Au-delà de ces deux sentiments légitimes, le sentiment de satisfaction qui vaille et qui doit être partagé par tous est celui suscité par le choix des deux parties de régler leurs divergences de la manière la plus démocratiquement élégante qui soit, en s'en remettant à la justice sous-régionale. Vivement que la suite, c'est-à-dire la mise en application diligente et conforme de la décision de justice non susceptible d'appel, et son acceptation ou sa remise en cause par les requérants suivent la même voie légale et pacifique. Car, en réalité, c'est cette étape de l'affaire qui déterminera tout en indiquant en même temps qui, des irréductibles partisans de l'inclusion sans condition et des farouches défenseurs de l'exclusion ciblée, aura finalement remporté cette bataille.
Et l'application de la décision suivra sûrement la voie tracée par la motivation des juges et certains de leurs commentaires qui, en réalité, sont des sillons dans lesquels l'on peut marcher pour faire des aménagements qui respectent les dispositions internationales. La Cour ouest-africaine qui a déclaré que le code électoral du Burkina Faso tel que modifié le 7 avril dernier consacrait «la violation du droit de libre participation aux élections» et ordonne l'Etat burkinabè à lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification a, en effet, évoqué également la possibilité d'une exclusion qu'elle a désignée par le terme «restriction». Elle a, en outre, précisé que ces sanctions restrictives doivent se limiter aux seuls dirigeants au moment de l'accomplissement des faits incriminés, sans s'étendre aux citoyens ordinaires. En termes plus clairs, la juridiction sous-régionale, dont le rôle, comme elle l'a elle-même rappelé dans sa décision, n'est ni de se substituer aux juridictions nationales ni de se lancer dans des propositions de reformulation de leurs textes querellés, suggère en des termes à peine voilés la possibilité de frapper d'inéligibilité des membres du gouvernement, des députés, mais pas des citoyens Lambda. Les tripatouilleurs du régime de Blaise Compaoré ne s'en tireront donc point à bon compte comme ils semblent le croire.
Au contraire, ils ont, à travers leur action judiciaire, permis à l'Etat, nonobstant sa condamnation aux dépens entiers qui lui coûtera quand même de l'argent en cette période d'austérité, de rectifier utilement le tir pour éviter de gérer de nombreux contentieux électoraux, voire d'être obligé de reprendre l'élection en cas de contestation après-résultats par une décision de justice d'invalidation de candidature. Ce qui reviendrait encore à engager d'énormes sommes, que l'on n'est même pas sûr de pouvoir réunir, auquel cas pourrait naître une crise post électorale consécutive à une incapacité de reprendre le scrutin. Le mauvais vin est donc loin d'être tiré pour que le gouvernement de la Transition soit obligé de boire l'amère coupe jusqu'à la lie. Il a encore sûrement le temps pour rechercher de meilleurs palmiers pour un meilleur breuvage.
L'erreur fatale qu'il devra éviter à l'avenir, ce sera celle consistant à ne pas prendre toutes les précautions nécessaires pour proposer des dispositions inattaquables. Un homme prévenu en vaut deux, et l'aveugle juridique qu'il a été doit placer ses testicules en lieu sûr pour éviter que l'on les piétine une deuxième fois.
Les Echos du Faso