Nouveau code électoral: a-t-on vraiment pris toutes les précautions nécessaires?

| 22.06.2015
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Réunis en séance plénière, le vendredi 10 avril 2015, les députés de la transition Wilfried Zoundi et Marie Madeleine Somda ont interrogé deux ministres sur des sujets d’intérêt national. Au parloir de l’hémicycle, le ministre en charge de l’éducation nationale, et celle en charge de la promotion de la femme ont donné des explications sur les problématiques liées aux cantines scolaires, au continuum éducatif et à l’utilisation des fonds d’appui aux activités féminines. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
© © Photo : DR / CNT
Réunis en séance plénière, le vendredi 10 avril 2015, les députés de la transition Wilfried Zoundi et Marie Madeleine Somda ont interrogé deux ministres sur des sujets d’intérêt national. Au parloir de l’hémicycle, le ministre en charge de l’éducation nationale, et celle en charge de la promotion de la femme ont donné des explications sur les problématiques liées aux cantines scolaires, au continuum éducatif et à l’utilisation des fonds d’appui aux activités féminines. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
Parmi les analyses et critiques faites sur le nouveau code électoral, s'il y a bien une qui ne manque pas de tiquer, c'est celle qui émet la probabilité de l'existence d'une faille rendant l'exclusion des pros référendum avorté difficile, voire impossible. En effet, cette analyse relève une nuance de termes qui pourrait bien être interprétée par les anciens dignitaires du régime Compaoré et leurs alliés révisionnistes concernés.


Le siège du Parlement de la Transition. Les députés ont-ils adopté le bon texte?

La nouvelle loi électorale frappe en effet d'inéligibilité «...toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l'alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandat présidentiel ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement». Les critères à remplir pour tomber sous le coup de cette disposition sont donc le soutien ouvert, un changement anticonstitutionnel ayant porté atteinte au principe de l'alternance démocratique, et l'insurrection populaire, conséquence de ce changement anticonstitutionnel.

Or, si l'on prend le cas de l'insurrection d'octobre dernier, elle a été provoquée par une tentative de changement dont le caractère anticonstitutionnel reste à prouver, en l'occurrence la tentative de modification de l'article 37. Il s'agit donc là, d'abord, d'une tentative de changement et non d'un changement, ensuite d'une tentative que la Constitution elle-même n'interdit pas. En somme, il y a eu, certes, des velléités indécentes et impopulaires de changement qui, non seulement, n'étaient pas anticonstitutionnelles, mais n'ont pas aussi abouti, même si, pour empêcher leur aboutissement, il a fallu une insurrection populaire.
Il fallait donc, comme l'a suggéré le juriste fiscaliste Bernard Tago, pour lever toute équivoque, inclure la tentative de changement anticonstitutionnelle dans les actes pouvant conduire leurs auteurs à l'inéligibilité. Cette nuance non moins importante a-t-elle vraiment échappé aux initiateurs du projet de loi portant modification du code électoral et au législateur qu'est le Conseil national de la Transition (CNT)? N'est-ce pas, du reste, dans une telle brèche apparente, que Djibrill Bassolé compte se glisser pour tenter de faire passer sa candidature? Existe-t-il d'autres dispositions pouvant pallier cette insuffisance afin de permettre d'infliger à tous ceux qui ont soutenu la modification de l'article 37 la sanction qu'ils méritent amplement? Car, en réalité, c'est ça le véritable enjeu national.

Pour que plus rien ne soit vraiment comme avant, il faut que ceux qui ont posé des actes ayant contribué à la tuerie de jeunes insurgés et à l'incendie d'infrastructures publiques dont l'Assemblée nationale en subissent des conséquences à la hauteur de leur lâche projet. Il y a sûrement de quoi inquiéter ceux qui ont aidé Blaise Compaoré dans son entêtement à vouloir dégrader la loi fondamentale burkinabè dans le nouveau code électoral ou dans d'autres textes. Et comme le droit aussi se prête à l'exercice de l'interprétation, le Conseil constitutionnel aura certainement un argument de taille pour leur barrer la route qui mène à Kosyam. Sinon, ceux-ci ne se seraient pas précipités de saisir le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la CEDEAO s'ils n'avaient rien à craindre. A moins que, comme ils l'ont déjà prouvé dans leurs actions et propos irréfléchis, ils ne soient aveuglés par l'obsession qu'ils ont à se considérer comme des sorciers contre lesquels la Transition a engagé une chasse. Toutefois, il n'est point superflu de considérer les différents points de vue des juristes pour se poser la question de savoir si l'on s'est vraiment entouré de toutes les précautions nécessaires à une exclusion juridiquement irrécusable de tous ceux qui on participé à la récente ignoble entreprise de tentative de tripatouillage de la Constitution burkinabè. Pour que, si cela est nécessaire, l'on rectifie le tir pendant qu'il est temps, même si pour ce faire il faille relire à nouveau le code électoral. N'en déplaise à ceux qui n'ont pas eu l'intelligence de stopper l'ancien régime dans son funeste projet, et qui s'arrogent aujourd'hui le droit d'exiger avec condescendance une inclusion aveugle qui s'étendrait même aux brebis galeuses.

Les Echos du Faso

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