Assemblée Nationale : Le sort du Burkina s’y joue, ce matin

| 30.10.2014
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Assemblée Nationale : Le sort du Burkina s’y joue, ce matin
© DR / Autre Presse
Assemblée Nationale : Le sort du Burkina s’y joue, ce matin
Le 21 octobre dernier, le chef de l'Etat burkinabè a décidé, de faire tomber définitivement, les masques : il est intéressé par un 3e mandat en 2015, voire plus, si affinités... L'article 37 nouvelle version, permet s'il est adopté par les députés ou par référendum au président du Faso, de se représenter en 2015, et même deux fois par la suite.

 

Ce genre de comportement n'est ni une surprise au Burkina, ni sous d'autres cieux africains où quand vient l'heure de passer la main, les locataires des palais présidentiels, souvent devenus permanenciers des lieux, trouvent des subterfuges, pour abroger l'inopportun garde-fou (qu'est l'article limitant les mandats) et s'y maintenir.

En RD Congo, Kabila Junior, se fait silencieux, depuis le palais de la Gombe, mais tous les Congolais savent qu'il lorgne un autre mandat pour y demeurer, après 2016.L'ex-professeur de sport, Pierre N'Kurunziza du Burundi, joue bien son jeu, mais ses compatriotes n'ignorent pas qu'il a des velléités de rester président.En traversant le fleuve qui sépare les deux Congo, on retrouve également, le Mbochi, Sassou N'Guesso, lui aussi emmurédans un silence tombal, laissant ses partisans et autres «embusqués» (ceux qui le sondent pour savoir si oui ou non, il se représentera, afin de sortir leurs propres cartes) supputer, mais vraissemblablement, il franchira à coup sûr, le Rubicon.Quant à cet autre homme fort du Rwanda, Paul Kagamé, il est impensable que le pays aux mille collines qu'il a transforméen Singapour africain, puisse évoluer après 2016, sans lui.

Notre défunt confrère camerounais, Pius NJawé (que Dieu l'agrée) avait mis à nu le scénario qdont usent et abusent ces chefs d'Etat avides de pouvoir à vie : on laisse dans un premier temps, ses ouailles s'échauffer pour réclamer le maintien du président. Ce dernier fait mine de ne pas entendre les supplications de son peuple, et puis in fine, consent à se représenter. Bien sûr, il y a souvent du grabuge, mais il suffit de distribuer strapontins ministériels et prébendes, et le tour de passe-passe constitutionnel passe comme une lettre à la poste, et les manifs cessent. Malheureusement, cette mise en scène est de plus en plus mise en échec car éculée et parce que politiquement, les peuples ont gagné en maturité.

En 2009, le Nigérien Mamadou Tandja avait failli réussir, avec son «Tazarché», («ça n'a qu'à continuer» en langue haoussa), cette pirouette sémantique qu'il avait introduite dans le langage politique pour réclamer 3 ans de bonus. Las !

Décidée en conseil des ministres extraordinaire du 21 octobre 2014, et introduite au parlement dès le lendemain, qui l'a inscrite fissa dans son agenda des projets à examiner, la nouvelle mouture de l'article 37 passera en vote d'appréciation et d'adoption ce matin, sur le coup de 10 heures.

A bien des égards, le sort du Burkina était jeté il y a un peu plus d'une semaine. Mais c'est ce 30 octobre que Blaise joue son avenir et par la force des choses, un avenir consubstantiel à celui du Burkina. Hélas, l'Afrique, donc le Burkina, avait toujours faim de héros, d'hommes providentiels, surtout dans les années 80, et le destin du pays des hommes intègres se trouve intimement lié ces 30 dernières années, à celui qui en était le deus ex machina politique : Blaise Compaoré.

En décidant de se maintenir au pouvoir envers et apparemment contre tous, Blaise joue gros et il le sait. Entraînant du même coup, le Burkina avec. En effet qu'on soit un Paganini du droit constitutionnel ou simple quidam, et ils sont nombreux, comme ceux qui ont ceinturé le parlement ce matin, afin d'empêcher les députés d'y accéder, ce qui, soit dit en passant, s'avère puéril, tant le pouvoir a pris le devant, nul n'ignore qu'il n'y a pas 36 solutions réservées à cette loi :

soit elle est examinée et adoptée aux ¾ par les honorables élus, et ensuite, promulguée et l'actuel locataire peut se mettre sur la ligne de départ de la présidentielle de novembre 2015 ;soit elle recueille la majorité simple, 64 députés et voici venu le jour du référendum.

Les optimistes disent que tout est déjà plié, car arithmétiquement en effet, 70 députés du CDP + 18 de l'ADF/RDA et 10 de la CFR, et si on ajoute le non-inscrit UNDD, le compte sera bon. Pourtant ceux qui font benoitement ces calculs tablant sur l'introduction du projet de loi, dans l'ordre du jour, le 23 octobre, vote qui avait recueilli 98 voix peuvent avoir tout faux. En effet, c'est oublié un détail capital : ce vote s'est effectué à main levée. Or, pour tout vote constitutionnel et le règlement intérieur de l'Assemblée nationale est limpide là-dessus, c'est à bulletin secret. C'est dire qu'aujourd'hui, nul devin ne peut prédire ce qui sortira des urnes, lors du dépouillement par les huissiers. Fumée noire ou fumée blanche tel un conclave cardinalice ? On peut même pinailler sur ce qui pourrait être un vice de forme en ce qui concerne la procédure qui comporte deux étapes obligatoires : le vote d'appréciation et celui de l'adoption. Les députés respecteront-ils ces deux étapes fondamentales ? Rien n'est moins sûr.

Mais quel que soit le cas de figure que dessineront les représentants du peuple, le pays risque d'être sens dessus-dessous, tant l'article 37 a accouché de 2 Burkina : ceux qui veulent continuer avec Blaise et ceux qui appellent à cor et à cri, l'alternance en 2015.

La radicalisation des discours, et les menaces à peine voilées de part et d'autres, n'augurent rien de bon au Burkina. D'ou viendra avec la catharsis appropriée pour le Burkina ? Quel médiateur pour le pays du médiateur es crises sous- régionale ?

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