'il n'a aucun intérêt à ne pas saisir la proposition ultime que lui offrent ces quatre personnalités pour sortir de l'histoire par la grande porte. Il doit aussi comprendre que l'alternance, avant d'être une exigence démocratique, est avant tout une loi de la nature. Il doit enfin comprendre qu'il y a une vie après la présidence. Jean-Baptiste Ouédraogo en est la parfaite illustration.
Pousdem PICKOU