Assemblée Nationale : La sorcellerie en question

| 18.11.2013
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Assemblée Nationale : La sorcellerie en question
© DR / Autre Presse
Assemblée Nationale : La sorcellerie en question
Lors de la séance de questions orales au gouvernement, le vendredi 15 novembre 2013, la députée Sita Ouattara a interpellé le ministre en charge de l'action sociale, Alain Zoubga, sur le meurtre en avril dernier, d'une femme accusée de sorcellerie.

« Une mère de famille de 49 ans, accusée de sorcellerie, a été lynchée par des habitants du village de Logobou dans la province de la Tapoa (...) Quelle est la suite donnée à cet acte odieux ? ». Telle a été la question de la députée Sita Ouattara, adressée au ministre de l'Action sociale et de la Solidarité nationale, Alain Zoubga. Et la députée de poursuivre : « quelles dispositions avez-vous prises ou entendez-vous prendre pour que de tels actes barbares et humainement inacceptables ne soient perpétrés sur des citoyens de façon générale, et en particulier sur des femmes sans défense ? ». Répondant aux questions, le ministre Alain Zoubga a souligné avec amertume qu'au Burkina Faso, le phénomène des personnes accusées de sorcellerie ou de mangeuse d'âme se répand chaque jour davantage. Dans la plupart des cas, a-t-il précisé, les accusés sont des femmes sans défense qui sont chassées de leur village et voient leurs biens détruits. « Abandonnées par les siens, il arrive qu'elles se donnent la mort. Elles n'ont pour unique et dernier recours que les structures et centres d'accueil de l'Action sociale », a diagnostiqué Alain Zoubga. Pour le cas de l'infortunée de Logobou, ce sont « des devins » qui l'auraient accusée d'avoir tué par sorcellerie au mois de mars, un jeune du village « en mangeant son âme ». C'est alors que le 11 avril, une horde de jeunes a organisé une descente au domicile de la vieille dolotière qui a été lynchée sous le regard de son benjamin de 13 ans. « Suite à cet acte inqualifiable qui heurte la conscience individuelle et collective, j'ai instruit la direction provinciale de mon département, de procéder à l'accompagnement psycho-social du mineur, d'organiser des rencontres avec les familles meurtries, avec les leaders communautaires, d'insister sur la nécessité d'une vie communautaire afin que chacun ait sa place », a expliqué Alain Zoubga.

Un plan d'action en manque de financement

Concernant le phénomène au plan national, les pourcentages varient de 0,6% dans la province du Sanguié à 34% dans celle du Kourwéogo. Il y a une autre réalité, a insisté le ministre, parce que ces chiffres ne prennent pas en compte les personnes « indexées et marginalisées » qui vivent toujours dans leur communauté, les présumées disparues, etc. Son ministère entend renforcer la protection des personnes accusées de sorcellerie par la mise en œuvre diligente du plan d'action dont l'objectif est de créer un environnement social favorable à l'élimination de l'exclusion sociale des personnes accusées de sorcellerie au Burkina Faso.
Malheureusement, a regretté le ministre Zoubga, ce plan manque de financement. Néanmoins, à l'écouter, des actions ont déjà été mises en œuvre. Ainsi, dans la province du Passoré, au palais royal de sa Majesté Naaba Sigri de Yako, des responsables de l'Action sociale ont rencontré plusieurs chefs coutumiers autour de la question de la sorcellerie. Il a fait remarque que les hommes sont toujours au centre du phénomène, car en général, ce sont eux qui décident de la personne à accuser. C'est pourquoi ce sont les femmes qui sont en majorité victimes de la situation. Pour endiguer le phénomène, selon Alain Zoubga, le gouvernement débourse chaque année, une subvention de 25 millions F CFA au profit des centres d'accueil et des cours de solidarité. La prise en charge psycho-sociale, alimentaire, sanitaire des pensionnaires, l'organisation en mai 2013 de la journée du dialogue social, la mise en place d'un réseau de veille et d'alerte... sont des mesures déclinées devant la représentation nationale par le ministre. La construction du nouveau centre de Sakoula d'un coût de 416 millions de F CFA au profit des femmes du centre Delwendé fait partie des actions entreprises par le gouvernement. Cependant, a reconnu Alain Zoubga, il reste encore d'énormes efforts à consentir, surtout au niveau culturel pour amener le changement de comportement. In fine, le ministre Zoubga a interpellé l'Assemblée nationale afin que la proposition de loi portant répression d'accusation de sorcellerie et des acteurs de violences sur des personnes accusées de sorcellerie au Burkina Faso soit suffisamment débattue et adoptée au profit des pauvres personnes sans défense.

Bachirou NANA

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