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Nouveau code électoral : Un tir de barrage venu de la CEDEAO

| 14.07.2015
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Nouveau code électoral : Un tir de barrage venu de la CEDEAO
© © Photo : DR / Autre Presse
Nouveau code électoral : Un tir de barrage venu de la CEDEAO
Décisive, la semaine que nous venons d'entamer le sera pour la suite de la Transition, à la croisée des chemins sinon des armes depuis le déclenchement de l'acte 3 du lassant spectacle d'épreuve de force entre le PM et le RSP. Alors qu'on était dans l'angoissante attente de l'arbitrage du président Kafando, engagé dans un marathon de concertation avec les forces vives de la nation, voilà que la toge vient en rajouter à une situation déjà perturbée par les armes.


En effet, la Cour de justice de la CEDEAO a rendu sa décision sur le contentieux qui oppose l'Etat burkinabé à l'ancienne mouvance présidentielle au sujet du nouveau Code électoral adopté le 7 avril 1015 par le Conseil national de la Transition (CNT).

Dans son verdict tombé (c'est vraiment le mot) hier lundi 13 juillet 2015, la juridiction communautaire a purement et simplement retoqué le texte querellé.

Après avoir rejeté, dans la forme, « les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité soulevés par l'Etat du Burkina Faso », la Cour a conclu, dans le fond, que « le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n°005-2015/CNT du 07 avril 2015, est une violation du droit de libre participation aux élections » et ordonné « en conséquence à l'Etat du Burkina de lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification » avant de condamner « l'Etat du Burkina aux entiers dépens ». (Lire aussi page 8)

En cause dans ce nouveau code : les articles 135, 166 et 242, qui frappent d'inéligibilité respectivement aux élections présidentielle, législatives et municipales « toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l'alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels, ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement ».

Vent debout contre une « loi exclusion » en violation flagrante du principe d'inclusion que consacrent à la fois la Constitution et la Charte de la Transition, le CDP et plusieurs partis de l'ex-majorité avaient saisi le Conseil constitutionnel aux fins de déclarer inconstitutionnelles les dispositions contestées. Mais dans leur décision rendue le 7 mai dernier, les grands jugent avaient déclaré irrecevable la requête du CDP et Cie.

De guerre lasse, les requérants ont alors saisi la Cour de la CEDEAO aux mêmes fins que celles pour lesquelles ils ont été déboutés au plan national.

La suite, on la connaît. Pour un coup de tonnerre dans le ciel pourtant serein du CNT, c'en est vraiment un. De même que sur le toit des officines politiques qui pullulent dans les eaux troubles des OSC. Quant aux intellectuels « deux cerveaux » qui ont écumé les studios de télé et les rédactions de la presse écrite pour soutenir la conformité du texte avec les traités de la même CEDEAO, les voilà désormais Gros-Jean comme devant. Les voilà donc piteusement renvoyés à leurs classiques sur le droit international. En somme, c'est l'ensemble de la Transition qui vient d'être ainsi recadrée.

La camisole d'infamie forcée dont il ont voulu vêtir des adversaires politiques vient de se déchiqueter entre leurs mains.

Que l'on s'entende bien. Si nous nous réjouissons du verdict tombé d'Abuja, ce n'est pas parce qu'il est favorable aux anciens partisans du projet de modification de l'article 37. Loin s'en faut. De tout temps, nous avons été pour le principe de la limitation des mandats. Voici d'ailleurs ce que nous écrivions déjà dans notre éditorial du 20 octobre 2009 : « Le Facilitateur aura-t-il besoin d'un facilitateur ? Une chose est sûre, à foncer tête basse dans le mûr, le facilitateur, qui prescrit pour les autres des ordonnances que lui-même gagnerait à appliquer à titre préventif, pourrait bien avoir besoin à son tour d'un facilitateur s'il n'y prend garde. Sans jouer les Cassandre, aujourd'hui c'est la Côte d'Ivoire, le Togo, la Guinée, demain, ça pourrait bien être la Patrie des hommes intègres, dans la mesure où le cocktail de frustrations politiques, de difficultés sociales et le sentiment d'accaparement des richesses nationales par un clan prébendier pourrait s'avérer détonnant... Le jour où ça va péter, ils ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas été prévenus ».

Et bien avant cela et jusqu'au jour de l'insurrection qui a eu raison de l'entêtement de Blaise Compaoré à vouloir faire sauter le verrou constitutionnel, notre position n'a pas varié d'un iota. C'est notre philosophie quel que soit le régime en place.

Cela dit, si nous n'avons pas goûté à l'alchimie médicamenteuse servie par le gouvernement puis avalée avec délectation par l'écrasante majorité, c'est parce que l'exclusion, dont elle est le principe actif, contient des agents pathogènes autrement plus nuisibles que le mal à combattre.

Sans jouer aux prophètes après coup, disons que ce qui est arrivé était prévisible. Juriste lucide et bien avisé parmi tant d'autres, le jeune professeur Abdoulaye Soma, lors d'une interview qu'il nous avait accordée, a eu le courage intellectuel de relever les limites de la « loi Cherif ».

D'ailleurs, avait-on besoin d'être un juriste de haut vol pour savoir que ce nouveau code électoral ne saurait prospérer devant aucune juridiction digne de ce non ? La formulation des dispositions mises en cause présageait déjà son sort. Leurs contenus sémantiques, conçus au mépris des principes de clarté, de simplicité et d'intelligibilité de la loi, relève plus de l'orgie émotionnelle que de la légistique.

C'est sûr, de « petits malins », pour reprendre l'expression du PM Zida, sans pour autant regarder dans la même direction que lui, rivaliseront de funambulismes juridiques et de marches pour s'opposer à un tel verdict.

Maintenant que la décision de la Cour communautaire a été rendue et, comme on le sait, est insusceptible de recours et contraignante pour les Etats, on fait quoi ?

La question mérite d'être posée étant donné que le Code électoral qui vient d'être remis en cause ne peut être immédiatement relu sous peine de tomber de nouveau sous le coup des textes de la même CEDEAO qui interdisent aux Etats toute révision des lois électorales six mois avant les scrutins.

Une véritable quadrature du cercle qu'il faudra, à défaut de la résoudre, trouver les moyens de contourner dans l'intérêt supérieur de la nation.

Le chef du gouvernement, lors d'une rencontre avec le nouveau bureau exécutif du CDP, avait promis que si le code venait à être rejeté par la justice, il le ferait relire. Mais vu les obstacles dirimants qui s'opposent à sa relecture dans les circonstances de temps que nous venons d'évoquer, ne serait-il pas sage de laisser cette loi mourir de sa propre mort ? Autrement dit, ne plus s'en référer pour la présidentielle, les législatives et les municipales à venir ?

Une loi qui n'est pas appliquée meurt inexorablement de sa belle mort. Alors, arrêtons d'entretenir le monstre du CNT jusqu'à ce que mort s'en suive.

Alain Saint Robespierre

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