Nation: le pouvoir s’entête, l’opposition s’inquiète, la CENI s’apprête

| 12.08.2014
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Nation: le pouvoir s’entête, l’opposition s’inquiète, la CENI s’apprête
© DR / Autre Presse
Nation: le pouvoir s’entête, l’opposition s’inquiète, la CENI s’apprête
Référendum. Voici un mot qui alimente les débats dans la classe politique et de l’opinion publique burkinabè. On ne cesse d’en parler à longueur de journées dans les lieux publics et privés. Y aura-t-il ou non un référendum pour réviser l’article 37 de la Constitution et permettre au président Blaise Compaoré de s’éterniser au pouvoir après 28 ans de règne? La question titille les lèvres dans les villes et villages.

 

REFERENDUM – Sur cette question d’actualité, les commentaires et polémiques vont bon train avec, surtout, la sortie médiatique du président du Faso (PF) depuis Washington en marge du Sommet Etats-Unis/Afrique. En réplique au président américain Barak Obama qui préférait des institutions fortes à des hommes forts en Afrique, Blaise Compaoré a indiqué qu’il n’y a pas «d’institutions fortes sans hommes forts». Ce qui pourrait sous-entendre qu’il a endossé la responsabilité de s’ériger désormais et de façon officielle comme étant «l’homme fort du Faso».

Certes, le président Obama n’a pas voulu «gâcher» la fête lors du Sommet. En revanche, force est de reconnaître que ces propos de Blaise Compaoré ne seront pas sans conséquences dans les relations entre les deux présidents. L’administration Obama connaît, dorénavant, un peu plus la position du PF au sujet du tripatouillage des constitutions. Elle ne manquera surtout pas, le moment venu, de montrer que le film dans lequel Blaise Compaoré a joué le rôle du personnage de héros «Zéro» n’est pas terminé.

D’ailleurs, l’histoire a démontré que tôt ou tard, l’on ne défie pas gratuitement les Américains. C’est une triste réalité qu’il ne faut pas occulter, ni balayer du revers de la main. Les cas des anciens présidents dont Mouammar Kadhafi de la Lybie, Saddam Hussein de l’Irak, Charles Taylor du Liberia et de l’ancien n°1 d’Al Qaeda, Oussama Ben Laden, constituent des preuves concrètes. Ce qui leur était arrivé devait au moins convaincre et dissuader le PF à plus de modestie et de sagesse dans ses déclarations. Ce qui est déplorable dans cette situation est que le Burkina Faso tout entier pourrait payer un lourd tribut de la plausible réaction des Américains.

Des présidents comme Joseph Kabila de la RDC, Denis Sassou N’Guesso du Congo-Brazza ont préféré faire profil bas, le temps du sommet. Ils sont conscients des dangers que peut créer pour eux toute tentative de comportement belliqueux vis-à-vis de la toute-puissante Amérique, ce qu’a ignoré le président Compaoré.

Si celui-ci se considère comme l’homme fort du pays, que les «institutions fortes» notamment le Conseil constitutionnel, l’entendent aussi de cette oreille. Ce Conseil dont était membre le juge Salifou Nébié mort dans des conditions suspectes non encore élucidées devrait assumer son rôle d’institution en empêchant «l’homme fort» (Blaise) de modifier la Constitution. On a vu le cas au Niger où la présidente de la Cour constitutionnelle nigérienne s’était opposée à l’ex-président Mamadou Tandja auquel le PF veut emboîter le pas.

Tout comme Tandja qui voulait prolonger son mandat par le ‘’tazartché’’ pour achever, avait-il dit, ses chantiers, Blaise parle aujourd’hui de chantiers qui le préoccupent plus. «Il faut dire que 2015, ça reste quand même loin. Oui c’est vrai pour moi. Parce que j’ai des chantiers sur lesquels c’est beaucoup plus préoccupant pour moi que de parler de ces élections». Telle est la réponse du PF à des journalistes de médias internationaux dont RFI qui lui ont posé la question de savoir s’il a l’envie ou pas de se représenter en 2015.

Dans la même interview, Blaise a affirmé «ne pas exclure le référendum» qui est, dit-il, «un instrument pour départager les citoyens». «Il faut un référendum» a-t-il souhaité dans une autre interview accordée à la BBC avant de mettre de l’eau dans son vin pour dire, à la radio «La voix de l’Amérique», qu’il n’avait pas affirmé qu’il y aurait un référendum.

NON AU REFERENDUM Dès lors, il est difficile de cerner exactement la position du PF tant il n’est pas constant dans ses déclarations. Mais tout laisse à penser que le pouvoir de la 4e république s’entête à organiser le référendum malgré les gros risques liés à la stabilité et à la cohésion sociale.

A la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’on se prépare officiellement pour la présidentielle de 2015. Dans cette perspective, Me Barthélémy Kéré et son équipe ont rencontré les acteurs de la classe politique et de la société civile le 8 août à Ouagadougou. Le bilan de la révision du fichier électoral et l’installation des démembrements de la CENI à l’étranger ont été à l’ordre du jour. Sur l’éventualité d’un référendum, l’on ne semble pas se faire trop de souci. Les moyens ne feront surtout pas défaut en cas de référendum, nous a confié un membre du bureau de la CENI. «Si ceux qui veulent organiser un référendum prennent la décision de le faire, c’est qu’ils savent qu’ils mettront les moyens à la disposition de la CENI. Nous, on n’a pas de souci à se faire à ce sujet» a-t-il indiqué.

Alors que la CENI semble s’apprêter pour parer à toute éventualité concernant le référendum, l’opposition politique ne veut pas en entendre parler. Elle s’inquiète, du reste, de l’évolution de la situation. La volonté du pouvoir de tenir le référendum se précisant de plus en plus. Face à ce qu’il conviendrait d’appeler l’imminence apparente du référendum au Faso marquée par la récente sortie de Blaise, l’état-major permanent de crise installé par le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) qui veille au grain se fera sans doute entendre dans les prochains jours.

Visiblement, le pouvoir s’entête à vouloir l’organiser, l’opposition s’inquiète et la CENI qui se veut arbitre entre les 2 parties, s’apprête pour parer à toute éventualité.

Saïdou Zoromé

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