Alexandre Sankara (UNIR/PS) : « Ce sont les sans-culotte qui ont pris le pouvoir, qu’on les laisse gérer »

| 21.11.2014
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Alexandre Sankara - Ex-député de l'UNIR/PS
© DR / Autre Presse
Alexandre Sankara - Ex-député de l'UNIR/PS
Après l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre, tout semble être remis sur les pendules. Le collège de désignation a porté son choix sur la personne de Michel Kafando et lui, à son tour a pris son prédécesseur, le Lt-cl Yacouba Isaac Zida comme son Premier ministre. L'ex-député de l'UNIR /PS, Alexandre Sankara, pense que la révolution a été confisquée et qu'il faudrait un deuxième sursaut.

 

Quelle est votre lecture des évènements du 30 et 31 octobre ?

Les évènements du 30 au 31 octobre n'ont été que l'aboutissement d'un ras-le-bol, parce qu'il faut que les gens aient une très bonne lecture de ce qui s'est passé les 30 et 31 octobre. Et l'article 37 à mon avis, n'a été qu'un prétexte, c'est-à-dire que les gens se sont saisis de cela pour faire aboutir la lutte, parce que les Burkinabè en avaient marre, c'est un ras-le-bol qui a été cumulé depuis il y a 27 ans, donc si on se limite à l'article 37, on risque de se faire de fausses analyses.

Maintenant que le CFOP n'existe plus, quel est l'agenda de l'UNIR/PS ?

L'agenda de l'UNIR/PS, on le connaissait depuis, avec ou sans le CFOP. Premièrement, c'était de faire partir Blaise, parce que les gens oublient que depuis 2011, nous avons organisé ici, une manifestation, en appelant Blaise de dégager. Notre premier objectif est atteint. Les gens ont tergiversé, à l'époque mais finalement, ils sont venus nous rejoindre. Aujourd'hui, on a dégagé Blaise, mais maintenant notre deuxième objectif, c'est qu'il réponde de ses actes. Parce que notre bataille, ce n'est pas seulement pour que Blaise s'en aille, mais qu'il réponde des nombreux crimes économiques dont il s'est rendu coupable. Troisième objectif, c'est la conquête du pouvoir en 2015, cela n'est pas caché, tout le monde le connaît depuis que l'UNIR/PS existe.

Quelle est la position de l'UNIR/PS ?

Il faut avouer il y a eu des tiraillements, mais la position de l'UNIR/PS était simple, il faut reconduire les députés de l'opposition qui étaient là. C'est notre position, pour la simple raison que ce sont des gens qui se sont battus aux côtés du peuple, à travers même les députés, depuis l'appel de Kombissiri. C'est cela qui a déclenché la lutte et ces députés ont tenu bon, durant ces deux ans, au sein de l'Assemblée et on en est arrivé à là. La position de l'UNIR/PS, si on peut les reconduire, il n'y a pas de problème. Maintenant, l'UNIR/PS s'est dit ce que les autres vont décider, on suit, on n'a pas de position particulière par rapport à cela. Notre bataille, ce n'est pas pour partager des postes, les députés de l'UNIR/PS, on les connaît, ils ont bataillé ferme pour être élus, on bataillera encore pour être élus en 2015. On s'est soumis à la décision qui a été prise au sein du CFOP. Finalement, ils ont pu exclure 2 partis et il restait 30. La majorité a dit qu'il faut partager. Ce que j'ai appris, c'est qu'on est même arrivé au vote. Finalement, la majorité l'a emporté. Mais ce que je peux dire, c'est que c'est dommage. Ce n'est pas que je veux que les anciens députés de l'opposition repartent là-bas, mais je me dis qu'il faut des hommes d'expérience au sein de ce Conseil national de transition. Maintenant si on doit partager, vous connaissez la configuration des partis de l'opposition. Il y a 30 partis. On risque de se retrouver dans un CNT avec des représentants de l'opposition qui ne pourront pas faire le poids face aux autres composantes. Or, la période de transition est une période importante, une période cruciale. Moi je pense qu'il faut envoyer vraiment des hommes pétris d'expérience, des hommes capables ; même si ce n'est pas les anciens de l'opposition, on pourrait se dire, on a 30 postes. Bref, on se soumet à la volonté de la majorité et on verra.

La position de l'UNIR/PS est-elle partagée ?

Ça a été partagé par les formations les plus représentatives. Je crois que c'était la position de bon nombre de partis. A défaut, on avait même dit qu'on peut trouver des quotas, au lieu qu'on reconduise automatiquement, par exemple l'UPC, qui avait 19 députés. Mais, les gens ont tait d'autres propositions. Ce qu'on avait proposé a été battu en brèche. Cette opposition avait l'avantage de permettre à 18 partis de l'opposition de rentrer au CNT, donc on allait dégager 11 places restantes qu'on allait essayer d'attribuer à d'autres partis, en plus des 6 qui étaient déjà représentés à l'assemblée. Ça allait permettre à 18 partis d'aller au CNT. Finalement, ils ont décidé de voter. Les grands partis sont quand même restés solidaires dans cette affaire, ils avaient les mêmes points de vue. Qu'on ait une représentation de qualité et qu'on ne donne pas l'occasion aux gens de nous regarder en spectacle, de nous ridiculiser aux yeux de l'opinion. C'est que les principaux partis de l'opposition ont voulu éviter. Voilà pourquoi, on a fait balle la terre, les gens n'ont pas entendu tout ce qui s'est passé à l'intérieur. Finalement, on a dit il faut qu'on les laisse faire pour ne pas trop attirer les regards sur nous, les petits partis sont les plus nombreux. Si on veut jouer à la démocratie, ce sont les plus nombreux qui remportent.

A vous entendre, l'UNIR/PS sera représentée ?

On n'en sait rien, on a une réunion tout à l'heure pour décider de cela.

Que pensez-vous du choix de Michel Kafando à la tête de ce gouvernement de transition ?

Je vais parler en mon nom propre, ce n'est pas au nom de l'UNIR/PS. Dès le début, je l'ai dit, moi je suis contre pour trois raisons principales. La première, c'est que je ne suis pas d'accord que ceux qui ont mené la révolution ne soient pas des hommes capables de diriger la transition. Et qu'il faille aller nous amener un homme du passé, Michel Kafando, 72 ans. Il a traversé tous les régimes : Lamizana, Saye Zerbo, Blaise Compaoré, sauf Sankara. Moi je ne suis pas d'accord avec cela. Si on dit qu'il faut des hommes de carrure, des hommes d'expérience, si les hommes de carrure buvaient tranquillement leur champagne, ils n'ont pas voulu se battre, qu'on laisse ceux qui se sont battus gérer leurs affaires. Si ce sont les sans-culottes qui ont pris le pouvoir, qu'on les laisse gérer le pouvoir. Il faut que les gens arrêtent cette histoire d'homme de carrure. Il a fallu qu'il fasse ses armes pour avoir cette carrure. Pourquoi on refuse aujourd'hui les jeunes qui se sont battus et on dit qu'ils n'ont pas la carrure, donc il faut les écarter. Deuxième raison, je ne suis pas d'accord que dans la charte, on écrive que le président de la transition ne doit pas avoir soutenu le projet de modification de l'article 37 de la constitution. C'est écrit noir sur blanc. Est-ce que les gens connaissent la position de Michel Kafando ? Il ne l'a jamais dit et moi je ne connais pas sa position. Il y a des gens qui ont dit publiquement qu'ils sont contre, qui sont parmi nous, des grands leaders, que ce soit de la société civile, des jeunes etc. Pourquoi on pense que ces gens qui ont été honnêtes et n'ont pas la carrure on prend quelqu'un dont on ne connait pas la position. On ne sait pas s'il était pour ou contre et maintenant tout le monde peut s'en réclamer. Troisième raison, je pense que ce n'est pas quelqu'un qui va être en phase avec le mouvement. Est-ce qu'il sera en phase à 72 ans ? Il est rentré au Burkina en 2011, au moment où on commençait justement cette affaire et depuis, il ne s'est jamais exprimé. Il paraît qu'il était dans son poulailler et faisait pousser tranquillement ses poussins. Est-ce qu'il sera en phase avec les aspirations de tous ces millions de jeunes qui ont envahi la rue ? Est-ce que Michel Kafando vraiment est leur incarnation ? Je dis non. Dans tous les documents, on dit qu'il faut des jeunes et des femmes, mais en même temps, on dit qu'on ne veut pas que la transition soit dirigée par des jeunes sous prétexte qu'ils n'ont pas la carrure. Mais si ce sont les jeunes qui se sont battus, qu'ils prennent leur responsabilité et ils vont démontrer qu'ils en sont capables. Pensez-vous que parmi ces millions de gens, il n'y a pas des personnes qui peuvent assumer cette fonction ? Je dis non. Pourquoi aujourd'hui, on nous dédit cette capacité ? Moi franchement, cette histoire de Michel Kafando, je suis totalement contre, moi je n'ai pas fait ma révolution pour qu'on appelle des papis pour me diriger. Il y avait des papis qui étaient engagés, qui venaient à la place de la révolution à nos marches, on les connaît, mais des gens qui sont entre deux avions, New York- Paris et Ouagadougou et subitement, on trouve que ce sont eux qui sont patriotes, mais il y a plus patriote qu'eux. Les patriotes pour moi, ce sont ceux-là même qui ont accepté déclarer qu'ils sont contre le projet de Blaise Compaoré.

Pensez-vous que l'attelage Zida-Kafando va tenir ?

Je ne suis pas un devin, je ne sais pas, mais déjà je suis contre cet attelage. Je le dis clairement. Kafando, ce sont eux qui l'ont amené, ensuite, Zida devient Premier ministre, puis l'armée a des postes au CNT, je suis sûr que sur les 25 postes du gouvernement, l'armée aura 10 places, mais finalement où se trouve la transition civile, si ça doit se passer comme ça? Moi je suis désolé, mais les gens ne font pas de bonnes lectures, on se contente du superficiel. Au RSP, il y avait un numéro un, c'est le colonel Kéré, Zida n'était que le second, ensuite, au-dessus d'eux, se trouve Diendéré qui était le chef d'état-major particulier de la présidence. Vous pensez que sincèrement Zida peut venir faire de l'ombre à ces deux personnes ? Il surgit comme ça, sous prétexte que les troupes n'aimaient pas les deux. Zida, ce sont eux qui dirigeaient les troupes ? Mais, vous ne voyez pas que quelque chose n'est pas claire ? Soyons sérieux quand même.

Est-ce le scénario Jean-Baptiste/ Thomas Sankara ?

Moi en tant que sankariste, si c'est ce scénario, tant mieux, j'applaudirais, mais je pense que ce n'est même pas ce scénario. Moi je sens qu'il y a quelque chose qui n'est pas claire. Je suis désolé, je n'ai pas les preuves, je n'ai pas peut-être les arguments, mais je sais qu'en mon for intérieur, il y a trop de zones d'ombre, si vous regardez comment, cela s'est passé. Si c'était aussi facile que Zida prenne le pouvoir, donc il pouvait depuis longtemps, faire un coup d'Etat. Cela veut dire qu'au sein du RSP, Diendéré, Kéré et Blaise n'étaient rien, Blaise ne maîtrisait rien. Arriver à décagnoter le chef d'état-major de la présidence, décagnoter Diendéré qui était son supérieur, son premier supérieur, le commandant Kéré et, vous pensez que c'est par l'intelligence, la force de Zida. S'il avait une telle force, je vous assure qu'il n'y aurait pas eu la sérénité au sein du RSP, durant tous ces 27 ans, ça je suis sûr.

Avez-vous confiance à la transition engagée ?

Non, au vu de ce que j'ai dit, je ne peux pas avoir confiance, pour vous dire la vérité, j'attends de voir. Mais ce dont je suis sûr, la révolution a été confisquée. Tous ces gens qui sont sortis, c'est la désillusion totale, ce n'est pas ce scénario qu'on avait imaginé, on a volé notre révolution et c'est ce qui s'est passé en Egypte, en Tunisie, en Libye. Le peuple a fait un premier saut, mais il y a un deuxième saut à faire et au Burkina aussi, il faut qu'on fasse ce deuxième saut, sinon le premier ne suffit pas.

L'UNIR/PS va-telle présenter un candidat dans 1 an ?

L'UNIR, ce n'est pas moi seul, donc je ne saurais pour le moment, vous donner une réponse, mais c'est sûr que dans les mois à venir, la position de l'UNIR sera connue par rapport à cette question de la présidentielle de 2015.

Propos recuelli par
G. Lévi Constantin KONFE & Pélagie Ouédraogo

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