Le moins que l'on puisse dire, c'est que la nouvelle loi électorale est taillée sur mesure. En effet, l'article 135 du nouveau code électoral qui introduit des clauses frappant d'inéligibilité certains Burkinabè est une fatwa qui légitime au forceps les velléités d'exclusion qui animent certains acteurs de la Transition et cela en totale contradiction avec l'esprit et la lettre des dispositions de la Charte de la Transition dont l'inclusion est une valeur de référence. Par ailleurs, ce fameux article 135 est la traduction d'une lecture biaisée et orientée à souhait des dispositions de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance sur laquelle le gouvernement ZIDA s'est fondé pour pouvoir mettre hors course des caciques de l'ex-majorité aux élections couplées du 11 octobre 2015 et aux municipales de janvier 2016.
Il faut dire que dès lors que la décision hasardeuse d'introduire dans le code électoral des critères d'inéligibilité devant écarter tous les bonzes de l'ex-majorité a commencé à trottiner dans la tête des uns et des autres, le gouvernement ZIDA n'a cessé d'en faire dans la désinformation en interprétant de façon tendancieuse l'article 25 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance dont l'alinéa 4 dit ceci : « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l'ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat ». Evidemment, en cette disposition, les partisans de l'exclusion qui, selon leurs déclaration, n'ont pu mener leur « révolution » jusqu'au bout, trouvent le palliatif pour remettre en chantier leur projet qui est d'empêcher que ne survivent les structures politiques qui ont soutenu l'ancien régime. Aussi, le gouvernement, à travers le ministère en charge de l'Administration territoriale, a-t-il, on le sait avec l'apport intellectuel des éminences grises de certaines OSC, pondu un alinéa odieux à l'article 135 du nouveau code électoral qui viserait à exclure du jeu politique « les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l'alternance démocratique notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement ». Une telle disposition ne cache-t-elle pas une arrière-pensée de ses auteurs ? Eh bien, quoique cette « loi Chériff SY », du nom du président du CNT qui aurait été le principal auteur de l'alinéa 4 de l'article 135 querellé,veuille établir un parallélisme des formes entre le projet de loi de la révision de l'article 37 de la Constitution burkinabè initié par le pouvoir déchu et l'article 25 de la Charte africaine de la démocratie qui prévoit des sanctions en cas de changement anticonstitutionnel de gouvernement, on se perd en conjectures pour deux raisons fondamentales. Tout d'abord, parce qu'en parcourant l'article 23 de ladite Charte africaine, qui liste les critères de changement anticonstitutionnel (tout putsch ou coup d'Etat contre un gouvernement démocratiquement élu ; toute intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, toute intervention de groupes dissidents armés ou de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l'issue d'élections libres, justes et régulières ; tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l'alternance démocratique), on se demande s'il y avait encore de quoi fouetter un chat à partir du moment où le projet de loi de la révision de l'article 37 a été annulé par le président Blaise COMPAORE avant sa démission. Le constat est qu'il n'y a pas eu modification de l'article 37 de la Constitution.
La révision de l'article 37 avait prévu la limitation des mandats présidentiels
Allons même dans l'hypothèse selon laquelle le projet de loi de la modification de la Constitution avait été adopté par l'Assemblée nationale, le 30 octobre 2014. Le fameux alinéa 4 de l'article 25 de la Charte ne saurait être opposé à quiconque de l'ex-majorité en ce sens que cette révision constitutionnelle prévoyait la limitation des mandats. Le projet de loi de la révision de l'article 37 stipulait : « Le Président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible deux fois ». Bonnes gens, en quoi cette disposition portait-elle atteinte au principe de la limitation des mandats présidentiels ?
Soit dit en passant, il sied de reconnaitre que l'alinéa 4 de l'article 135 du nouveau code électoral visant à éliminer de fait les candidatures des leaders charismatiques de l'ex-majorité aux prochaines consultations électorales viole l'esprit et la lettre des alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la Charte africaine de la démocratie qui stipule que non seulement «les Etats parties renforcent le principe de la suprématie de la Constitution dans leur organisation politique (alinéa 1)» mais surtout que « Les Etats parties doivent s'assurer que le processus d'amendement ou de révision de leur Constitution repose sur un consensus national comportant, le cas échéant,le recours au référendum (alinéa 2).» Il faut le dire, l'article 135 de la nouvelle loi électorale a une forte dose de justice des vainqueurs. Mais enfin!
Drissa TRAORE